Monday, February 13, 2012

« Un interprète, une vie. »

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Là où les gens ne m’ont pas vu




Je suis passé à la boutique de l’avenue Montaigne, il n’y avait pas de vêtements pour moi, rien que des costumes noirs et des chemises blanches sur le modèle qu’avait inventé Hedi Slimane. Mais comme le temps passe… Pourquoi il ne revient pas mettre un peu de strass ? J’ai traversé la boutique immense au pas de charge, mais dans les salons inconnus, féminins, des choses pour la maison, des verres, des objets, des vêtements décoratifs, le luxe de la mode, mais personne – c’est pour cela que j’allais vite – personne pour les porter, personne dedans. Il y avait des Russes et des Arabes. J’ai pagayé en vélib’ jusqu’au nord de la ville, mais je n’ai pas voulu rentrer chez moi, non, je suis redescendu vers la gare – pour errer dans les relais de presse – oui, là non plus, personne ne m’a vu, ne m’a peut-être vu. Mais encore. J’ai eu envie de prendre des huîtres au Terminus et, là, seulement, on a commencé à s’intéresser à moi. J’étais au chaud. Je ne connais pas d’anti-dépresseur plus choc que les huîtres – oui, avec le vin, certainement, le champagne – et le chocolat, peut-être. Quand je vais mal, il me reste encore cette solution : les huîtres. Bien sûr, ça me coûte cher. Mais la survie a un prix (qu’il ne faut pas lésiner à payer)… Je suis rentré et je vous ai écrit.

Et puis voilà – et j’ai encore pleuré en regardant la télé – le mariage gay, la Grèce… et j’ai compris que j’étais revenu dans l’océan du ça-n’va-pas et que, dans cet océan, j’y trouvais des huîtres, mais, en attendant, en attendant quoi ? L’amour seul… Sur un billet de cinq euros, un Grec avait écrit « A L’ATTENTION DU GOUVERNEMENT : Parce que je sais que ceci aussi va arriver entre vos mains tôt ou tard, je vous souhaite pour 2012 d’aller au diable. Avec amour » « La charité est cette clef », écrit Rimbaud. Et : « Cette inspiration prouve que j’ai rêvé ! » Dans le zapping, Jacques Lacan (qui m'a fait penser à sa maison où j’ai connu Hélèna (son nom que je disais souvent à la place d'Ivan Ilitch)) a dit en noir et blanc : « Tout c’qui s’dit là, on sait jamais si c’est pas du déconnage. C’en est patent au point d’en être hurlant ! C’est c’qui donne une haute idée de l’humaine pensée… » Et : « En plus, y a du sens qui s’fait prendre pour du bon sens ! » Et j'ai projeté de répondre ceci à Thomas qui a raté la représentation d'hier (d’où ma dépression), l’a inversée – car il ne savait pas, malheureusement, distinguer le bon du mauvais – et qui m’a écrit quelques lignes malheureusement sincères : « Qu’est-ce que tu en sais ? Comment peux-tu savoir que c’est difficile à jouer ? Comment peux-tu savoir de quoi il est question dans ce spectacle ? La moindre des choses, si on ne le sait pas, si on ne sait pas ce qu’il dit, le spectacle, c’est de le jouer dans la facilité. La moindre des politesses – qui est peut-être celle du désespoir, pourquoi pas ? mais politesse au public. » Je ne voulais pas être méchant avec Thomas, j’étais simplement désespéré de son cas. Un artiste que je ne pouvais pas épauler autant que ne le fait Hubert Colas ou Stanislas Nordey. Thomas a joué comme on joue chez Hubert ou chez Stan, mais pas chez moi. Il a joué en souffrant. Pourtant – et je l’avais assez répété au fil des siècles – la seule chose que j’exige d’un acteur, c’est d’avoir du plaisir. Mais Thomas ne sait distinguer le bon du mauvais, le plaisir, il est dans la jouissance. Bon pour travailler avec Stan, Hubert ou Claude Régy. Mais pas chez moi, non. Chez moi, il faut se tenir. J'ai répondu finalement : « Tes lignes sont sincères, mais – je l’ai assez répété – il est obligatoire, si on travaille avec moi, de travailler dans la facilité. Toute difficulté est une illusion, une invention qui n’a rien à faire dans l’exécution du spectacle. »

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L'Homme échappé


Olivier Bertrand.

