Thursday, January 12, 2023

Je voudrais revenir sur cette sensation maladroitement évoquée dans mon avant-dernier post de justement pas avoir tellement le droit, la possibilité de dire ce que j’aime. Aimer quelque chose est de l’ordre d’un miracle. En même temps, je sais que je n’aime que ce qui m’est destiné. Je l’ai toujours su, je me suis souvent dit : quand même, quelle chance d’avoir lu et aimé tel livre. Vu telle expo (etc.). Dans les grandes passions, je ne pouvais imaginer qu’un autre que moi ait lu le livre. Le même livre. Impossible. Et c’est ce que j’écrivais à Duras : il n’y a que moi (puisque c’était tombé sur elle) et, bien sûr, ça l’enchantait. Il y avait aussi Peter Handke qui avait dit : « Aimer une chose suffit ». Je suis un peu triste qu’elle n’ait pas eu le prix Nobel, Marguerite, maintenant il y a Annie Ernaux (et Peter Handke il y a trois ans), elle aurait adoré. J’aimais bien que Marguerite soit heureuse. J’aimais bien son plaisir, sa réussite. J’aimais bien lui dire que je la trouvais belle. Et c’est vrai, certains jours, elle était belle. Alors, elle se tournait vers Yann et elle lui disait (en le regardant d’en bas) : « Vous avez entendu ce qu’il m’a dit ? »  Je n’aime que ce que j’aime, et franchement j’ai un peu honte de n’aimer que ce que j’aime (de ne réagir qu'à ça)

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J’avais décidé de ne plus trop parler des choses que j’aimais, des livres que je lisais, des spectacles, etc. parce que je commençais à être conscient de ma manière de les lire, de les voir…  C’est une manière finalement assez particulière puisqu’elle nécessite que je me mette en symbiose, en fusion, que je ne fasse qu’un avec le poème ou le spectacle. Des lectures à la Duras, si vous voulez (« illimitées »), des spectacles à la Pina, voyez, telle est ma formation — ou, pour être plus clair encore, des folies à la Barbara. Bref, des maîtres, des maîtresses, ici que des femmes, eh oui ! je ne vous apprendrai rien — ou peut-être… — en affirmant que certains d’entre nous (qui se reconnaîtront) vivent sous le régime du matriarcat (pour le meilleur et pour le pire, pour le pire et pour le meilleur), bref, que j’aime les prédatrices, celles qui exigent que l’on se fonde en elles, le viol intégral, l’absorption pure (certainement parce que ma mère en était, on ne se refait pas)… Mais je m’aperçois que je suis bien loin du prétexte que je me suis donné pour ce post et mes signes sont comptés : allons plus droit au but. Je fais donc une exception dans mon idée de ne plus trop dire ce que j’aime — trop subjective, trop identitaire ma manière de lier tout en un, lire et voir, mais je fais une exception pour vous signaler un stand-up de François Gremaud (mon ami, mais, lui, c’est l’ami du genre humain) qui s’appelle ALLER SANS SAVOIR OÙ et ne se joue seulement que ce samedi prochain à 16h30, au théâtre de la Bastille. François est un auteur infiniment comblé puisque ses spectacles se jouent à l’infini partout avec d’énormes succès (grâce aussi à la parfaite organisation de Michaël) — mais celui-ci, pour le moment plus rare, est, à mon avis, son meilleur. Il dit tout. Il y révèle, glace brisée, sa méthode, sa foi et sa sagesse. Ivresse de ce spectacle écrit comme un livre qu’il est donc permis ensuite de relire, puisque François est un merveilleux écrivain

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