Monday, July 18, 2016

L ’Homme qui se souviendra


A Avignon, je réussissais à voir l’excellent spectacle de vampires de mes deux prodigieux amis Lætitia Dosch et Jonathan Capdevielle grâce à une sorte d’adoption-minute (à la bonne seconde) de Perle Palombe et Thierry Raynaud, eux-mêmes, d’ailleurs et pour le moins, un sacré couple de vampires : elle sa robe noire du soir (d’une marque que je lui ai demandée, mais que j’ai oubliée) et lui derrière de petites lunettes rondes à la Matrix — mais ne pourrais-je pas être moi-même un excellent vampire ? à mes heures, une « goule » comme une fois m’avait accusé (j’avais dû chercher le mot dans le dictionnaire), lui-même pourtant vampire certifié, Olivier Normand — Perle et Thierry, couple star, réussissaient donc à me faire entrer avec eux sans papier, sans carton, rien qu’avec l’aura de cinéma qu’ils dégageaient et moi dans leur sillage. Après le spectacle, je remerciai rapidement Lætitia et Jonathan par Messenger (spectacle sublime sur le thème de la mémoire infinie) et, en prenant la voiture de mon père, j’arrivais à temps à Aix, à vingt-deux heures, pour une représentation de Il Trionfo del Tempo e del Disinganno, Le triomphe du Temps et de la Désillusion, un somptueux oratorio de jeunesse de Haendel que Krzysztof Warlikowski mettait en scène avec perfection — toute son intelligence : pas plus, pas moins — dans la cour de l’Archevêché, équivalent de la cour d’Honneur d'Avignon du célèbre festival d'art lyrique aux places à mille euros. Mais Pablo avait tout organisé. Je devais rejoindre au « Protocole » un jeune député de droite homosexuel très sympa (avec qui il avait probablement couché) qui devait m’offrir l’invitation et tout se passait comme prévu — et je dois dire que je trouvai cet homme, quand je le rencontrai, tellement smart que je pensai immédiatement que j’avais tout à fait raté ma vie car, moi aussi, j’aurais voulu 1) être homosexuel, 2) de droite, 3) faire de la politique. C’est invraisemblable, finalement, comme les hommes peuvent être saisis de destinées différentes ! Tant de rôles nous échappent. Nous ne pouvons en jouer qu’un ou deux chacun enfermé dans sa propre existence, disait le poète Paul Celan. Pendant la représentation sublime (je l’ai dit ?), assis à la meilleure place, je pensais encore que j’étais au bord de revenir sur la décision que j'avais prise, croix-de-bois-croix-de-fer-si-je-mens-je-vais-en-enfer, de ne plus jamais voter (on avait été tellement floué). Non, plutôt, ce que j’allais faire la fois prochaine, ce serait d’aller voter, mais alors comme Pablo me l’indiquerait. Il paraît que ce jeune député (que je ne veux pas nommer) est pressenti pour être le ministre de la culture du prochain gouvernement. C’est un proche, actuellement, de Bruno Le Maire, mais aussi d’Alain Juppé. Dans le cas où Nicolas Sarkozy gagnerait, ce ne serait sans doute pas lui, mais — à mon grand étonnement — pas non plus notre ami Jean-Paul Scarpitta, me dit-on, mais un autre nom tout à fait évident pour tout le monde, que je n’ai, par dépit de me tromper — ou par paresse —,  pas retenu. Pablo se demandait, je change de sujet, s’il n’était pas à l’origine de cette rumeur envahissante du tout Paris, à savoir qu’Emmanuel Macron et Mathieu Gallet étaient sortis ensemble, parce qu’il les avaient vus une fois ou deux s’en aller ensemble, qu’il l’avait dit à quelques-uns et qu’en quelque temps, l’« information » lui était revenue. Pablo, d'extrême gauche plutôt, se demandait aussi comment allait bien pouvoir se comporter dans l'opposition les socialistes : tout ce que la droite allait faire, comment les socialistes vont-ils s’y opposer ? La droite n’aura qu’à répliquer (parce que c’est vrai) : « Mais comment ? ce que vous dénoncez, vous l’avez fait vous-mêmes, en pire ! » Backstage, il y avait cette jeune diva, Sabine Devieilhe, d’une simplicité désarmante, d’une modestie invraisemblable après ce qu’elle avait réalisé sur scène pendant trois heures (et Krzysztof, bien sûr, ne tarissait pas d’éloges). Je remerciai pour la place le jeune député éclatant qui s'enfonçait dans la nuit chaude d'un festival du Sud et déclarai : « Je m’en souviendrai toute ma vie ».

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C apri, c'est fini


La Duchesse Anne, l'hôtel dans lequel je logeais il y a treize ans, lorsque j'ai créé mon premier spectacle et dans lequel, surtout, je n'étais pas seul, voici ce qu'il en reste : une œuvre de Nicolas Moulin

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