Sunday, December 21, 2014

F anny Ardant, baudelairienne


Votre métier est-il cruel pour les femmes ?
F.A. – Je n’ai jamais pensé en ces termes. J’ai intégré très tôt l’idée de la mort. Nous avons un temps donné. Il ne faut donc pas s’excuser d’exister. Il y a deux choses indignes dans l’existence : se plaindre de payer trop d’impôts et se plaindre de vieillir. Comme le chaos final est inéluctable, autant vivre sa vie comme si l’on montait sur un ring.

N oyade


Cette photo n'a rien à voir avec le spectacle qui se joue au théâtre du Rond-Point non pas à la Ménagerie de verre — et dans le noir — ; je l'emprunte, je crois, à Charles Zevaco ; mais elle est ultra-baudelairienne... Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...

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Chère Marie, chère Aurélia, 
enfin le succès ! Hier (samedi), il y a eu un pataquès entre le haut et le bas, il restait 8 places en haut, ils ont vendu 12 places en bas (en liste d’attente). Donc, Stéphane a rajouté 3 chaises et l’une des personnes a préféré s’asseoir par terre. Je disais que des places meilleures allaient se libérer rapidement, mais c’est justement ce soir-là que presque personne n’est parti, juste en tout (sur les 2h1/2) 3 ou 4 ; donc on peut dire qu’on a été complet jusqu’au bout. Si ça se reproduisait, ce serait donc possible (pour moi) de rajouter qq personnes à la jauge. Ecoute magnifique surtout dans cette deuxième partie qui est celle où depuis toujours (et sauf à cette première sordide) le sens se révèle à chaque seconde : Ah, c’est là qu’on devait en venir, les sons et les parfums sont mêlés, l’érotisme et la mort, les ténèbres et la lumière, etc. indissolublement liés, indestructiblement liés, dans des liens de plus en plus massifs et subtils à mesure que la connaissance (la connaissance anthropomorphique, la poésie est anthropomorphique) progresse. Cette deuxième partie qui — j’en ai déjà parlé — s’est faite d’un trait, en une après-midi, à Bruxelles, et qu’on n’a jamais retouchée —, je me dis qu’elle n’existerait sans doute pas sans la première partie (qui contient autant de beautés que la seconde, c’est pas ça, non, la différence — énorme, pour moi —, c’est que l’une est travaillée (la première) et que l’autre ne l’est pas (et celle de l’effort n’atteindra, par définition, jamais celle du non effort) (et je sais que je suis en contradiction, là, avec ce que pensait Charles Baudelaire). Un public que j’ai pu regarder dans les yeux, heureux comme eux, leurs visages lavés par la nuit et éclairés par l’amour ; un spectacle quoi ! Jean-Marc Adolphe était là, il a adoré, adorable lui-même. Ce matin, il n’a pas fait un vrai article (et il s’en excuse), mais il se déverse en plusieurs posts sur Facebook. Je vous mets le principal (sa dernière phrase est sans ambiguités : « Rester vivant, de Yves-Noël Genod est, de très loin, l'expérience la plus lumineuse (et ténébreuse, tout autant) qu'il m'ait été donné de vivre dans une salle de « spectacle »... » Merci, Jean-Marc ! Ça me console de la honte et de l’humiliation de cette première et des 2 suivantes auxquelles je pensais échapper parce que le Rond-Point avait accepté de ne pas envoyer d’invitations, mais ça n’a pas suffit, ils me haïssent, les pros, et c'est réciproque, c'est la guerre ; à Avignon, je leur foutais déjà mon pied au cul.
Que faire pour le 24 ? Jouer quand même ? Où trouver les orthodoxes, les musulmans, les juifs, les bouddhistes, etc. les athées, les mêmes pas athées, les anti-famille, anti-Noël, anti-obligation du réveillon ? 
Bien à vous,
YN

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L es Voix


Qu’est-ce que je vais faire de mon dimanche ? je n’ai envie de rien sauf — encore — lire Baudelaire… Quand une drogue vous tient… Quand une drogue littéraire vous tient, elle tient aussi toutes les autres, ça qui est beau. Ce travail sur ce projet (Rester vivant), m’aura permis de redevenir l’adolescence où n’aimer qu’une seule chose suffisait. Je n’aimais que Barbara, je n’aimais que Marguerite Duras, je n’aimais que Pina Bausch, je n’aimais que Klaus Michael Grüber, je n’aimais que Claude Régy, et, voici, soudain, quand je l’ai rencontré… Et maintenant je n’aime que Charles Baudelaire, que Angélica Liddell, que Claude Régy aussi que j’appelle quand je suis presque désespéré… Entendre sa voix simple me console...

