Saturday, July 09, 2011

D B – Et en nourrissant, vous serez nourri

(Deuxième bobine, début.)

« C’est des filtres, c’est des voiles, tout ça, c’est comme si votre âme s’était enfermée dans le voile de la beauté. Pourquoi pas ? C’est pas plus idiot qu’un autre voile, mais c’est toujours un voile. Voilà. Donc un voile est aussi un talent, mais le voile ne devient talent que quand il est dénoncé comme voile. Sinon on est au service du voile et ça marche plus. – Du coup, y a un effet de déconstruction, quand même. – Voilà, exactement. C’est parce qu’il y a déconstruction que le talent peut apparaître. – Ça, je le pense et je l’ai ressenti. Mais évidemment j’ai l’espoir qu’avec cette déconstruction, ça laisse passer ce dont l’autre aurait besoin, le monde aurait besoin. Mais j’agis pas là-dessus, mais j’ai l’espoir, en le déconstruisant, que quelque chose se passe. – Tout à fait. C’est comme ça que ça se passe. On ne peut pas agir. On ne peut agir que sur la déconstruction, en fait. Sinon, le reste, c’est de la scénarisation.
(…)
Le système, chez vous, il va, il devrait, il pourrait aller vers la déconstruction systématique des images. Ce serait un joli chemin, ça, d’ailleurs. (…) L’énergie pourrait très bien aller dans une qualité d’art-thérapie. Il s’agit pas d’être art-thérapeute, hein, c’est pas ça. Mais dans cette qualité-là en termes de jeu, de mise en scène, d’écriture, etc. – La confiance que j’ai dans mon travail me vient de la possibilité de faire du bien. – Plus vous lâchez l’image, la performance, la représentation, etc., vraiment plus l’intensité et l’impact sera important – Exactement. Ça s’appelle, c’est ce que disent certains artistes, « ne pas tricher ». – Tout à fait. Ne pas jouer avec vous-même. Ne pas jouer avec votre système. Ne pas laisser votre système se jouer de vous, plus exactement. Parce que ça va vous amuser, ça va amuser les autres, mais, du coup, pof, vous perdez l’intensité, vous perdez la direction, vous perdez la puissance. – Exactement. Et la responsabilité. – Et la responsabilité absolument. Et vous vous retrouvez de nouveau dans l’artiste de cour. – C’est intéressant parce que c’est une question centrale dans la poésie par exemple, est-ce que ça s’enferme ou ça s’ouvre sur le monde. – Exactement. Donc, l’âme, elle est revenue pour ré-ouvrir toutes ces capsules d’artistes, de créateurs anciens qui sont restés trop fermés sur leur propre module narcissique, pour que ça puisse être enfin redonner au monde, que ça puisse entrer en circulation. C’est là que cette dimension d’art-thérapie intervient, en fait. (…) On n’est plus dans l’image, on est dans l’expression de la réussite réelle – Mais, du coup, la réussite n’a plus le même sens. – Alors, non seulement, elle n’a plus le même sens, mais elle n’a plus d’intérêt. Elle est la cerise sur le gâteau. Elle est la conséquence normale du fait que vous redonnez au monde un potentiel de création du monde qui n’a pas été distribué dans les temps où il a été créé. – (…) C’est-à-dire aimer le monde plutôt que soi. – C’est le retournement. Absolument. Y a tellement de gens chez vous qui n’ont aimé que leur propre talent et leur propre corps et leurs propres capacités et leur propre imaginaire et leur propre voix, bon, etc. qu’ils ont cru que le monde devait les aimer à cause de cela et, le retournement, c’est d’aimer le monde grâce à cela, avec ces outils de beauté, avec ces outils de grâces, avec ces outils de voix. – C’est ça exactement sinon ça n’a pas de sens. – Sinon c’est bulle. – C’est ce que Kafka disait : « Dans le combat entre toi et le monde, seconde le monde. » Et c’est ce que Barbara, elle disait une très belle chose, elle dit souvent des très belles choses, elle dit : « Qu’est-ce que c’est que le talent, est-ce que finalement, ce n’est pas sourire, savoir sourire, d’entrer en scène et sourire. » Très beau. – Tout à fait. Contentez-vous pas de trouver ça très beau, mettez-le en pratique ! Parce que sinon, ça recommence ! (...) Voilà. C’est révéler la beauté de tous les êtres plutôt que d’affirmer la beauté du monde sur soi. Vous êtes, dans cette expérience humaine, invité à ce retournement-là. (…) Que votre beauté n’est que l’expression de la beauté du monde qui se contemple. – C’est ça. – Vers le monde, pas vers vous. Et, à ce moment-là, voilà, vous nourrirez au lieu de chercher à être nourri. Et en nourrissant, vous serez nourri. – Est-ce qu’il a besoin de se contempler, le monde ? – Il a besoin de se connaître. – Oui, on a vraiment, des fois, l’impression qu’il y a, en effet, beaucoup d’expérimentation dans le monde… » 19:30

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Perruque et chevaux réels


Kataline Patkaï, Charlie Fouchier.

