Friday, October 21, 2011

Troisième dessin de Didier Paquignon

Des livres de chevreuil




Des enfants & des débiles dans le train.
Evidemment je reste parce que.
« Y a plus d’soleil », prévient le débile de sa voix métallique. (Ce n’est pas encore vrai.) Avec le soleil, il a de quoi tenir. Son père a rabattu le store pour les ordinateurs. « C’est quand, il s’couche, le soleil ? »

« Maman ? – Oui, mon gars ? »

« Ce matin, j’ai dû leur foutre un coup de pied au cul pour qu’ils aillent à l’école. – Coup de pied aux fesses ? », retouche le compagnon en relevant la tête. (Elle est debout.) Mais, à peine plus tard, il est repris à son tour par le contrôleur qui pointe avec son stylo la chaussure qui frôle le siège d'en face. « Mauvais exemple aux enfants », dit le contrôleur. « Il parle avec son papa, papa, le p’tit garçon. » C’est le débile à la voix de robot, très actif, en fait. Il fait un sapin sur son ordinateur, si je me penche. (Ici, dessin du sapin géométrique.) Oui, il y a une richesse, oui, il y a une santé, le maïs qu’on ramasse, les emblavures, chaudes emblavures, vertes emblavures, ciels emblavures, tout au pluriel, avec ces traits d’hiver, traces de peinture, griffures de zèbre dans le ciel.

Le ciel est si vaste & je te parle.

Des huîtres & je vois… un sexe féminin (dans le magazine, après avoir lu un article sur les grosses : « Le poids, un problème de taille »). Les enfants babillent, s’extasient du jeu sur l’iPad, « Maman, regarde… les oreilles de lapin… » Je n’entends plus tout, j’ai mis mes bouchons. Je vais à ma rencontre. Il est pour rien, ce voyage. Cette phrase a déjà été dite, la première, dans des romans que je n’ai pas lus, j’en suis sûr. Ou peut-être que j’en ai lu certains. Elle est tout comme. Je vais à ma rencontre. Il est pour rien, ce voyage. Il va vers moi. Il lorgne vers moi. Il roule. Au milieu des enfants et des débiles, dans la lumière rose-bleu pastel, l’amitié du monde. Oui, vers l’est, c’est rose-bleu & vers l’ouest, c’est encore clair. Le train, tous les trains, finalement, sont entourés de la mer. Les rails sont au milieu du paysage. Paysage rond, liquide, allongé, languissant, paysage doré ou de solitude, paysage pour les yeux, la terre est longue... Les savants découvrent & découvrent des exoplanètes, oui, ils les découvrent... Je reprends : je vais à ma rencontre. Je me suis habillé de gris, de couleurs accordées, fougère, fougère brûlée, gris carrelé, gris carrelé. J’ai (dans mon sac) un col en bélier, kaki. Des chaussures trop grandes. Cette année, je mettrai des semelles. Le paysage est une énorme semelle de diamant. Le débile répète & répète : « Demain, il pleut. Demain, il pleut. » La France est dans un état de très grande beauté, c’est un fait. Le violet, le rose, l’ourlé. Il y a dans la vitre le visage déformé du bébé. C'est très beau, c'est très drôle. J'aimerais prendre une photo. Le paysage me montre son visage comme une loupe. Qu’il est joli, ce clair de lune, ce coucher de soleil clair ! Qu’il est infini ! Que l’automne est mystérieux ! La nuit, maintenant bleu brouillard, comme elle va vite avec les lampes ! Je lis une phrase de Camille : « Le hasard est le moyen de transport qu’emprunte Dieu pour voyager incognito. » Toutes les citations avec le mot « Dieu » dedans me plaisent, c’est si oublié… Aussi : « Mon rapport à la musique est physique & métaphysique. » J’écris ceci sur un nouveau carnet, le train file vers Bourg-en-Bresse. Je m’applique, pour une fois – qui lira ? « L’espèce humaine est, d’après moi, une espèce musicale... »

Dans cette ville, à mon arrivée, quand je relevais la tête, je lisais : « Ambassade d’Asie » (un restaurant) & « L’Immobilier actif ». Le soir, je regardais Macbeth, au théâtre municipal : « Viens, nuit épaisse... »

Labels:

Nous sommes fait pour nous entendre très cher



Bonjour Philippe Frydman,

Vous n'avez pas voulu participer au projet du TCI de décembre, mais en voici un autre, celui du théâtre du Rond-Point en juin (suivi d'Avignon dans la foulée). Je vous mets le texte de demande que j'ai adressé à la DRAC, pour vous donner une idée.
Une autre idée qui n'est pas exprimée ici est de faire un spectacle sur le vin. J'ai des amis proches qui sont de parfaits spécialistes de vins, de Bourgogne, en particulier. Pour tout ceci, il faut des sponsors, soit pour le jardin, soit pour le vin, soit pour le champagne de toute façon – soit pour les artistes, puis-je susurrer... Le théâtre que je propose est, mon Dieu, à mon sens, l'un des plus proches qui soit de l'idée de fête... Et pourquoi l'argent ne participerait pas à la fête ? Pourquoi l'argent ne s'amuserait-il pas ? Plutôt que de rester dans son austérité protestante de sérieux et de morale. Pourquoi l'argent ne rejoindrait pas sa réalité liquide, un grand potlatch, que le monde aille à sa perte, disait Duras, elle voulait dire : qu'il se répande comme le lait... – et pourquoi pas le monde de l'argent ? Allez, Monsieur Frydman, soyez fou, soyez insensé ! Soyez d'avant-garde (il paraît que tout va se casser la gueule, de toute façon...)

