Friday, June 22, 2012

C'est là que tout a commencé


Photo Marc Domage.

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(Olivier Steiner)



Yves-Noël Genod : exercice d'admiration numéro 10

Le goût de la pastèque Le goût de la baie de Somme Le goût d'un bulot mayonnaise Le goût du fer rouillé Le goût de Dunkerque  Le goût de la pluie d'été Le goût de Buenos Aires Le goût du Jura Le goût du tilleul Le goût d'un pavé parisien Le goût de la banane Le goût d'un sein le goût de Dublin Le goût de Lausanne Le goût du gardénal Le goût d'une pivoine rose Le goût des perles de culture Le goût d'une soie bleue Le goût des livres Le goût d'une chanson d'amour Le goût de Cannes Le goût de la nostalgie Le goût d'un oeuf de poule de la ferme Le goût du café chaud le matin  Le goût d'une cigarette blonde Le goût des mots Le goût de ses cheveux blonds Le goût de la menthe Le goût de l'Abyssinie Le goût du chlore de la piscine Le goût de son boxer mouillé Le goût d'un chapeau canotier  Le goût de la verveine Le goût du foin coupé Le goût de la pêche melba Le goût du métal Le goût de la Californie Le goût du Cap d'Antibes Le goût de la cerise Le goût de ses talons hauts Le goût des glaçons Le goût de l'encens Le goût du Sénégal Le goût des vacances Le goût de l'été Le goût des Champs-Elysées Le goût de la jeunesse Le goût du suicide Le goût de l'argent Le goût de la solitude Le goût de Vienne Le goût de l'amitié Le goût de Genève Le goût des billets de banque Le goût du champagne Le goût des pétales de roses Le goût du velours noir Le goût de la badiane Le goût des lingettes bébé Le goût de François Hollande Le goût de l'amour Le goût de la barbapapa Le goût de la fraise tagada Le goût d'un mojito Le goût de la clope froide Le goût du fond de teint Le goût de Mexico Le goût de Tanger Le goût d'un Stabat Mater Le goût de la Callas Le goût du citron Le goût d'une feuille de figue Le goût du lait Le goût de la marche Le goût du travail Le goût du bois de Vincennes Le goût du ciel Le goût des chiens Le goût de la danse Le goût du sexe Le goût du voyage Le goût du réel  Le goût de la mer Le goût du chocolat Le goût d'une allumette Le goût du feu Le goût du vent Le goût des parfums Le goût du cheval Le goût de Trouville Le goût du jasmin Le goût de l'eau de mer Le goût du gaz Le goût de l'école Le goût de la politique Le goût des jardins Le goût d'Yves-Noël Genod

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J'ai traversé les ponts de Cé



Je republie ici un commentaire à l'article intitulé Général désarmé parce qu'il m'avait échappé (je tombe dessus par hasard en fouillant pour autre chose) et qu'il contient de si belles phrases (que je lirai tout à l'heure aux acteurs).



« Oui, Claude Degliame jouait Nova ! Je regrette de n'être pas née à ce moment-là. Cette phrase est initialement dite par la Vieille Femme (jouée par Muni à la création en France par Régy) mais en fait tu ne trompes pas, puisque Nova, dans cet illustre monologue final qui pourrait être le négatif parlant de ton spectacle, reprend cette phrase de la vieille femme : (« Voyez le miracle et oubliez le. »)

Quelques extraits choisis (à peine) au hasard : 
« Oui, s'incliner devant une fleur, c'est possible. / Le papillon jaune est le cœur du bleu du ciel. / Ici, c'est le contraire d'un hôpital et ce qui de loin semblait la tête menaçante de la mort se révèle en approchant un jeu d'enfant. / La force a sa demeure dans le visage de l'autre. / Ceux qui aiment, seuls transmettent: aimer une chose – suffit pour tout. / Marchez jusqu'à voir les détails, jusqu'à distinguer dans l'embrouillamini les lignes de fuite ; marchez si lentement que le monde vous appartienne à nouveau, si lentement qu'on voie bien combien il ne vous appartient pas. / Inventez sans cesse l'énigme : et déchiffrez-là, éclaircissez la seule énigme : nous réveiller le matin et aller nous reposer le soir. / Faire semblant est une force./ Jouez le jeu  mais qu'il ait de l'âme. / Vous pleurez, ça pleure – vous riez, ça rit. / Voyez danser les pulsations du soleil et fiez vous à votre coeur qui bout. (...) »

Pensées, C. »

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L'Aura



Il y a beaucoup de spectateurs qui décrivent leur expérience, leurs sensations, qu'ils traduisent avec des images, des associations d'idées, des souvenirs d'autres spectacles, mais évidemment, ce n'est pas de la critique au sens strict. J'ai discuté un peu hier soir avec ton génie de la lumière et Valérie, on a parlé de l'« aura » de Benjamin, que je suis en train de lire. De mémoire, je disais: « l'aura, c'est ce qui est proche, aussi lointain soit-il », et en reprenant le texte, c'est, plus exactement : « Une singulière trame d'espace et de temps : l'unique apparition d'un lointain, si proche soit-il. Suivre du regard, un après-midi d'été, la ligne d'une chaîne de montagne à l'horizon ou une branche qui jette son ombre sur lui, c'est, pour l'homme qui repose, respirer l'aura de ses montagnes ou de cette branche. » Tout ça pour dire que si j'étais critique (si c'était mon métier), je fonderais mon commentaire, d'un point de vue théorique, sur cette question de l'aura, qui me semble une voie possible pour parler de ton spectacle, au-delà des sensations immédiates et du choc de certaines images (le « choc »: autre notion développée par Benjamin dans son texte sur Baudelaire... et là aussi, plein de choses à dire : les fenêtres – le poème en prose de Baudelaire –, la ville et la foule qu'on observe depuis la fenêtre, la figure du « flâneur »...). Enfin, tu connais peut-être ces textes-là !
Bisous,
Pierre