Andy Gillet




Yves-Noël Genod
Pas dormi de la nuit. Très abattu par la représentation d'hier... C'est qui, déjà, l'acteur que tu es allé voir au cinéma à Beaubourg ?

Olivier Steiner
Andy Gillet, mon chéri, mon bel Andy. J'ai fait une vidéo de son visage sur la voix de Fanny Ardant qui sera montrée à la Fémis le 21 mars, en même temps que le film – je peux / – oui ! Remets-toi, c'était super, hier, et pas grave s'il y avait qq porcs dans la salle, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font, comme dirait l'autre... Tu jettes des perles et même aux cochons, c'est ça qui compte, les perles ! La vie est champagne, même si qq bulles crèvent... Je t'embrasse, O

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Marie Plantin




Bonjour Yves-Noël,

Voici un bail que je ne vous ai écrit ni que je n’ai écrit sur vous. Et pourtant, si je puis me permettre, vous êtes une de mes muses préférées.

Voilà, j’étais là pour La Mort d’Yvan (sic) Ilitch et j’ai mis en ligne un papier vendredi, que voici :
http://spectacles.premiere.fr/pariscope/Theatre/Salle-de-Spectacle/Spectacle/La-Mort-d-Ivan-Ilitch-2897054/%28affichage%29/press

Je suis revenue samedi pour Une saison en enfer et ce fut un délice.

Bien à vous,

Marie



Voici qui donne du baume au cœur. C'est-à-dire que la représentation d'hier était mauvaise – d'une manière incompréhensible (parce que c'est quand même pas difficile à faire...) – et que j'en ai pas dormi de la nuit. Peut-être un sort jeté à Thomas ou que Thomas lui-même...
Mais voici que le rougissement du cœur que vous provoquez va me permettre de revenir à la vie (et d'entamer la journée, il serait temps !)

Je descends jusqu'à vos pieds vous remercier de la bonté dont vous me témoignez, très heureux que vous ayez pu, comme dit Rimbaud, « saluer la beauté » avec ce spectacle,

Yves-Noël






La Mort d'Ivan Ilitch
Théâtre critiques

du 07/02/2012 au 12/02/2012

La critique de la rédaction
Malgré son titre qui reprend à l’identique celui d’une nouvelle de Tolstoï, La Mort d’Ivan Ilitch ne donne à entendre aucun mot de l’écrivain russe. Pas une ligne, pas un personnage. Yves-Noël Genod n’est pas et ne sera jamais là où l’on pourrait l’attendre, l’envisager. Car lui-même se laisse la possibilité de ne pas savoir où il va avant même l’engagement dans le travail de plateau. Ce n’est pas une posture ou une imposture mais une démarche sensée, fruit d’une expérience de vie et de théâtre, d’un goût immodéré pour la liberté. Il taille son œuvre sur mesure sur la peau de ses comédiens. A partir de ce qu’ils charrient d’imaginaire. A partir des dons de chacun. Ici, Thomas Gonzalez est seul en scène, chose rare chez Yves-Noël Genod. Un physique tout droit sorti d’une toile du Caravage, un jeune garçon dont les boucles brunes encadrent un visage angélique, mâture et poupin à la fois. Il n’y a pas de mot pour dire la beauté de cet acteur. Il n’y a pas de mot pour dire la beauté de ce spectacle. Il n’y a pas de mot pour dire la beauté. Il y a cet acteur vêtu puis nu qui arpente la scène en fredonnant des chansons de Julio Iglesias. Le détachement des paroles dans le silence. La lumière d’un néon dans l’obscurité. Une cigarette qui se consume dans une flaque de pisse. Une prise qui se débranche et le noir soudain, entier, vrai, qui nous reconnecte à nous-mêmes. Chez Yves-Noël Genod, la cage scénique porte mal son nom de prison tant elle s’ouvre à nous, béante et profonde, pleine de fantômes. Comment dire cette sensation de tout dans si peu ? Ce n’est pas par avarice qu’Yves-Noël distille au compte-goutte une substance scénique ténue. Rien en trop ne vient brouiller ce paysage intérieur dont le dépouillement devient plénitude. Il a du flair, Yves-Noël, une intuition hors du commun. Une élégance incomparable. Lui qui sait si bien être du côté du foisonnement et du fantasque, invente une forme épurée dont l’équilibre parfait se construit sur le fil de grands écarts oxymoriques réinventant la lumière par les ténèbres, le silence par le sillon d’une voix, la mort par la vie, l'éternité par la finitude, le rire par les larmes, l’amour par la mélancolie, le sublime par la chair à nue, le vertige philosophique par l’émerveillement poétique... La scène devient la caisse de résonance de l’imaginaire de chaque spectateur étreint dans une même expérience, puissante et déconcertante. Yves-Noël Genod est si libre qu’il n’a pas peur de rendre les autres aussi libres que lui. Et nous de dire de lui qu’il est un génie.