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Un jour, vous verrez le cadavre de votre ennemi passer

Raphaël Marre avait demandé à son père quand il était petit comment faire pour draguer les filles. Et son père lui avait répondu : « Mon garçon, il faut que tu aies un point d’interrogation sur le visage. » C’est comme ça que Raphaël explique son « mystère » (son « charme » ?) et peut-être son « imprécision ». Il m’a envoyé beaucoup de sms ces derniers temps et dernièrement pour qu’on déjeune ensemble ou boive un café, etc. J’ai accepté, j’aime bien Raphaël que je ne vois pas souvent, pourquoi pas ? Il a un chalet dans un domaine naturiste où nous étions allés, Hélèna et moi… Il a fallu trouver, dans cette semaine si agitée – la semaine de tous les stress – qui avait commencé par une heure et demie sur une table allongé avec des électrodes partout comme chez le docteur Frankenstein – un cauchemar – et ensuite les abcès, les dentistes, les dents en moins, les examens, les résultats des examens, les appels téléphoniques, les angoisses, les antibiotiques, et l’on me dit : « Tout ça vient du stress », mais c’est vous qui me stressez, bande de médecins ! Il avait fallu trouver, donc, un petit restaurant, je ne vais plus trop aller au Café Divan, le nouveau patron, Marc, est sympathique, mais homosexuel – et arriviste – ça ne va pas m’aider – il avait fallu, dans cette semaine si agitée, les productions qui se cassent la gueule, Nyon, la Cité, personne ne répond, les politiques sont partis avec la caisse, la société bascule, les riches s’en sont mis plein les fouilles car ils ont vu le coup venir… – il avait fallu – et j’avais donc trouvé ce petit restaurant rue Léon Frot, Le Coup de feu, dont Armelle Letanneux m’avait parlé (je connais de plus en plus d’acteurs qui travaillent dans les restaurants, ça y est, à l’américaine, le monde réel) et on s’était donné rendez-vous là, avec Raphaël Marre. C’était la journée où j’avais annoncé aux acteurs que la production de Nyon risquait d’être annulée, c’était la journée où l’argent de la loterie romande n’était pas arrivé. L’argent, pas pour les acteurs, notez bien, non, l’argent pour la SNCF, pour la compagnie d’aviation (Bruxelles-Genève), pour les chemins de fer suisses (très chers), pour les restaurants suisses (très chers), pour la location de la salle municipale (c’est-à-dire que c’est ce que je suis en train de dire : la municipalité de Nyon subventionne le festival de Nyon pour qu’ensuite il lui loue les salles municipales, voyez). Enfin, de l’argent, beaucoup, beaucoup, sur mon nom, alors que rien ne revient aux acteurs – ou presque – ça paraît normal, c’est le système, c’est Avignon, aussi bien – de l’argent pour qu’ait lieu un spectacle – payant, qui plus est – pendant deux jours. Ah, la société est bien gardée, il ne risque pas de lui arriver grand chose ! On n’espère plus que ça de cette ennemie : qu’elle crève, la société ! Qu’elle explose ! Ou bien l’on pense mezza voce, comme le disait si bien Jean Biche à l’annonce de l’annulation : « Enculés ! » Voilà. Mais, pour l’heure, j’étais enfin au restaurant, en ayant pulvérisé tous les feux rouges, avec le Vélib’ de la mort – il avait fallu que je prenne au téléphone Jeanne Balibar, la pauvre, qui, de mes malheurs semblait moins dépressive, tout d’un coup – on a même rit encore des blagues des enfants – par exemple l’enfant de trois ans et demie qui en avait mordu un autre à la crèche – drame, pataquès, engueulade des parents et le père qui demande à son gosse sur le chemin du retour : mais enfin pourquoi as-tu mordu ce camarade ? « Parce que j’avais faim. » Et donc, au restaurant, il n’y avait pas seulement Raphaël Marre, il y avait aussi Eric Da Silva et une femme qui travaille avec lui, Hélène, qui semblait une grande fan (comme j’aimerais en avoir une à mes côté…) Et c’est pour ça qu’on parlait – en préambule – du mystère ou de l’imprécision. Il m’avait dit, Raphaël, il y a un certain temps, qu’il aimerait nous faire nous rencontrer, Eric Da Silva et moi, qu'il était le président de son association. Eric Da Silva ressemble un peu à Guillaume Barbot, j’y ai pensé parce qu’à un moment, il s'est souvenu de ses vingt ans – et là : Guillaume Barbot. Et puis Raphaël a dit ça, que j’ai noté. Il me parlait de mon spectacle, de ma présence, à Avignon, il s’était dit : « Oui, il est au centre, mais, en fait, j’ai ressenti, il est en train de se donner en pâture. On va tous le croquer comme une hostie. » Il avait senti la « dimension du sacrifice ». Il cite ensuite Antony de Antony and the Johnsons qui a dit quelque part qu'il aimerait mourir dévoré par un orque. Eric Da Silva trouve que c'est beaucoup trop rapide. Il cherche par qui, lui, il préférerait mourir : un loup. Maintenant que je suis chez moi, je regarde les orques, sur YouTube, en écoutant Antony and the Johnsons...

