Saturday, April 23, 2011

Les Marches de la gare Montparnasse déjà usées

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La Dissociation

On n'est même pas sûr qu'elle chante...

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Un steak haché suspendu à une corde à linge, mouillé, par jour de grand vent

« – Le mot transcendance, vous le connaissez ?
– Oui, je ne l’emploie pas, mais je le connais. A vrai dire, je ne le comprends pas. Ce que je fais, c’est appréhender et rendre. Je prends à des gens que je rencontre au café, dans la rue, partout, et quand je joue, je rends ce que j’ai pris. Je respecte les lois de l’échange. Il faut que vous disiez ça : mon contact avec les autres, il n’est que de personne à personne.
– Même quand vous jouez devant mille personnes.
– Oui, c’est vrai, ça.

(…)

J’ai décidé que je ne pourrais vivre la vie que si j’ai des contacts de personne à personne, mais au point d’oublier tout, tout le reste, et n’être qu’avec cette personne, la regarder jusqu’au fond de ce qu’elle a vécu. Il me faut tout le temps me gommer pour ne recevoir que ce qu’on me donne.

(…)

Je voudrais que vous disiez que les gens avec qui je suis en contact, ils ne cherchent rien.
– Rien, qu’est-ce que c’est ?
– C’est le pouvoir. Le pouvoir, c’est ce qui est recherché par les gens dans notre époque. Remarquez il en faut un tout petit peu, sur le principe ils n’ont pas tort. »



Olivier Steiner republie cet entretien qui, à l'époque, faisait une page dans « Le Monde ». Il est sidérant. Zouc était sidérante (et populaire). Marguerite Duras en parle très bien, évidemment, mais elle parle très bien de quelque chose qui dépassait tout, Zouc dépassait tout dans la connaissance qu'elle partageait, le bord de la folie, le bord de la mort, la vie, équidistance, oui. Tout l'entretien est à lire lettre à lettre.

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C’était touchant de les voir ensemble – ça donnait envie

« C’était touchant de les voir ensemble – ça donnait envie de rire mais en silence, d’émerveillement. »



Rester tranquille. Ne pas écrire. Ce serait mieux. Quel bavard je fais… Mon journal. Oui, mais mon journal n’est pas mon journal, mon journal est mon blog. Ce n’est pas tout à fait pareil. Je ne peux pas m’épancher. Je ne peux pas me mettre à raconter n’importe quoi. L’écriture est un faux pouvoir, comme dirait Barbara (la scène aussi), mais quand même. Je sens que si je leur disais levez-vous et faites ceci ils le feraient. Il faut faire attention. Il y a des esprits fragiles. Des esprits malades. Des esprits prêts à tout. Regardez Marine Le Pen avec son parrain proxénète (j’ai juste lu ce titre au kiosque de la gare). Ben, oui. Aujourd’hui, Bénédicte Le Lamer est passée au cours et c’était très agréable. J’essayais de ne pas dire trop de conneries. (De même que je demande qu’on m’enregistre pour cette même raison.) J’aimerais bien donner un stage avec Bénédicte Le Lamer. (Malheureusement, j’ai vendu trop tôt la place que j’avais à Pontempeyrat…) Elle me dit qu’elle aimerait intervenir « de l’intérieur ». Ça, je suis sûr, en effet, qu’elle le ferait très bien. Je l’ai vu faire quand elle a rejoint l’équipe d’Hamlet (Hamlet II, Ménagerie), elle a élevé le niveau de la troupe. Les gosses sont formidables, baby-professionnels, je les adore (c’est purement professionnel). Aujourd’hui, je leur ai dit qu’ils étaient comme ces enfants des familles nombreuses qui doivent jouer des coudes, crier plus fort que les autres pour s’imposer, j’adore les voir dans cette sensation touffue (mais, bien entendu, je suis là pour suggérer qu’un ordre possible est possible). Ils sont tout prêts à se laisser guider, on les touche à peine, ils réagissent. Ils pleurent quand ils sont heureux ou quand ils ont peur. Moi, je n’ai rien contre les pleurs, c’est tellement beau, les larmes. Ce sont des acteurs donc ils pleurent – ou plutôt, non, comment disait Jeanne Balibar ? – ils pleurent donc ce sont des acteurs. Je ne peux pas m’empêcher d’avoir des préférés. Mais, ce qui est bon signe, c’est que ces préférés varient. En fait, à chaque passage, ils tirent la couverture à eux. Ça aussi, c’est bon signe et normal. Mes amours. Papa va vous apprendre la vie. Papa voudrait bien coucher de temps en temps, mais il n’a pas de maman. Il voudrait bien vous tripoter un peu plus. Mais il comprend, il comprend… N’est pas Patrice Chéreau qui veut (et Jérôme Savary, je n’oserais pas…) Il n’y a qu’un homosexuel dans le groupe (et dans l’école). Le pauvre, il ramasse. Mais je vais m’en occuper, je vais le prendre sous mon aile. Il fait un très beau travelo. Il a compris (déjà) que, quand il faisait le travelo, avec moi, il avait la paix. Mais il sera très bien sans faire le travelo aussi. Il se méfie un peu. Pour le moment. Il a raison. Mais il va comprendre rapidement que je ne suis pas méchante non plus. Je suis juste odieuse avec les homosexuels, mais, dès qu’il y a talent, je m’écrase (c’est lamentable, mais vrai). C’est pour ça qu’il va comprendre qu’il aura la paix. De toute façon, les acteurs ont toujours la paix avec moi. Je m’adapte. Il manquerait plus que le contraire ! C’est une autre paire de manche avec les assistants. Je me suis repris un assistant homosexuel pour Pontempeyrat et, du coup, c’est moi qui aie l’impression de l’assister. Une erreur. Qu’est-ce qu’il crie, le gamin dans le train : « Ouh, là », je crie moi aussi et je me redresse. Le gamin est si joli, si joli et il me regarde, si petit, si heureux, son premier voyage en train ? Laissons-le crier sa joie. (Sa mère un peu inquiète de ma réaction, mais je la rassure : « Je voulais juste voir son visage ».) Un petit Ernesto.