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Images de Philippe Gladieux


21 juin








22 juin



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Pascale Fautrier parle de la soirée d'hier



THÉMATIQUES DU BLOG


22 Juin 2012 Par Pascale Fautrier

21 juin, 18h55. Vent contraire dans la rue de Rivoli : mon vélo fait du surplace. C'est commencé quand j'arrive au Théâtre du Rond-Point : un jeune homme rose en slip blanc boit déjà l'eau des plantes à même le seau, sur l'air de Norma.
Adoration à la lune dans la forêt sacrée : les herbes guérisseuses ont envahi la scène. Des colibris étincellent sur le jasmin des Florides. Casta Diva, che inargenti queste sacre antiche piante. Les fenêtres sont ouvertes côté jardin, mais je ne vois pas sur quoi. Ca fait un courant d'air avec la lucarne ouverte sur le ciel bleu au-dessus de moi.  Elles sont seules sur la scène. La charnelle, la blonde, l'écrivain-lectrice.  Seules avec le téléphone dans la main. Voici le temps des personnes déplacées. Des hommes-chiens, des hommes-cheval, des hommes-poules. Toujours le même : étonnant acrobate. Qu'est-ce qu'on fait des corps? Elle a perdu son amant, elle erre sur le bord du Lac Léman.  Où suis-je? Qu'est-ce que je fais là?, lit Valérie Dréville. Chaque soir, Valérie Dréville lit des passages de deux livres d'Hélène Bessette : Si, Gallimard, 1964, rééd. Léo Scheer, 1964, Suite suisse, Gallimard, 1965, rééd. Léo Scheer, 2008 (et d'autres de HB). Pionnière du Nouveau Roman, aimée par Duras, Sarraute (wikipedia) Je téléphone. Communication coupée. Interceptée. Un inconnu répond. Voix de gorge. Voix pleine. Et :  I'm sorry. Il y a erreur. Nous n'étions pas faits l'un pour l'autre. Ils sont seuls. Avec leur téléphone. Alors ils nagent. Et elles tombent. Il paraît que les textes, certains soirs, c'est violent : on entend la guerre qui vient, les mitrailleuses et l'impact des bombes. La haine : Voici le temps des sans-abri, des sans-papiers, des sans-familles, des sans-amis.  
Mais ce soir, c'est après l'orage : tendre. Les pétales de roses par terre. Les feux de la Saint-Jean. Et chaque fois les feuilles mortes /Te rappellent à mon souvenir /Jour après jour les amours mortes /N'en finissent pas de mourir.  L'homme-cheval nage dans l'eau qu'il expulse de sa bouche en nuages. Il pleut. La blonde monte sur le bord de la fenêtre. Je suis dans le courant d'air. La charnelle ouvre son peignoir, montre ses seins (et ses ailes) : oui, Deneuve/Bunuel (on rit beaucoup aussi). La musique du Mépris : elle n'a pas sauté par la fenêtre. A défaut de mort, le grand désespoir de l'exil. Ils sont seuls sur la scène. Pour être libres, il faut un passeport et de l'argent. Mais je les oublie tout le temps dans ma chambre. On est seuls avec eux. Qu'est-ce qu'on fait des corps ? L'air, la terre, l'eau, le feu.Yves-Noël est assis à quelques personnes de moi, je ne l'avais pas vu (depuis cinq ans peut-être) : il a toujours son air d'Iggy Pop enfant. Il dit : je vais vous dire qui sont. On croit : les noms des comédiens (puisqu'il est le metteur en scène). Non : les plantes, sur la scène, différentes chaque soir, côté jardin évidemment. On les appelle des délaissées. Les délaissées des jardins à la française. On entend moins les oiseaux. La circulation des Champs-Elysées entre dans la maison. C'était sa maison de rêve à Yves-Noël,  il nous avait invités et on va se retrouver dehors, expulsés dans la ville. Je me souviens : on avait parlé des femmes qui font la vaisselle dans Nathalie Granger, la maison de Marguerite Duras, et des petits carnets où il note au vol ces dialogues qu'on entend par bribes (ils parlent tout bas dans les coulisses vertes) : non, là, je peux plus tenir, il faut que j'aille faire pipi. Tant pis : Attitude d'esprit : refuser la haine. Retrouver la mentalité des heureux peuples sans guerre, sans invasion. Hélène Bessette.
C'est comme si mon cerveau avait pris l'air. J'achète Si à la librairie. 
Dehors, le vent est tombé, le ciel d'orage est nettoyé. La Seine est bleu clair, le ciel transparent, la lumière éclatante. Le Soleil n'a jamais été si jaune. Sur la passerelle des Arts, une rangée de CRS regardent un groupe chanter A la Bastille, on l'aime bien Nini Peau de Chien. Quelqu'un dit : On dirait que c'est la fin de quelque chose, on dirait que quelque chose de nouveau va arriver.






Je m'occupe de vous personnellement, mise en scène : Yves-Noël Genod, Théâtre du Rond-Point, 19h, jusqu'au 24 juin (dimanche : 15h30). Avec : Valérie Dréville, Marlène Saldana, Alexandre Styker, Dominique Uber, Lorenzo de Angelis, Yves-Noël Genod (la distribution change aussi).

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