Wednesday, June 13, 2018

D e se plaindre


« La façon africaine de se plaindre, c’est juste un mouvement de la bouche. Vous ne dites pas de mot, vous produisez juste un son. »

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C es Eglises diverses


« Dans Paris, les évacuations des campements de personnes exilées se succèdent (plus de trente depuis 2015) sans empêcher qu’ils se reforment sans cesse : une pression législative de plus en plus répressive en France – en témoigne la dernière loi asile et immigration, votée le 22 avril – comme en Europe, où la montée des diverses extrêmes droites trouve son unité première dans la culture de la haine anti-immigrés : « Per i clandestini è finita la pacchia » (« Pour les clandestins, le bon temps est fini »), a hurlé le nouveau ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini, le 2 juin, promettant d’en chasser 500 000 d’Italie…
L’échec de l’Europe sur cette question cruciale, l’absence d’un choix politique clair entre hospitalité (accueil digne et sécurisé dans un premier temps, examen au cas par cas sans contraintes de tri obscène) et hostilité (répression brutale et criminalisation progressive des personnes et de celles et ceux qui les aident) est patent, comme en témoigne la réunion au Luxembourg, le 5 juin, des ministres de l’intérieur européens – réunion boycottée par le ministre italien.
Au bout du compte, ce sont les solidarités associatives et citoyennes qui finissent par sauver, dans toute L’Europe, surtout aux frontières, et au cas par cas, ces êtres humains en situation d’extrême précarité et d’immense vulnérabilité. On en arrive à cette aberration éthique : les actions de solidarité bénévoles des « justes » de notre temps se retrouvent criminalisées.
Le parcours des personnes exilées offre un cumul exceptionnel des tragédies contemporaines, où tout l’éventail des souffrances est déplié : elles ont le plus souvent connu des situations de guerre meurtrière (Syrie, Yémen), de répression barbare (Erythrée), de stigmatisation mortelle (à l’encontre des homosexuels, des femmes), de précarité absolue (ce sont les couches les plus pauvres , dénuées de réseaux extérieurs , qui migrent le plus dangereusement et sont les plus précarisées et isolées socialement dans les camps de rétention).
Elles ont souvent traversé des déserts, des mers, des montagnes : les souffrances physiques et les souffrances psychiques les poussent au bord de l’abîme. Et les témoignages sont nombreux de séquences d’héroïsme moral et physique inimaginable pour sauver les leurs, et d’autres aussi – héroïsme invisible incroyable, couronné trop souvent par la mort dans la crevasse, sous les flots, sur le sable, bientôt sous les balles des gardes-frontières, et dont les films tragiques seront un jour sur les écrans.
L’Europe, dont la richesse a profité de plusieurs siècles de mise en esclavage colonial et postcolonial de millions d’êtres humains non européens, voudrait se construire dans le respect des droits humains : elle fait face ici à son premier (son dernier ?) grand test historique sur le choix des valeurs qui la fondent. Pour le moment, ce sont les murs, les barbelés, les politiques de fermeture et de répression plus ou moins explicitement racistes qui semblent l’emporter.
En attendant que les démocrates de tous les pays européens se battent pour une politique commune d’hospitalité digne, nous appelons ici les représentants des institutions qui ont précédé historiquement l’Etat-nation, bien avant le XIXe siècle, à se souvenir de ce qu’ils prêchent, rappelé sans cesse par exemple par le pape catholique actuel : ouvrir largement les lieux d’hospitalité aux personnes en exil.
Bien sûr, ces Eglises diverses ont toutes comme point idéologique commun l’attention et le soin à leurs « pauvres » et aux autres exclus de la cité. Mais cela ne suffit plus : il faut changer l’espace de la ville et ouvrir partout des sites d’accueil collectifs aux populations qui dorment sur le pavé, chassées de chez elles par les tragédies historiques qui pourraient demain nous arriver.
Nous appelons les ministres de tous les cultes en France et en Europe à ouvrir les portes de leurs églises, de leurs temples, de leurs mosquées et de leurs synagogues, de leurs lieux de culte séculiers et réguliers, de leurs parcs, de leurs écoles et de leurs bibliothèques, les sites privés dont ils sont propriétaires aux personnes en exil dès leur arrivée, en lien avec les associations et bénévoles déjà au travail, grâce auxquels les mineurs isolés seraient protégés et pris en charge sans délai.
Plus nombreux seront les lieux ouverts, plus proches seront les liens entre les habitants et les personnes exilées, plus visibles seront leurs différences, et plus l’image d’une masse indistincte d’un « flux » de « migrants », image qui nourrit les racismes de toutes natures, sera alors contredite, et la différence vertigineuse entre les êtres humains, même exilés, aura une plus grande chance d’être perçue et respectée, dans leur aspiration commune à la sécurité et l’intégrité des leurs et de chacun. »

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