« La grande salle était bondée. L’une des filles en jaune jouait du piano, et, à ses côtés, une grande jeune femme rousse qui se produisait dans un spectacle de cabaret célèbre s’était mise à chanter. Elle avait bu énormément de champagne, et, tandis qu’elle chantait, elle s’était convaincue sans raison que la vie était très, très triste : elle ne se contentait pas de chanter, elle pleurnichait. Entre deux couplets, elle haletait, sanglotait, puis entonnait le suivant de son soprano chevrotant. Les larmes dégoulinaient sur ses joues – non sans encombre d’ailleurs, car elles se teintaient d’encre au contact de ses cils lourdement fardés, puis reprenaient leur route en formant de petits ruisseaux noirâtres. Lorsque quelqu’un suggéra pour rire qu’elle devait lire ses notes sur son propre visage, elle leva les bras au ciel, s’affala dans un fauteuil et sombra dans un profond sommeil d’ivrogne. »



Karine fait des choses étonnantes. Mais je ne peux pas en parler (il est trop tôt). Sa petite personne nette, dure et limitée fait commerce avec l’universel. Elle joue Jelinek. C’est un texte complètement fou, mais elle le fait très bien. Elle en pleure, elle aussi. Elle est assise au bord du plongeoir dans son maillot de bain une pièce (« bikini », est-il écrit dans le texte) qui montre des épaules de nageuse. Tout ça est très exact. Plus tard, elle enfilera une traîne de velours pourpre bordée de blanc au-dessus de son maillot de bain mouillé à moitié baissé et une couronne qu’elle partagera volontiers (avant et après être allé se noyer) avec son partenaire angélique, Nathan, lui-même sorti d’un tableau de fleurs en culotte de satin vert.

Ambre a eu l’idée de se mettre enceinte dans une robe d’un bleu vénéneux et avec une perruque rousse pour dire un texte qui lui va comme un gant à Gilda, de Stig Dagerman : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Ce texte, contrairement à d’autres, ne la déprime pas, elle, mais lui fout la pêche. Je me méfiais, mais j’avoue qu’elle m’a gagné. Elle le fait bleu-gothique, tout à fait famille Addams : « Vous avez choisi le bonheur, quelle bêtise, moi, c’est le malheur. » A un moment, on lui fout un autre livre dans les mains (c’est Romain qui faisait la distribution), c’est tombé sur Lamartine ! Je lui ai dit d’en ouvrir une page et de la lire de la même manière, mon Dieu, ça marchait aussi. A un moment, quelqu’un a éteint toutes les lumières, elle a continué dans le noir sans pouvoir lire le livre, mais faisant comme si, mon Dieu, ça marchait aussi ! Elle aussi pleure (y a pas d’raison).