Bien à vous et au plaisir de vous rencontrer

Yves-Noël






« Ce qu’il s’est passé en Avignon été 2010, dans le Off où j’ai joué seul sur scène (je prenais quand même le soin d’inviter quelqu'un pour une première partie, chaque soir), c’est une formidable rencontre avec le public. Tous mes spectacles sont l’objet de cette rencontre, tous mes spectacles ont pour sujet cette rencontre, cette transmission finalement d’on ne sait quoi, un poème, un coup de vent, une fuite en avant. Comme le disait Guillaume D’Aquitaine (« le dernier des troubadours ») que cite souvent Pierre Soulage et que je cite à mon tour, un poème sur rien. Un poème qui ne trouve son sens que dans le fait d'être transmis. C’est l’essence même du théâtre – ou de la danse – dont l'existence est d’être perçu, « pratiqué ». Tout est affaire de perception. L'entre deux. L'antre Dieu.

Le projet pour lequel je sollicite votre soutien est, une fois encore, l’amplification de ce phénomène sacré qu'est le « spectacle vivant ». Dans un décor de jardin planté, au théâtre du Rond-Point, d’abord au mois de juin pour vingt-deux représentations ; puis, dans la foulée, de nouveau en Avignon dans cette salle merveilleuse de La Condition des Soies où j’ai déjà joué en 2009 le spectacle intitulé Le Parc intérieur, cette fois aussi pour vingt-cinq représentations, dans un décor adapté à l'été, plus léger, fait de fraîcheur et de plantes, nous allons jouer.

Le projet s’appelle Je m’occupe de vous personnellement. M’entoureront cinq interprètes, comédiens, danseurs et praticiens de la technique Alexander qui s’intéresseront « personnellement » – c’est-à-dire dans un contact proposé physique – à chaque spectateur. Le spectacle n’est jamais une image. Ce qu’il se passe est toujours la traversée d’une image. Sans doute est-ce pour cela que le monde de la danse et des formes nouvelles m’accueille si généreusement depuis huit ans alors que le théâtre, plus engoncé dans sa tradition textuelle, semble plus réservé « quant à moa ». François Tanguy disait que le mot qu’il détestait le plus quand on parlait du théâtre, c’était le mot « texte ». C’est de là que je viens, de Claude Régy aussi, Claude Régy qui pulvérise les textes par la puissance de ses créations. Daniel Larrieu ne dit-il pas que la danse, c’est « l’épaisseur du silence » ? Je pense aussi à Dominique Bagouet, ah, ce cher Dominique Bagouet...

Je fais de la danse théâtrale, je fais du théâtre dansé. Vous comprenez ? Le cinéma, c'est l'image-mouvement. Là, c'est le mouvement dans les images. Vous voyez ce que je veux dire ? Il s’agit d’ouvrir la perception, il s’agit, par tous les moyens du mouvement, de la voix comme contact, de la musique comme toucher, d’ouvrir cette perception afin que le spectateur soit réellement l’auteur de son spectacle. Il s’agira de permettre – et tous les moyens sont bons – à chaque spectateur de rejoindre son monde intérieur, celui des premières perceptions de l'enfance. C’est, en un sens, une démarche absolument politique car la société ne vise rien moins qu’à empêcher toute réinvention du monde par l’individu, la société ayant pris la place de Dieu. Pardon pour la grandiloquence de mon propos, mais le sujet est grave, même si la forme doit rester légère.

J’ai animé et créé l'an dernier un stage intitulé « Jouer Dieu ». C’est ce que mon équipe et moi allons proposer à chaque spectateur durant les deux mois de présence au théâtre du Rond-Point, à Paris, et au festival d’Avignon, dans le Off, rien de moins que cela : Jouer Dieu.
Nous allons jouer Dieu, au Rond-Point et en Avignon, nous allons faire en sorte que les spectateurs puissent regarder Dieu droit dans les yeux. C'est un projet, pas une utopie. C'est pour cela que j'ai besoin de vous, pour m'aider à mener ce projet à bien. »



Propos recueillis par Olivier Steiner.

Labels:

Are you question or answer ?




« « et je fus autrefois garçon et fille, oiseau et buisson, muet poisson dans la mer, » Purifications, fragment 127, »

Labels:

L'Effet d'origine


Photo Denis Guéguin.

