Friday, March 15, 2013

La Joie d’avoir vécu


Si j’écrivais un livre de philo, si j’étais capable de le faire — ou si j’avais, comme dit Albert Einstein, non pas le talent pour le faire, mais la curiosité (« I have no special talent. I am only passionately curious »), je pense que je pourrais faire, ce vendredi soir, à Paris, un livre intitulé : La Joie d’avoir vécu. Tout me distrait (de ma lecture), tout me déroute ; c’est ce que je suis : une feuille qui bouge par le vent, malmenée par le vent, influençable en tout...

J’ai vu les pigeons tout à l’heure, à Paris, près de la Porte Saint-Denis ; un brave homme souriant, rigolard, même, le bon Dieu sans confession, déversait des tonnes de graines pour pigeons — et c’était donc des milliers de pigeons, comme si les pigeons avaient gagné. Il y avait tant de photos possibles, mais je décidai de regarder. Plus tard, je me disais, tu décriras ; tout ne peut pas toujours passer en photos. Ce que je peux décrire, c’est la couleur énorme qui se déployait dans le ciel. Dans le ciel immédiat, je veux dire, l’air à ma portée. Cette couleur gris pigeon de dessous les ailes. Un gris très fort en quantité, anthracite et violet à la fois.  Une masse d’or, mais, à la place de l’or, c’est du gris — je parle bien ? —, du fer. Comme si la terre et le monde allaient devenir ce beau gris, ce gris mort, ce gris pigeon, place de la vie ferrugineuse.

J’étais seul dans la nuit. Je m’acceptais ainsi. Je ne pouvais pas ne pas aimer cette situation. Seul. Seul dans la nuit. De tous les temps, de tous les maux, je ne pouvais rien dire, je ne pouvais que dire : je suis seul dans la nuit. L’intelligence curieuse me retenait...

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La petite cuillère qui flotte




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Granit gris de Bretagne


« L’idée de meurtre évoque souvent l’idée de mer, de marins. Mer et marins ne se présentent pas alors avec la précision d’une image, le meurtre plutôt fait en nous l’émotion déferler par vagues. Si les ports sont le théâtre répété de crimes l’explication en est facile que nous n’entreprendrons pas, mais nombreuses sont les chroniques où l'on apprend que l'assassin était un navigateur, faux ou vrai et s'il est faux le crime en a de plus étroits rapports avec la mer. L'homme qui revêt l'uniforme de matelot n'obéit pas à la seule prudence. Son déguisement relève du cérémonial présidant toujours à l'exécution des crimes concertés. Nous pouvons d'abord dire ceci : qu'il enveloppe de nuées le criminel ; il le fait se détacher d'une ligne d'horizon où la mer touchait au ciel ; à longues foulées onduleuses et musclées il le fait s'avancer sur les eaux, personnifier la Grande-Ourse, l'Etoile Polaire ou la Croix du Sud ; il (nous parlons toujours de ce déguisement et du criminel) il le fait remonter de continents ténébreux où le soleil se lève et se couche, où la lune permet le meurtre sous des cases de bambous, près des fleuves immobiles chargés d'alligators ; il lui accorde d'agir sous l'effet d'un mirage, de lancer son arme alors qu'un de ses pieds repose encore sur une plage océanienne si l'autre déroule son mouvement au-dessus des eaux vers l'Europe ; il lui donne d'avance l'oubli puisque le marin « revient de loin » ; il le laisse considérer les terriens comme des plantes. Il berce le criminel. Il l'enveloppe dans le plis, étroits du maillot, amples du pantalon. Il l'endort. Il endort la victime déjà fascinée. 
(...) 
Qu'ils descendent du ciel, ou remontent d'un domaine où ils connurent les sirènes et des monstres plus étonnants, à terre les marins habitent des demeures de pierres, des arsenaux, des palais dont la solidité s'oppose à la nervosité, à l'irritabilité féminine des eaux, (dans l'une de ses chansons, le matelot ne dit-il pas : « ... on se console avec la mer » ?) sur des quais chargés de chaînes, de bornes, de bittes d'amarrage où, du plus loin des mers ils se savent ancrés. Ils ont pour leur stature des dépôts, des forts, des bagnes désaffectés, dont l'architecture est magnifique. Brest est une ville dure, solide, construite en granit gris de Bretagne. Sa dureté ancre le port, donne aux matelots le sentiment de sécurité, le point d'appui d'où s'élancer, elle les repose du perpétuel vague de la mer. »

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Le Gant




Marque d’affection / marque de fiction


Je réécoute 2 fois, mais, dans l’extrait que Jean Pierre Ceton publie sur son site de l’émission d’Alain Veinstein à propos de son livre Petit homme chéri, page que je suis allé revoir pour l’envoyer à Bébé qui a retrouvé lui aussi des lettres de cette période, Jean Pierre Ceton fait bien un lapsus. Il dit la première fois : « marque d’affection » puis, plus loin, « marque de fiction ».