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R ester vivant, livre d'or, 7


Antoine Thiollier
Une amie venue au Rond-Point hier soir m'écrit ça : « Ça m'a rendue très sereine, ouverte et joyeuse ! Même ce matin. C'est pas psy du tout, c'est comme avoir voyagé. Ça ne m'a pas guéri de la peur du noir, mais j'ai découvert qu'il y avait différents types de noir et, un noir de théâtre, ça fait pas peur même quand y a des trucs qui font peur. C'est comme le train fantôme. Ça te fait plaisir d'avoir peur !... C'est comme avoir voyagé... » = VRAI

Nina-Paloma Polly
Bravo, bravo, bravo ! Le travail sur la voix et le son est magnifique, et les lumières et l'obscurité aussi. C'est drôle, au début, j'étais gênée car je ne savais pas si j'étais mieux les yeux ouverts ou fermés, et finalement, à la fin du spectacle, je n'arrivais plus à me souvenir si je les avais gardés ouvert ou fermés ou si j'avais oscillé entre les 2... J'ai l'impression de sortir d'une méditation ou des abysses, et ce qui au début m'apparaissait inconfortable est petit à petit devenu un endroit agréable que j'ai quitté à regret à la fin du spectacle . Une seule frustration, j'aurais aimé pouvoir m'allonger sur le sol !  Merde pour les autres soirs !

Régina Blaim
Bonjour
Merci beaucoup pour hier soir. Je me suis fait une crise de timidité aussi je n'ai pas eu l'occasion de te saluer. Il y avait de la flamboyance, de la volupté. Le noir permet à la voix de se faire chair. Un moment d'intimité avec moi-même, en sorte.
Un grand merci !
A bientôt, j'espère,
Magali

José Castrillo
Hier soir, j'ai été très troublé et ému... je vais d'ailleurs courir m'offrir la pléiade de Baudelaire...  très troublé aussi quand ton « danseur » a approché sa main de mon visage...
Je récitais in petto les textes que je connaissais par coeur et parfois dans le noir, je me laissais vraiment à danser avec mes bras, des ébauches de gestes que j'ai pu voir chez Pina ou ailleurs... tu devrais porter des lunettes infra rouge pour regarder ce que fait le public... :-D
On pourrait presque faire l'amour avec son voisin / sa voisine sur Les Bijoux

Adrien Dantou
Rester vivant, Très beau spectacle dYves-Noël Genod à voir au théâtre du Rond-Point !

