Monday, May 23, 2011



Photos François Stemmer.

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« Sometimes we see a cloud that’s dragonish »

La dame (merveilleuse, qui m’a pris en affection) m’appelle aujourd’hui – mon dernier jour – « Professor ». Elle me dit une phrase en allemand en s’adressant à moi comme « Professor ». Ça s’est donc su. Je suis à Berlin encore quelques heures. Je pensais, à l’instant, à ce que dit Peter Handke (dans La Chevauchée) sur l’angoisse d’avoir à nommer les choses qui ne sont pas là. Oui, il y a un peu d’angoisse. Je dois réfléchir au stage de Pontempeyrat, la semaine prochaine, à la performance de Gennevilliers, samedi prochain, à Rennes, etc. aux choses qui ne sont pas là. Quel travail angoissant ! Tout ça dans cette ville, dans cette ville qui est là. Elle est là, cette ville, surtout hier, surtout le dimanche. Les gens ne travaillent pas et se montrent partout. J’étais avec Nicolas Moulin et c’était un plaisir de voir le monde comme je ne le vois jamais sauf avec lui. On a croisé une course cycliste très rapide (comme un banc de poisson). On imagine DSK condamné à des travaux d’intérêts généraux. Il me dit à propos des enfants (il faut que je le dise aux élèves) qu’il faudrait « regarder des enfants, hein, observer et faire pareil ». « Ils sont presque comme des adultes, mais, en même temps, y a qqch qui va pas. – La folie ? Ils sont fous ? – Ils font toc. » A propos de DSK : « Ecoute, je pense que s’il arrive à être acquitté, il aura une retraite bien méritée, comme on dit. » A propos des femmes : « Je trouve que les meufs sont plus belles à Berlin parce que c’est moins connoté par les magazines. L’image de la parisienne bourgeoise un peu dévergondée. Ce qui devient vite ennuyeux parce que « dévergondée », pas d’problème, mais « bourgeoise »… » De la mode : « C’est pas la mode qui prime, là, t’as remarqué ? C’est le look. » On a déposé des bouteilles dans des conteneurs qui ressemblent à des Haribo géants, y en avait un par couleur de verre, un blanc, un vert, un marron. Mais Nicolas avait une bouteille bleue, du Veleda. Il a choisi de la mettre dans le marron. Il m’a montré une statue de Lénine, il m’a montré les usines, les châteaux. A propos du carrefour : « Quand je vois ces carrefours avec ces bagnoles, je m’dis : on est quand même une espèce qui prolifère à fond. » « Je suis obligé de répondre nulle part », dit Stig Dagerman – et Ambre ajoute : « Si je veux vivre libre… » Simon me fait lire les derniers mots écrits par Antonin Artaud quand on l’a retrouvé mort (tenant aussi une chaussure à la main) :

« Le même personnage revient donc
chaque matin (c’est un autre)
accomplir sa révoltante, criminelle
et assassine, sinistre
fonction qui est de maintenir
l’envoûtement sur
moi
de continuer à
faire de moi
cet envoûté
éternel
etc. etc. »

Et me fait remarquer comme c’est remarquable de terminer son œuvre par « etc. ».

Les lourds nuages, les beaux nuages, les immenses nuages flottant comme des zeppelins – du ciel au-dessus de Berlin – dans l’océan bleu que je nommerai aujourd’hui : Grisélidis Réal. Bleu Grisélidis Réal. Et puis il y a des chiens aussi qui sont comme des petits nuages. Entre eux et eux, l’humanité, avec ses prisonniers dans le zoo. (Aurai-je le temps d’y retourner demain ?)

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Photo François Stemmer.

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Chers amis,

Sorry, il s’agit juste d’un petit mot. J’ai peu de temps, en ce moment, j’enchaîne les choses. Je suis encore à Berlin (puis à Rennes) où je termine un stage de six semaines avec les élèves de l’école du TNB (à Rennes). Nous avons travaillé sur et avec des textes magnifiques. Ça me donne envie de poursuivre. Je peux vous donner ce qu’il me vient à l’esprit, mais, bien sûr, ce n’est qu’indication. Il faut s’occuper de choses très belles, c’est la seule loi, parce que c’est plus facile. Donc, a priori, pas de contemporain (mais vous verrez qu’il y en a dans la liste), des classiques – et même : les scènes les plus jouées en partant du principe qu’elles le sont parce qu’elles sont les meilleures. Shakespeare n’est pas dans la liste, mais vient en premier, bien sûr. Dante (dans la traduction de Jacqueline Risset), Elfriede Jelinek, Peter Handke, Botho Strauss, Artaud (tout Artaud !), Marguerite Duras, Gérard de Nerval, Edgar Poe, Jorge Luis Borges, Gœthe (Faust), Hölderlin (Antigone), Corneille, Tolstoï, Almodovar, Stig Dagerman, la Bible, Pierre Guyotat, Olivier Steiner, Pierre Courcelle, Neimad, Grisélidis Réal, Virginia Woolf, Roland Dubillard, Brecht (les poèmes), Joseph Beuys, Barbara, Jean-Luc Godard, Gilles Deleuze, Georg Büchner, Virginie Despentes… Mais tous les films, les séries (l’année dernière on avait fait Twin Peaks). Amenez des textes, des dvd, révisez vos classiques à vous, les choses que vous avez déjà jouées (et qu’on pourrait retraverser, ça va plus vite), amenez du maquillage, des costumes, des accessoires, ce que vous avez de plus beau, bien sûr, c’est dans la cambrousse, mais la nature est très belle là-bas (en cette saison), ce serait merveilleux d’aller saluer la splendeur en robe du soir ou en smoking (ou en costard Givenchy). Amenez ce qui est beau, ce qui vous va, les gants de Gilda, amenez des armures et des épées, c’est toujours ce qu’il manque dans les stages. Amenez des paillettes et de la musique. Des masques s’ils sont très beaux (sinon rien). Vous pouvez me joindre bien sûr.

Au plaisir

YN

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Hier et ce matin

C'était très agréable avec vous tous hier. Je garde en moi une belle impression et je comprends très bien ce que tu essayes de faire avec eux. Il ne faut pas qu'ils aient peur de se blesser... Lisez Deleuze ou regardez son Abécédaire ensemble.

Je t'embrasse très fort et à bientôt

Laurent



(Laurent Chétouane.)







Pour nous aussi. Je ne sais pas si c'était ce que tu nous as dit, ta sensibilité ou l'aube, mais, ce matin, c'était exceptionnel. Y a même eu un événement extraordinaire, une prise de pouvoir par les femmes (Marina, Ambre, Sarah) dans les rires et les fous rires. Inimaginable de magie et de liberté. Evénement encore très rare dans le monde. Elles ont vexé Romain et Nathan qui ont failli ne plus revenir (ça, c'était dommage, qu'ils envisagent la désertion, mais ça s'est arrangé). C'était extrêmement bien joué. C'était beau aussi le rapport entre l'engourdissement des corps (l'absence de stress) et la lumière si vivante, si neuve, si fraîche qui montait, montait avec tant de vitalité.

C'était tout ça à la fois et tu nous as reboostés ! Je ne sais pas si j'avais, moi, entendu des choses comme ça (celles dont tu parles, l'éthique...) à vingt ans (peut-être... je travaillais avec Claude Régy), mais, hier, je me disais qu'on ne leur vendait pas de la camelote, quand même, aux gosses ! Je me disais que j'aurais aimé avoir vingt ans pour entendre ce qu'on entend peut-être parfois seulement à la fin de sa vie... (Bergotte dans La Recherche...)

A bientôt, très cher

YvNo

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