Simon est capable de tout. Il fait mine de poser des questions, de ne pas comprendre, en fait, ce serait lui qui pourrait donner le cours. Je lui explique des choses qu’il sait déjà. Je me demande même s’il fait mine de me poser ces questions ou s’il n’a réellement pas la grosse tête. Travaille (du coup très peu car c’est bon) sur Joseph Beuys et la nouvelle Lenz, de Georg Büchner. Il est toujours prêt à aider ses partenaires. Je l’ai coupé dans son élan, un jour, sur Maurice Blanchot, mais faudra voir. Il est habillé en Yamamoto, ça lui va très bien (un ensemble redingote en flanelle grise), ça lui permet de tout faire. Gracieux garçon.

Un autre qui est toujours prêt à aider ses partenaires (et c’est en effet toujours une aide), c’est Nathan. Un jeune Juif absolument libre. C’est le plus jeune, il a dix-neuf ans. Nous allons le prostituer à Berlin. Il pourrait rapporter d'l’argent. Il sort de n’importe quel tableau ou film représentant la grâce. Dans n’importe quelle position ou situation, il est magique et merveilleux. Il a commencé en lisant des phrases (terribles, mais qu’ils rendaient humaines) de Ulrike Meinhof, puis la Bible, l’épisode du veau d’or. C’était parfait, inattendu. Je lui ai demandé d’aller ensuite jusqu’au mur (dans sa culotte de satin et sa perruque d’or) et de pleurer – le mur des lamentations ; je lui ai demandé ensuite d’aller redresser l’escabeau qu’il avait fait tomber précédemment et de le faire comme d’un péché à réparer. Ensuite je ne lui ai plus rien demandé parce que, si j’avais continué, j’aurais renvoyé tous les autres pour ne travailler plus qu’avec lui (c’est moi qui me serait dévoilé). Depuis je le place toujours à ma droite (comme Jean, le préféré du Christ – Jean-Marie-Madeleine). Je ne le touche pas, c’est impossible, mais je l’entoure de ma salive et de ma bave (il ne risque rien, il est costaud).

Duncan, jeune dandy plus ou moins intelligent (il a fait des études), est chargé de m’émouvoir avec du Nerval. Je suis très exigeant avec lui car il a une tête de premier d'la classe. Il est parfait dans Roland Dubillard, mais je ne lui fais pas refaire (parce que c’est parfait). Je lui fais refaire ce qui n’est pas parfait. Dès que je ne lui fais rien refaire, bien sûr, c’est parfait, mais ce que je lui fais refaire, ce n’est pas parfait (parce que je lui fais refaire). J’essaie aussi de l’avoir physiquement malléable. C’est pas évident, ça, non plus (sauf si je le laisse tranquille). Bref, il a vu Avignon, il m’a trouvé bien, donc j’en abuse. Et tant qu’il joue le jeu, qu’il joue le jeu ! Qu’il nous balade et qu’il se perde dans son château ! Il est le premier à qui j’ai suggéré des larmes, mais, pour le moment, ce sont les autres qui ont repris l’idée.

Marina, c’est un atout, elle parle et joue dans trois langues. Elle est très belle, pleine de vie et de santé et pleine de vie et de santé dans trois langues ! Et les langues, imaginez : l’espagnol et le russe. Alors, elle dit du Borges : Pierre Menard, autor del Quijote (texte truffé de références francophiles qu’elle énonce dans un français parfait) et, en russe, du Tolstoï. Guerre et Paix. Guerre et paix est un roman qui a la particularité d’être écrit en bilingue, français, russe. C’est un bonheur, vous imaginez ! Elle chante aussi, elle se la joue cougar. Elle est habillée de façon invraisemblable, elle croque la vie, l’épouvante et le bonheur en espagnol (Almodovar), en russe (Les yeux noirs) et en français (Delphine Seyrig dans La Chevauchée sur le lac de Constance, mise en scène par Claude Régy). Phosphorescente.