Agrément et catastrophe




« Van Sant agrees and demurs at the same time. « Not consciously. Those films were about catastrophes, and this one is more about ordinary death. It's more intimate. The others were huge catastrophes, and all originated as news items: Gerry came from a news story about two guys who got lost in the desert and one killed the other, violently. Did he think his friend was a demon; was he overcome by dehydration? The others were front-page news stories, major cover-of-Time-magazine-size stories, massive public events. Restless is more scripted, more intimate and performance-based, too. » »

Labels:

« Moi, j’aime bien Fillon, mais l’autre va lui mordre les couilles, ma copine Dati, jusqu’à ce que mort s’en suive… »




Comme tout le monde, j’aime Rachida Dati… Son nom sonne comme celui d’une star, elle a l’histoire d’une star – ses robes Dior, au moment de son passage au ministère de la Justice, resteront pour l’éternité… et je la rencontre à la descente du Thalys à Bruxelles. Je vais voir Jean Biche dans son show chez Maman, c’est le début de la journée, j’arrive à Bruxelles dans la claire journée et Rachida Dati descend aussi du train. Elle est exactement comme à la télé (pas de tromperie), elle est rayonnante, enjouée, éclatante de joie et de liberté. Elle est en talons d’au moins dix ou douze centimètres, en jean-tailleur, peut-être juste un petit sac (pour compléter la parure, l’uniforme de conquérante). Elle n’est pas seule, elle parle, très volubile, avec un homme accessoire-assistant, un homme de la « région homme », celle qui combat, celle qui travaille. Elle, son arme, c’est qu’elle débarque – dans la région homme – et son arme – son arme, c’est qu’elle est à la fois le gun et la girl – tout un cinéma, comme dit Jean-Luc Godard… Elle débarque dans la région homme et éternellement débarque, elle n’a pas de bagage, elle ne travaille pas, elle ne combat pas, elle est juste là, en plein milieu, comme une étoile, Rachida, et intelligente, sa seule arme : l’intelligence et que je suis une femme, vous allez mourir les hommes ou vivre en m’aimant. Vous allez m’adorer. Je suis nue.

Une scène que j’avais oubliée en vous parlant – pourtant je l’ai racontée beaucoup. Soudain un Arabe – un autre Arabe – se détache de la foule – ç’aurait pu être l’assassin de Sissi. Soudain un Arabe, un immigré, un pauvre est sur elle et lui demande, il lui demande, ça se voit, Rachida, s’il te plaît, fais qqch, Dieu te préserve, Dieu te rende service, fais qqch pour moi et ma famille, je ne sais… Il demande. Il l’a reconnue, il tente le tout pour le tout. Il croit en sa chance. Dieu lui fait un signe. Il lui dit : joue, voici Rachida. Je mets Rachida sur ton chemin, lui dit Dieu. Mais Rachida se sauve, effrayée, elle marche plus vite. L’homme avec qui elle parlait s’interpose (de sa région homme posée, forte, puissante, patriarcale). Elle cherche à fuir au plus vite la scène de la pauvreté, la scène de la misère (bien sûr, elle ne le cache pas : qui est d’où elle vient). Le pauvre homme rejeté, elle déjà hors de portée, rassurée, lui jette au-dessus de son épaule, sans le voir : « Envoyez-moi un mail… »






Ecrit en écoutant Graceland (Paul Simon).


« And I see losing love
Is like a window in your heart
Everybody sees you're blown apart
Everybody feels the wind blow »

Labels:

Au fin fond de tes yeux bleus




Du temps, du temps pour – respiration – retrouver ce que je ne savais pas que je cherchais (j’ai laissé le théâtre ou le musical ce soir passer – je n’ai que le concert)






Ah, oui, je me souviens… J’ai retrouvé ces deux lignes sans savoir quelle fiction elles mettaient en œuvre, incapable de les continuer… Le concert est de klaxon, je me souviens, il y avait refermement, hier, inévitable, pas sorti, pas rentré, pas sorti, pas couché, pas sorti trop rapide tout trop tôt tout alors que si lent si plaintif comme lent, mais qu’y puis-je, qui puis-je encore, encore content de mon sort, content, content… Le sommeil, la solution, le livre de poème pour ressembler – à défaut de Pierre – rassembler les respirations, les fantômes, les à-venir, quelle silhouette ? Femme ou garçon, oui, si la silhouette est celle d’une femme, contentement, désir d’avenir… Tous ces oreillers (achetés en solde) me plaisent par leur surnombre que je rejette après la lecture hors du lit hors de la couche hors du trou, j’ajuste, j’ajuste les mots…

Labels:

« I was feeling part of the scenery »




« Mais cela ne satisfera jamais le mystère, jamais cela ne répondra au mystère de ce que l'on est en train de vivre. »

Labels:

Empty sonnet




« Je vais vers eux. Visage empli d'yeux. Les jardins attendent que tu viennes y attendre. » Leonid Aranzon, Empty sonnet.

Labels: