Tuesday, February 12, 2013

Le Dispariteur


« Phidias, Shakespeare, Mozart disparaîtront ; mais non ce dont nous entretiennent sans cesse Phidias, Shakespeare et Mozart : l’offrande du réel, le don, toujours renouvelé, de la présence. »

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Le Voyage

Intimacy


Je me demande un peu ce dont parle les gens. Ce que j’ai vécu, personne n’en parle jamais. L’intimité. Ce que j’ai vraiment vécu. Il est possible que, si personne n’en parle jamais, cela veuille dire que, moi non plus, je ne serais pas capable d’en parler. Peut-être. Il est possible que chacun ressente les choses de la même façon, que ce dont il est fait, intimement, personne n’en parle jamais. 

« L’allégresse est, dans tous les cas, un sentiment peu avouable : un sentiment irraisonné dont il est impossible de révéler à quiconque la teneur, pour l’ignorer soi-même. Aucune raison solide ne saurait établir l’avantage à ce qu’il y ait de l’être plutôt que rien ; pas même le principe du meilleur, énoncé par Leibniz qui subordonne ses raisons à un avantage en être, tout comme Spinoza à un avantage en puissance d’agir, mais ne s’interroge pas sur les avantages de cet avantage même. C’est pourquoi l’allégresse, et l’amour de la vie qu’elle implique, est un sentiment toujours plus ou moins secret : bonheur dont on ne fera jamais part à personne puisqu’on est hors d’état de le faire figurer à ses propres yeux. S’il est un mystère, c’est-à-dire une chose dont on connait l’existence mais aussi, selon l’étymologie, devant laquelle on reste myope parce qu’elle demeure elle-même fermée, soustraite ainsi à toute possibilité de divulgation, c’est bien la nature de sa propre allégresse, la façon qu’on a, différente probablement de toute autre, c’est-à-dire idiote, d’être épris du réel : lieu du seul quant à soi intraduisible et indivulgable. »

Down in the world



« Ce n’est pas qu’on soit seul au monde, c’est plutôt qu’il n’y a plus de monde. Le Réel, c’est-à-dire l’usage qu’on en faisait, est tombé en désuétude. Il faudrait repartir de zéro, réapprendre petit à petit ce qu’on savait et qu’on a oublié tout d’un coup, récupérer pièce à pièce les lambeaux du réel en attendant d’être en mesure, plus tard, d’en reconstituer l’étoffe. Commencer par les choses simples, faciles, élémentaires : réapprendre au réveil le réveil (j’existe, il y a un monde aussi qui existe, quelque part autour de moi) ; la salle de bain (il existe des lavabos, il existe de l’eau) ; la cuisine (il existe du café, il existe du sucre). Petit nez-à-nez matinal avec le réel qu’on n’aurait peut-être jamais rencontré de si près si l’aventure amoureuse ne s’était ainsi brusquement interrompue. »



« Quatrième voie possible d’accès au réel, la philosophique, qui résume d’ailleurs, en y ajoutant sa marque spécifique, les 3 voies évoquées ci-dessus : l’état philosophique, au dire même de Platon, supposant un état perpétuellement ivre, amoureux et artiste. »



« The way to dusty death. Out, out, brief candle !
Life’s a walking shadow, a poor player
That struts and frets his hour upon the stage
And then is heard no more. It is a tale 
Told by an idiot, full of sound and fury, 
Signifying nothing. »

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L’Infini de Paris

Secret



« Non qu’à la limite l’homme n’ait rien à cacher ; il a au contraire toujours au moins un secret qu’il protège toujours jalousement : précisément le fait qu’il n’a aucun secret, qu’il n’a rien à cacher. »



« Le secret des choses, c’est qu’il n’y a pas de secret. Le message de fond n’est qu’un bruit, et nul ne me fait signe, et il n’y a pas de signal. (...) Qu’il n’y ait rien à lire, au bout de toute lecture, qui le supportera ? »

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Grand jour (3)


« Dans la clarté, je vois que je ne vois pas tout, je comprends que je ne comprends pas tout. »



« Les films de Béla Tarr sont organiques et contemplatifs, plutôt que fonctionnels et contemporains. Ils regardent la vie comme il est impossible de regarder un film. Ils sont si proches des vrais rythmes de la vie que l’on a l’impression d’assister à la naissance d’un nouveau cinéma. »

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L’Illusion


« I believe in low lights and tricks mirrors. »