Fabienne Louvat
Être vivant.
J'aime les gens de théâtre... Hier soir, j'étais au Théâtre du Rond-Point. Je pense avoir reconnu quasiment un spectateur sur deux. Personnes que j'ai du croiser sur Avignon au moment du festival... Donc ce sont les mêmes qui jouent et qui vont voir...
Je pense à la chanson de Brel Ces gens-là, juste parce qu'en les regardant, on devine beaucoup de leur vie... De leurs bonheurs et de leurs peines. De leur difficulté avec le monde, de leur difficulté à être et donc paraître. De leur aisance aussi. Les gens du théâtre ont une aisance enviable. Et j'aime les regarder. Parfois, j'aime moins les entendre...
J'attends pour la pièce d'Yves Noël Genod Rester vivant. Hier on me disait, venez directement, on vous trouvera toujours une place. Tout à l'heure on me conseillait de venir malgré le fait que ce soit complet, et, là, on me dit attendez, mais il y a peu de chance qu'on vous trouve une place. Seulement, voilà, Rester vivant, c'est 2h30 dans le noir. Et moi je ne peux pas savoir à l'avance quand je vais être prête à encaisser 2h30 de Baudelaire dans le noir. Maintenant, c'est le moment et je ferais des pieds et des mains pour faire partie du voyage. J'ai passé la journée dans Paris, j'ai vu les lumières, l'opulente consommation due à la période, les petits chalets en bois, les couleurs, les lumières... Je veux du noir, du beau ou du laid (avec Baudelaire, pas facile d'en faire la nuance...) Bref, c'est ce soir.
À la caisse, pas un regard de compassion, l'habitude des caprices de spectateurs sans doute... Mais à l'entrée de la salle, la jeune fille a bien vu mon besoin. Oui, mon besoin, pas mon envie. Après 40 minutes d'attente, la voilà qui me pointe du doigt et je sens la possibilité d'une place. Je l'ai ! Pause clope...
Quand je reviens pour entrer dans la salle, Yves-Noël Genod est là, me tend une coupe de champagne ainsi qu'à la dame qui me précède et qui me pose des questions sur le spectacle. C'est une amie qui lui a donné sa place à la dernière minute. Savez-vous ce qu'on va voir ? Euh... rien. On ne va rien voir.
La salle est déjà obscure et il est impossible de savoir où la rangée de chaise s'arrête. Je tâtonne jusqu'à trouver la dernière chaise. Celle tout au bout, la plus éloignée de la porte par laquelle s'échapper. Je ne sais rien sauf que je veux rester là, peut-être même jusqu'après la fermeture du théâtre. Je m'assois et mesure une première torture. La chaise en bois. 2h30 de chaise en bois. 5 minutes pour se conditionner, faire avec. Faire de cette chaise mon amie. Le spectacle commence.
Être vivant, c'est ça le titre. J'ai mon corps qui fourmille, je suis dans le noir, et mon corps qui ne prend pas la forme de la chaise morte. Je ne me bats pas pour rester vivante, je suis. J'ai l'impression que le spectacle a commencé depuis 15 mn. J'essaye d'abord de comprendre, d'envisager la suite. De me dire que j'aurais été mieux allongée par terre. Que j'avais envie de ce confort-là. Le noir me plonge d'abord à l'intérieur de moi-même. Je mets un certain temps avant d'entendre ce qui se joue. Je ne vois rien. J'entends la voix d'Yves-Noël à l'autre bout de la pièce mais il est là à côté de moi. Je le sais, je le sens. Pour l'instant, Baudelaire, c'est l'alibi de mon expérience. Pour l'instant, Baudelaire, c'est le cadet de mes soucis... J'enlève mes chaussures. J'accepte de fermer les yeux. Et j'entre.
J'entre dans la voix, ses rythmes, ses tonalités. J'entre dans la voix avant d'entrer dans les mots. Baudelaire et moi, c'est pas gagné. Mais Yves-Noël et moi, par contre... Et puis ça se fait, petit à petit... Je ferme les yeux, mais je ne m'endors pas. Pas une seconde. D'ailleurs, la seconde, j'en fais des minutes, pour que ça dure plus longtemps. On s'en fout, on fait ce qu'on veut. Je sais que ça dure 2h30 mais je ne sais pas à quelle heure ça finit. Je voudrais avoir 4 oreilles pour ne rien manquer. Bien sûr qu'on tend l'oreille quand on ne voit pas. Je regarde le noir du plafond. Je me tends. Pour entendre, pour que ça passe jusqu'au bout de mes orteils qui fourmillent. Pour que ça ne reste pas coincé dans ma gorge, dans mon ventre. Je sais que Baudelaire et Yves-Noël me veulent du bien. Pas peur du contre-effet. Je me laisse traverser, et ainsi je passe à mon voisin... Comme cette voix qui s'éloigne de moi jusqu'à ce qu'elle revienne.
Je pense divin, sublime.
Un point rouge dans le noir m'indique qu'il est 1h15 de spectacle (toujours pas l'heure qu'il est). Je peux partir. Je reste. La chaise n'est toujours pas mon amie, mais je l'ignore. Elle n'a plus d'effet sur moi. J'ai perdu mon corps. Il est quelque part dans les mots de Baudelaire.  Je suis dans ma tombe, parfois dans la sienne. Je ne sais plus, ça m'est égal et je suis bien. Volontaire, présente.
Cela fait un moment que le voyage a commencé et j'en redoute déjà la fin. Comment vais-je me sortir de là ? Comment vais-je pouvoir retrouver les chalets de Noël, le métro et l'autre réalité ?
J'ai déjà vécu le spectacle ultime, et celui-là est à haut risque. Seulement, il ne ressemble pas à l'autre. Je ne suis pas pressée de savoir...
Je sors de la salle, erre quelques minutes dans le théâtre, mais je ne suis pas ailleurs. Je suis bien là, au milieu des gens qui dînent encore. Je cherche les toilettes et ça ressemble bien à des toilettes. Les chalets sont les mêmes qu'avant et le métro est supportable.
Mince alors... C'était donc léger... C'était donc juste une douceur, un sucre... Une flûte de Champagne.
Être vivant, perdre le temps, abandonner le corps... seraient comme être mort.
Ce matin, c'est la paix.

Yuming Hey
Encore merci pour ton spectacle, il me reste beaucoup de mots, d'images fortes, de lumière !

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