Un autre lapsus (dans la foulée). Thomas Hirschhorn à la radio (« Le Rendez-vous ») se rebelle : « C’est justement pas un panthéon du tout, c’est mes zéros à moi. » Il reprend : « C’est mes héros à moi. »

J’ai de nouveau internet chez moi. Depuis hier. Je ne sais pas combien de temp ça va durer. Mais je ne peux pas regarder de vidéos, tant pis. Tant pis, je n’ai le temp de rien, de toute façon. Bébé me dit qu’il a arrêté le shit et qu’il pète le feu depuis. Tant mieux. C’est vrai que le shit, non, pas pour lui. L’alcool, déjà. Bon.

Thomas Hirschhorn s’enflamme : « On peut que se confronter à la forme en donnant tout. Et c’est ça qui donne à la forme une force très forte parce qu’elle demande tout de celui-là qui veut bien se confronter avec elle. Hors c’est beaucoup plus facile de parler sur qqch. Hors la forme n’est jamais sur qqch, elle est qqch. » 

« On vit dans un temp de commentaire, vous m’avez demandé tout à l’heure un commentaire, de l’opinion, de l’information. On vit dans ce temp-là. Mais, évidemment, la forme, elle peut pas être comprise par un commentaire, par une opinion et par l’information mère — ou par un fait. » Encore un lapsus. Moi, j’entends, en tout cas, « l’information mère » (au lieu, sans doute, de l’information même). Et puis qq cite Paul Valéry : « La forme coûte cher. »

Une chose drôle à la télé — puisque j’ai de nouveau la télé — c’est au « Petit journal », ils l’ont montrée : sur TF1, une traductrice a traduit le Notre Père du pape comme si c’était un nouveau texte (dont elle n’avait jamais entendu parler), avec des approximations, des hésitations, etc. TF1 s’est excusé le lendemain, mais, ça, c’était drôle ! Et puis cette phrase, aux Guignols : « Dans l’église catholique, on peut être à la fois homo et homophobe. » Affreusement vrai — sur la folie humaine dont on ne sait rien. Je retourne à Clément Rosset (on m’a réapprovisionné). Hé, hé !

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Celle qui chez le poète est presque semblable à celle des autres hommes




« Les mots sont posés à mes 2 oreilles / Et le moindre cri les fait s’envoler. »

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Querelle




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La Gerbe et la disgrâce


« Méfiez-vous de moi comme je me méfie de moi car je ne suis pas sans recul. »





R.C. parle d'unir la gerbe et la disgrâce — ce qu'il m'arrive, ce qu'il m'est arrivé — toutes 2 dépassées. « Nous avons les mains libres pour unir en un nouveau contrat la gerbe et la disgrâce dépassées. » Suit une phrase plus pessimiste. « Mais la lenteur, la sanguinaire lenteur, autant que le pendule emballé, sur quels doigts se sont-ils rejoints ? » 



Le Cerveau — rajouter
René Char parle de « la vacance ou s'engouffrait la pensée ».



Bretagne
« Le trésor entrouvert des nuages qui escorteraient notre vie. »

Théo Mercier m'envoie encore des belles images





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Accession à la réalité


La littérature, pour moi, c’est l’art brut (sinon rien). Et ce que je fais n’est malheureusement pas de l’art brut. (Après ma mort, il est  possible que ce blog soit quand même un témoignage de cet ordre.) L’artisanat de l’écriture est effrayant et vain, mais émouvant et laborieux. Dans l’art brut, il n’y a ni vanité (journal intime qui ne s’adresse qu’à soi-même ou lettres qui s’adressent à leur destinataire) ni labeur, juste ce qu’il faut (avoir appris) pour écrire. Un exemple, encore, d’art brut (qui me fait venir les larmes aux yeux), ce sont des lettres de la guerre de 14 sur lesquelles travaille Bébé que j’ai rencontré tout à l’heure chez Jeannette. J’ai recopié 2 phrases : 
« Cela faisait 23 jours que je vivais en terrier comme les Jeannots et nous savons tous marcher à 4 pattes maintenant. » 
Et la suivante : 
« Je viens de faire couper ma barbe, couper mes cheveux et surtout de prendre un bon lavage dans l’Aire. »
Je n’écris pas parce que je n’accepte pas que ce travail soit laborieux. 



« Je vous cite : « Pourquoi l’homme de béatitude éprouve-t-il le besoin (...) d’écrire ? Est-il possible de concevoir une cohérence de principe entre la joie raisonnée de vivre et la folie (...) de l’écriture ? » » 



Mythe de l’intériorité 

Ecrivez, vous dis-je

Le bon livre, la bonne réalité

Chez Jeannette, sur les banquettes chauffantes

Béat de Bébé
A la place de Bébé

J’ai beaucoup de mal à vivre à mon époque.

Etienne Chouard (YouTube)

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Une histoire pendant qu’on la raconte



« Chaque matin nous instruit des nouvelles du globe. Et pourtant nous sommes pauvres en histoires merveilleuses. D’où cela vient-il ? La raison en est qu’aucun événement ne nous parvient plus qui n’ait déjà été imprégné d’explications. En d’autres termes : presque plus rien de ce qui arrive ne bénéficie plus au récit, presque tout bénéficie à l’information. C’est déjà la moitié de l’art du récit de préserver d’explications une histoire pendant qu’on la raconte. »

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Jean-Laurent Cochet


Acteur, les mots sont mes ennemis. Vous voulez que j’écrive ? Il faut que je programme ma vie.





C’était l’anniversaire d’une jeune fille de 13 ans. Chaque année, le « propriétaire » ouvrait  une bouteille de l’année de sa naissance. La cave de cet homme était conséquente, c’était un « connoisseur ». C’était un artiste. Il aurait pu faire du théâtre. (Il était dans le cinéma.) Cette année, il y avait explosion d’amour. C’était trop, disaient les invités. C’était trop, plusieurs très grands crus dans la même soirée. C’était dommage. « Ce sont des bouteilles inabordables à tout point de vue. » On me fit comprendre que le « prix à payer » concernant ma santé ne serait rien comparativement avec ce qui avait déjà été payé. L’amour et le luxe est une prison dorée. Le vin était délicieux. J’y trempais mes lèvres. Vin de sang puis vin de messe. J’aimais la pauvreté. Je me voulais plus pauvre encore. Je continuerai ce texte chez Jeannette. / Je reprends. L’enfant jouait du piano. Son père nous suppliait de lui demander de jouer. Ça le faisait pleurer. C’est pourquoi l’enfant ne voulait plus jouer à sa demande. En attendant l’hypothétique bouleversement du Bach, nous écoutions de la variété, Nick Cave. 






« « Viens, couleur des présences colorées, viens amour des amoureux, viens pain de toute soif, viens Orient des désorientés, viens soleil de toute nuit, viens défaite de la victoire, viens inconnu, viens répartisseur des matières, viens vivant, viens mandarinier, viens renié des derniers, viens noisetier, viens mélodie, viens-viens vivaridier, viens livide de tout, viens lumière véritable, viens vie éternelle, viens mystère caché, viens trésor sans nom, viens réalité ineffable, viens personne inconcevable, viens fidélité sans fin, viens lumière sans couchant, viens signe qui n’est que de toi, viens Dieu, c’est toi le croyant ! Viens, viens, viens, viens ! » Et même si personne n’avait écouté un mot de mes paroles parlées, j’aurais dit tout ça au plancher. »

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« Parce qu’on les aime trop et qu’on s’aime moins, il arrive un moment où l’on se fatigue des mots. »

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Voyage en train (4)

Art lent


Sur la plage d’Arlan, je repense à mes maîtresses. Et, comme je n’ai plus de maîtresse depuis la mort d’Hélène, j’ouvre un livre — que j’ai toujours dans la poche de mon parka —. C'est aujourd'hui René Char, pris justement dans la bibliothèque d'Hélène. Mais sur la plage d'Arlan, René Char me fait rire. Comparez la beauté à la beauté et l'une des 2 est de trop. Je repense à Nathalie Sarraute qui dégommait René Char (après Paul Valéry, etc.) Elle avait trouvé : « un sang voûté » : « Eh bien, moi, ça ne me dit rien, « un sang voûté ». » Ici, je trouve « le cintre de sa rougeur » en parlant du cœur et ça ne me dit pas grand chose non plus. « Cahier des émeutes (ça, c'est joli), le cœur  nourrit ce qu'il éclaire et reçoit de ce qu'il sert le cintre de sa rougeur. » Hum, hum. C'est vrai que La Pléiade me semble excessif pour « le cintre de sa rougeur » (mais, enfin, Baudelaire a bien écrit que le soleil se couvrait d'un crêpe). Eh bien, Arlan, c'est tout le contraire. Arlan, c'est la beauté et la beauté pure, nette, sans effort. Toujours la même, mais la plage change toujours, d'une année à l'autre, plus de sable, plus de galet, plus de creusement ou de pente. Et d'une heure à l'autre, la mer monte et descend. Ce n'est pas un poème raté de René Char même parlant des flux et des reflux du cœur intermittent. Que sont mes maîtresses devenues ? Je n'aime qu'une chose au monde, ce n'est pas l'île d'Ouessant, non, c'est la plage d'Arlan. 

« Quelques êtres ne sont ni dans la société ni dans une rêverie. Ils appartiennent à un destin isolé, à une espérance inconnue. Leurs actes apparent semble antérieur à la première inculpation du temp et à l'insouciance des cieux. Nul ne s'offre à les appointer. L'avenir fond devant leur regard. Ce sont les plus nobles et les plus inquiétants. »

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L’Homme nouveau


« Rien ne me préparait au coup de foudre qui brûla d’un coup mon passé en septembre 1909 et fit naître en moi un homme nouveau. »



« et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air. »



« Quels être admirables que ces Grecs, leur existence était si heureuse qu'ils imaginaient que les dieux, pour trouver leur paradis et aimer, descendaient sur la terre... Oui, la terre était le paradis des dieux. Voilà ce que je veux peindre. »

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