Sarah, c’est la Cicciolina ! Romain, le trave. Je parlerai d’eux plus tard, l’enfant vient nous voir, amené par sa mère, l’enfant Ernesto qui ressemble à Bénédicte. Il y a son frère aussi, un peu plus grand. « Si, il marche tout seul, dit sa mère, mais dans le train… » (elle est obligée de le tenir, bien sûr). Et il parle bientôt tout seul si l’on en croit sa vitalité DE-BOR-DANTE… Sarah peut prendre en charge – dans un petit ensemble déshabillé rose fuchsia – toutes les lolitas des Gainsbourg de la pire et la meilleure espèce, toutes les pulpeuses, les baby-dolls, toutes les gamines avec leur graine de malheur, les femmes en devenir qui émouvront toujours les vieux cochons. Avec elle, on est sûr que François Le Pilouer kiffera le spectacle. Elle est notre caution François Le Pillouer ! Elle est prête à tout dans la liberté de ses rondeurs. Un caractère. (Adorable.) Romain, c’est lui qui était un peu perdu aujourd’hui, mais, enfin, ça devrait s’arranger. Il comprendra (il a compris déjà) que je ne le délaisse pas. Qu’il soit homosexuel n’est pas son problème, mais le mien, et, ce qu’il a compris, j’espère, je crois, c’est que, surtout, ce n’est même pas le mien non plus. Il a tout à fait le droit d’être une star, eh bien, qu’il le soit ! Je suis tout à fait d’accord pour que ce ne soit que la seule solution et je l’aiderai à la trouver. Il la trouvera partout, sous les pas d’un cheval… Eh bien, qu’il se jette dans l’arène, sur la piazza del Campo, qu’il montre, le jeune prince, ces capacités d’amour et d’adresse et qu’il déchire les cœurs des filles et des garçons, sa vie privée ne nous intéresse pas – est-ce que j’en ai, moi, de vie privée ?



Rennes-Paris, samedi 23 avril 2011.

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Karine Piveteau, Ambre Kahan.

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Pontempeyrat

J’enseigne au TNB, à Rennes. Ça s’passe bien. C’est même la joie. Par ce soleil, dans un laboratoire noir. Pour une huitaine de bestiaux faits pour ça. Mais le stage ouvert à toutes les âmes a lieu du 30 mai à l’appel du 18 juin, trois semaines (mais on peut faire moins) dans un lieu formidable – et il s’appelle « Jouer Dieu » (rêver les mondes pluriels). Ensuite viendra, en septembre, un stage sur l’opérette à Marseille…

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« Comme si Dieu embrassait un cadavre »

« Tout n’est que théâtre et pourtant la réalité »

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Mari-Mai fait entendre une voix discordante

Elle est en forme, Mari-Mai (c'est presque son mois) ! Me sentais seul pendant quelques jours (quand TOUTE la profession était « Touche pas à mon Py » (j'oublirai pas)), mais je ne le suis plus ! Foutons tout ce monde sur des fourches ! Tu m'as fait vibrer ma colère révolutionnaire, Mari-Mai ! (Mais la colère n'est JAMAIS bonne conseillère, malheureusement...)

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Je précise. C’est (toujours) bien de dire que la religion est une horreur. Mais Mari-Mai a la religion catholique inscrite dans son nom (Mari-Mai) et sa colère ressemble très fort à celle de Jésus chassant les marchands du temple. On s’en sort pas… Olivier Py n’est peut-être catholique que parce qu’il se prend pour Paul Claudel et homosexuel parce qu’il se prend pour André Gide (sans doute pour en opérer la synthèse française…) Et puis pourquoi il ne serait pas catholique, d'ailleurs ? Non, Olivier Py n'est pas critiquable. C'est la foule qui le suit et le vénère tel le messie réparateur à qui on est obligé de dire : vous vous trompez. (Les dévots d'Olivier Py.)

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Pour commencer le stage, tout à l'heure

« Il passe, entre deux êtres qui se rencontrent pour la première fois, d'étranges secrets de vie et de mort ; et bien d'autres secrets qui n'ont pas encore de nom, mais qui s'emparent immédiatement de notre attitude, de nos regards et de notre visage ; et lorsque nous serrons les mains d'un ami, notre âme a des indiscrétions qui ne s'arrêtent peut-être pas sur le seuil de cette vie. Il se peut qu'il n'y ait aucune arrière-pensée entre deux hommes, mais il y a des choses plus impérieuses et plus profondes que la pensée. »

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