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Repêchage




Lucas Maganelli
Yves-Noël,

Merci pour hier soir... même si vous ne sembliez pas complétement satisfait avec Thomas, c'était beau et fort.

Lucas



Annie Fisbein
Je fais partie des 99,9% des personnes qui ont été emportées par la performance de Thomas Gonzalez mise en scène de Yves-N. Genod.un grand merci pour Rimbaud et pour ces deux magnifiques soirées. Dormez sur vos 2 oreilles. Bien à vous Annie Fisbein



Elise Lahouassa
Ca résonne encore,
Merci.



Olivier Steiner
Avec les rires nerveux qui fusaient, Thomas était encore plus christique, bafoué par la foule, moqué sur son calvaire, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font...



Johnny Lebigot
Un Ivan Ilitch d' humeurs, Caravage, Calot aussi, Redon et De la Tour, non pas gâchée mais autre, plus fragile, plus abrupte ? En tous les cas, lisant Marie Plantin nous avons bien vu la même Mort d'Ivan Ilitch...



Roxana Wilson
Ta performance est une litanie, en fait, qui chante notre douleur et joie de vivre : ça parle de l'impalpable, de l'intouchable, de la matière morte, inorganique et organique.

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L'Ange noir




Falk Richter
Hey Yves-Noël, let me know when you are in Berlin next time – let's have a coffee or a glass of wine – hope you are well – Falk

Yves-Noël Genod
O yeah ! Thanks ! Won't be in Berlin until next year, until Fall, I think...

Falk Richter
O – that is a long time – maybe we meet in France before that – and I really want to see a show of yours – Arnaud tells me you are the best director in the world – all the best, Falk

Yves-Noël Genod
O no, no, no, that's too much ! But Arnaud is an angel ! Thanks !


Falk Richter
A dark angel, yes :-)


Yves-Noël Genod
We love that kind ! It's a pity... ;-)

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Tranquille et explosif.




Yves-Noël Genod : « Je voudrais dire quelque chose sur le titre qui n’est venu qu’à la fin, cette fois. La Mort d’Ivan Ilitch fait référence à une nouvelle de Léon Tolstoï absolument bouleversante, sur la lumière. Mais le titre apporte de la gravité, du sombre. La nouvelle de Léon Tolstoï est extraordinairement belle, mais seulement pour ceux qui l’ont lue. Le titre apporte le mot « mort », mais il ne s’agit pas de la mort. C’est même tout à fait le contraire. Il s’agirait plutôt du « scandale de la vie » ! »
NOTRE AVIS : Yves-Noël Genod est enfin invité au théâtre de la Bastille. Ce solo interprété par Thomas Gonzalez est une merveille. Silencieux et chanté. Populaire et rare. Tranquille et explosif. La poésie. Par moment on songe à un (discret) chemin de croix du Christ.

(Fabien Rivière.)

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