Sunday, August 25, 2024

B outeille à la mer


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L 'Emotion (être lue ou être tue)


Tout est laid de ce que je lis dans les journaux ou alors (c’est fort possible), je ne sais pas les lire. Mes neveux font Science Po, ils sauront, eux. Mais enfin, tout est laid. Ce n’est pas mon monde. Ce n’est pas ce qui me porte. Le réseau social, l’addiction, ne me fait pas du bien non plus. Si je pense au monde, je suis désespérée. Où est le sens. Nihilisme, nihilisme, nihilisme généralisé. Tout le monde se tire (du navire) et se tire (dans les pattes). Et puis cette phrase d’Anna Karénine page 1059 : « Y en a qui ne vivent que pour leur panse et d’autres qui songent à Dieu et à leur âme ». A vrai dire, je ne songe guère à Dieu et à mon âme, mais voici que le pape vient me chercher sans que je n’ai rien demandé (ou alors d’une voix si basse, inaudible à moi-même). Il publie, ce mois d’août, comme une dissertation sur la lecture qui est bouleversante. 20/20. Un article du « Monde » en rendait compte, mais on trouve facilement cette lettre sur le site du Vatican. Legrand m’a dit qu’il avait pleuré en pensant à sa grand-mère qui aimait le pape et la littérature et qui aurait été émue à la lire. « Que les journaux crient tous la même chose, c’est vrai, dit le prince ; on dirait des grenouilles avant l’orage ! Ce sont sans doute leurs cris qui empêchent d’entendre la moindre voix. » Ça, c’est à la page 1076 d’Anna Karénine, le roman dont j’ai rejoint cet été le club de ceux qui l’ont lu à jamais. Parfois les journaux, je les lis mieux s’ils parlent de la complexité des choses du monde réel, cette effrayante surcomplexité qui m’effraye, mais qui m’effraye encore plus quand elle est réduite à une idéologie. Le pape en parle à propos de la littérature : « On comprend ainsi que le lecteur n’est pas le destinataire d’un message édifiant, mais qu’il est une personne activement sollicitée à s’aventurer sur un terrain instable où les frontières entre le salut et la perdition ne sont pas a priori définies et séparées. L’acte de lecture s’apparente donc à un acte de « discernement » par lequel le lecteur est impliqué personnellement en tant que « sujet » de la lecture et en même temps « objet » de ce qu’il lit. En lisant un roman ou une œuvre poétique, le lecteur vit l’expérience d’« être lu » par les mots qu’il lit. Le lecteur est ainsi semblable à un joueur sur le terrain : il joue le jeu, mais en même temps le jeu se fait à travers lui, en ce sens qu’il est totalement impliqué dans ce qu’il fait. » ETRE LUE