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Prière du soir


Qu’il est long, qu’il est long, mon chemin vers le rien... Qu’il est varié... Qu’il est beau... en noir et blanc et en couleurs... Comme les mots sont purs de mal dire de dire autre chose que ne rien dire...
Je suis toi, je suis moi et je suis seul — et je le regrette... Je suis chômeur, chômeur de l’amour et du travail. Je ne suis rien. Mais qu’il est long mon chemin vers le rien. La solitude épanouie. 
« L’anodin devient l’essentiel, la lecture du journal devient la « prière du matin ». » Qu’il est long et qu’elles sont variées, les rencontres — non essentielles. Les rencontres... la pauvreté des rencontres, les visages douloureusement non sculptés, non photographiés, non dessinés... Les visages où rien ne regrette...

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La Mode


Hier (samedi) diné avec Jean Colonna. Brillant, drôle. Et puis Sylvie m’a sorti les books des travaux anciens : talent immense, neuf, bouleversant. Par exemple, un calendrier qu’il a fait avec des travelos. Il est arrivé dans le café, il a ouvert une valise de fringues (de ses fringues) et il leur a dit : « Rendez-vous dans 3 jours ». Chaque travelo a mis ce qu’il voulait. Les photos sont somptueuses. Une autre fois, pareil, à Los Angeles, avec des acteurs porno. Ce qu’il préfère : l’actrice qui, pour faire une fellation, a mis sous ses genoux une robe roulée en boule, l’autre qui, pour s’asseoir sur une table en verre et ne pas prendre froid aux fesses, a posé un blouson en  cuir (qui ensuite aura pris la forme de ses fesses). Il m’a dit le nom du photographe pour le tournage porno... carnet... Jeff Burton. Il dit qu’il refait des trucs avec des imprimés panthère, qu’il adore les imprimés panthère. Il raconte son travail en Corée, son travail chez Sonia Rykiel (consultant). On cite la phrase de Laurence Benaïm : « Sans une rousse, un pull noir et du strass, la rive gauche ne serait pas la rive gauche. » (Rechercher la phrase exacte.) Et on dit : « Elle a tout dit. » (Sens : ce n’est que ça.) Et puis les gossips, les infos que l’on s’échange, ce milieu est si vaste. Qui est viré, qui se fiance ? (à qui ?), qui achète ? à quel prix, Brad Pitt, pour Chanel ? etc. Ce que je retiens : Hedi Slimane a maintenant des cheveux et un petit bidon. Et : « Ça se vend ». Il faudra que j’y passe, même si j’ai pas un sous en poche... au moins pour rêver aux paillettes et — qui sait ? — aux imprimés panthère. Stéphane dit à Jean Colonna qu’il l’invitera à ma prochaine première, mais, cette prochaine première, quand et aura-t-elle lieu un jour ? Sylvie me donne 20 euros pour que je prenne un taxi pour rejoindre Marie Vachette dont c’est l’anniversaire. Changement de décor. La vue est belle. Tout Paris. Les monuments s’éteignent. Mais 2 pièces seulement, tout le monde fume comme un pompier et bois du mauvais alcool : la pauvreté. 

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Grand jour (2)