Hope there's someone / Who'll take care of me / When I die, will I go...

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C'est vraiment les anciennes tendresses...

Non, sans rire, c'est justement l'opposé ce que j'essaye dans mon travail, que ça n'en reste pas au plaisir des yeux. Les yeux sont sur-sollicités dans la société actuelle et je ne peux travailler qu'avec ceux qui le comprennent, ce problème. Les acteurs, qu'ils doivent se donner, en effet, et s'ils se donnent en scène (ou dans la nature, comme tu vois sur mes dernières photos, érection et sentiment, etc.), y a pas besoin de « coucher » puisque c'est exactement le même travail (traverser l'écran). Quand on n'est pas acteur, comme toi, c'est plus difficile de comprendre ça, de traverser l'image, c'est pour ça que j'emploie le terme « coucher » (peut-être pour « toucher »), c'est parce qu'il faut « ternir » le « plaisir des yeux » et passer à autre chose (la profondeur) (n'oublie pas que mon association s'appelle Le Dispariteur). En bref : le plaisir des yeux, j'en ai rien à foutre – et c'est même ce qui m'empêcherait de travailler avec toi !

Bisous

YN

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Moins de jouissance, plus de réjouissance

Un homosexuel me contacte – par Facebook puis, immédiatement après, il m'envoie sur sa page sur GayRomeo et son blog ici-même – et j’imagine que c’est un prostitué. Cela m’excite autant d’imaginer qu’il le soit qu’il ne le soit pas. Il faut dire que sur GayRomeo, on voit bien qu’il est très jeune et il dit qu’il recherche des hommes « matures », pas au-dessous de quarante ans. Ça craint ! Pourquoi tomber sur moi, il y en a tant… C’est bien ma veine… Peut-être que je peux le refiler à Vincent… Mais pas à Antony Thibault… Oh, qu’ils se démerdent, tous ces pédés, y en a marre ! Je l’ai vexé, en plus, quand je lui ai demandé s’il allait me demander de l’argent. Je ne comprends pas les jeunes, sexuellement, ils sont tellement cons. C’est l’époque qui veut ça. Ils n’en ont pas connu d’autre, ils ne savent pas. Moi, j’en ai connu une autre… « ...Que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… » Bon, c’est un cliché, on n’y échappe pas. Mais où la sexualité, eh bien, ce n’était pas « sérieux ». Maintenant, c’est sinistre, l’ambiance qui tourne autour de ça. Tout le monde est au courant, mais on dirait que les gens le font encore parce qu’ils sont obligés – damnés, condamnés comme de pisser ou de manger – et pas question de s’amuser ! Non, on n’est pas obligé, quand même ! On n’est pas obligé de se faire chier ! « C’était une époque où les gens savaient vivre ! », s'exclamait, le soir du réveillon chez Marlène, Jean-Paul Muel, en morale à une histoire qu’il venait de raconter qui mettait en scène l’inénarrable Michel Simon avec Simone Berriau, directrice du théâtre Antoine, je vous la raconterais volontiers...

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