Les Peintres


Les peintres, que je découvre tout d’un coup. Pas tout d’un coup, mais pendant longtemps, il n’y en avait qu’un. Bruno Perramant. Coup de foudre. Qui dure. Mais maintenant il y en a d’autres — comme je l’ai déjà dit et redit. Eh, bien, ces peintres, ils ont en commun, je le constate, je le découvre, d’avoir lu Clément Rosset. « Il n’y a pas de mystère dans les choses, mais il y a un mystère des choses. Inutile de les creuser pour leur arracher un secret qui n’existe pas ; c’est à leur surface, à la lisière de leur existence, qu’elles sont incompréhensibles : non d’être telles, mais tout simplement d’être. » Je lis dans le catalogue de Visiblement, l’expo de Thomas Lévy-Lasne que, visiblement, il a lu Clément Rosset. Suzanne Tarasiève, la galeriste de Youcef Korichi m’avait aussi promis un catalogue avant de partir sur les soucoupes volantes et alors, là, elle a oublié de me le donner (et, moi, j’ai fui dès que j’ai pu). Je n’ai que ce que j’ai pris en notes : « Je cherche dans la pâte la figure. C’est ce que j’aime chez Francis Bacon, chez Lucian Freud. La touche a sa force. Elle peut révéler sans préciser. Je cherche la simplicité. Je ne suis pas là pour raconter une histoire. Je tourne autour d’un sujet jusqu’à l’épuiser. Je ne m’occupe que du tableau. Pour que l’image ne gagne pas sur lui. Pour qu’un tableau soit authentique, il faut qu’il vienne de la tête. Il faut que ça soit spontané. J’ai le goût de la mimêsis depuis que je suis petit. L’idéal, c’est de partir du mythe ; du temp hors du temp. Le retranscrire sans que ce soit littéral comme dans les informations, dans les journaux. » Je remarque l’humilité de ces peintres immenses. L’humilité faite peintres. Ça me frappe par rapport aux autres artistes dont on a souvent l’impression qu’ils ont inventé le fil à couper le beurre. Humilité, bien sûr, par rapport aux siècles de peinture qui nous submergent comme un océan. Ces artistes, ce ne sont pas des gens qui cherchent la forme, mais la justesse. Et la place du spectateur. Rien ne doit être trop dit. (Ce sont des mots de Youcef Korichi.) C’est pour ça que je me sens en résonance. C’est aussi ce que je cherche, pas la rupture, mais la redistribution des formes dans la justesse. Oui. Qqch comme ça. Et la place du spectateur. Rien ne doit être trop dit. « Un narratif flou », me dit la galeriste. Elle me fait remarquer que le type qui tient la barre de métro porte un habit sorti des tableaux de David. Elle parle d’un regard intemporel qui a un rapport avec notre temp, mais qui est hors du temp. Puis elle me parle des pyramides (qui sont toutes « construites sur la même ligne ») et me dit de regarder sur YouTube La Révélation des pyramides. A partir de là, c’est foutu...

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Le Credo du peintre (ou du photographe)


« Insensé quand j’ai cru de mes yeux saisir ton corp, ô Vierge,
Puisque mon œil n’est rien et que ton corp est tout. »

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Couple (3)

Le Retour de Vénus


« Vénus est vulgivaga, comme le dit Lucrèce : une vagabonde qui glisse d’objet en objet sans jamais s’arrêter à aucun et erre à l’aventure, indistinctement, parmi tout le monde et toutes les choses, — vulgus, vagor.



« L’amour est-il amour de qqch, ou est-il amour de rien ? »



« Tout nous invite à ne pas tolérer l’autre, à défendre son quant à soi par une sorte de mouvement animal qui nous porte à considérer comme une atteinte à notre personnalité l’adresse que l’autre nous fait. Il n’y a qu’une seule réponse. Cela porte un nom peut-être désuet en politique, cela s’appelle l’amour. »

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Take Shelter



« Il n’est pas de remède contre la clairvoyance : on peut prétendre éclairer celui qui voit trouble, pas celui qui voit clair. »



Enfin la solitude, enfin les 4 murs, les pages blanches, la nuit qui tombe, l’heure bleue, comme dit Caroline. Enfin — mais je me vante, sans doute — l’amour du monde pur et de ne pas croire, de ne pas croire, tout simplement : à rien. De ne croire à rien. Mais l’amour de rien. 



Le réel : comme c’est fastidieux, comme c’est fascinant, comme c’est réel. 
Le réel et le cœur du réel.

Le Cabinet de la Mort (2)



« L’œuvre d’art que j’admire, la personne que j’aime, le livre que j’écris ne me survivront pas ou guère, et j’en vois déjà la disparition en filigrane alors que je suis moi toujours en vie. Ce n’est pas moi qui quitte tout cela ; c’est, plus profondément, tout cela qui me quitte, que j’aime sans pouvoir l’arracher à la mort. »

« Debemur morti nos nostraque — nous sommes dus à la mort, nous et « nos choses ». »

« La mort que l’âme doit vaincre n’est pas tant l’unique mort qui met fin à la vie, que la mort que l’âme éprouve sans cesse durant qu’elle vit dans le temp. » 

« C’est là un des derniers mots de Mallarmé (dans le Coup de dés) et l’expression ramassée de la pensée qui paralysait sa faculté créatrice depuis toujours : « rien n’aura eu lieu »,rien, pas même la poésie. Le pouvoir de Dieu est celui du Diable : les 2 se confondent dans ce pouvoir outrecuidant de la mort qui est d’annuler ce qui a existé, de faire en sorte que ce qui existe n’a pas d’existence. Le monde ne souffre pas de devoir finir, il souffre de ne pas avoir commencé : de ne pas avoir encore « eu lieu  ». »

« At nox atra tristi caput circumvolat umbra — et pourtant une nuit noire enveloppe sa tête de son ombre triste. »

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Le Cabinet de la Mort