Sunday, April 20, 2025

Je viens de lire une scène que j’aurais voulu vivre avec Legrand, une scène de cinéma. La petite a 18 ans et, pour son anniversaire, elle demande à boire du champagne. C’est la première fois. Elle est amoureuse de Legrand presque depuis le premier jour qu’elle l’a rencontré. Dick Legrand. Et elle réussit à se faire embrasser dans la voiture qui les ramène tous les deux de la scène du champagne (probablement une guinguette au bord de la Marne) jusqu’à l’hôtel où dort déjà — appelons-la France — la compagne de Legrand. La petite actrice — une actrice hollywoodienne cornaquée par sa mère — tiens, d’ailleurs, où est sa mère à ce moment-là ? —, comme sa chambre se trouve la plus près de l’ascenseur, en diagonale de l’autre côté du couloir de celle de France, réussit de Legrand qu’il y entre, oh, « rien qu’une minute, pas plus ». Mais, dès qu’il a refermé la porte, pâle comme la mort, elle se jette sur lui et lui demande de la prendre. Nous comprenons qu’elle est vierge. Elle est folle amoureuse. Elle s’en fiche si elle n’éprouve aucun plaisir, elle s’en fiche même de tomber enceinte, elle fera comme l’une de ses collègues partie quelque temps au Mexique, elle s’en fiche que Legrand aime France parce qu’« on peut aimer deux personnes à la fois ; tenez, moi, j’aime maman et je vous aime ». Elle a conscience qu’elle est en train de jouer son meilleur rôle…
« Je savais que vous ne voudriez pas, sanglota-t-elle. C’était sans espoir. »
Il se leva.
« Bonne nuit, petite fille. Il n’y a pas de quoi être fier. Effaçons cela de l’ardoise. »
Oh ! la belle voix grave de Legrand…

Il y a une suite ! P 118. Le lendemain, dégrisée, elle retrouve Dick Legrand dans la honte. « Lorsqu’elle se trouva en face de lui, leurs yeux se rencontrèrent et se frôlèrent comme des ailes d’oiseaux »

Après tout, j’avais mal vécu ma vie. Pourquoi ne pas rêver à une amélioration ? Pourquoi pas ? Après tout, je ne partais pas de rien. Oui, les beaux, les vivants, les bien formés… eux ne pouvaient pas s’améliorer. On n’améliore pas la perfection. Mais moi qui partais de bien bas, de bien triste, je ne pouvais que me hausser. Ainsi j’envisageais mes derniers jours avec une forme de sérénité — ce qui constituait déjà une amélioration certaine…
Tenez, j’ai fini cet article et, pour une fois, il me reste un peu de place… Que vous dire ? Rien. Le bonheur n’a pas d’histoire et il ne me manque de rien. J’ai même trop de place

Vous pleurez ? Pas moi. J’écris des pièces dans votre dos ! 

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H étéros « comme ils disent »»

 
François avait dit une jolie chose, il disait qu’il détestait la province, mais qu’il aimait la province à Paris. « Ici, c’est même le village. » Il râlait contre les mini-envahissements de la ville dans ce village de privilégiés. Par ex, la mairie de Paris (satanée sale Hidalgo !) avait ajouté des structures pour accrocher les vélos près de la chambre de C. et ça papotait, ça papotait à cet endroit (C. avait fait sa chambre à l'emplacement du garage, faut dire). François achetait toujours ses pâtisseries à La Vieille France, près des Buttes-Chaumont, et, pendant un très long sketch, François nous avait fait Sylvie, la drama queen qui tenait cette boutique (tandis que son mari effacé en était le pâtissier). J'avais dit que Sylvie — aussi appelée pat François « la lionne » — me rappelait Madame Verdurin, mais je sentais qu’on me le comptait comme une faute. Ou alors Sylvie Vartan ? Je ne savais plus quoi dire, moi. En fait, Sylvie rappelait à Martine une autre Sylvie dont on avait parlé au début (quand nous n’étions que tous les 3), une Sylvie obsédée par la pédophilie, insortable, si j’avais bien compris, parce qu’elle avait l’art — le don ? — d’en détecter une victime chez presque tout le monde. D’ailleurs l’avocat d’affaires — prénommé Luc, au fait — avait voulu dire qu’il avait eu son premier rapport sexuel à 13 ans et il avait dit : « à 3 ans ». Son compte était bon ! C’était clair comme de l’eau de roche… Martine s’était écriée : « Sylvie ! Sylvie ! si Sylvie était là… » Il fallait expliciter, pour les gens arrivés plus tard, les allusions constantes que nous faisions à la première partie de la soirée... Un enfant s’appelait Jacques. Je trouvais ça merveilleux. C’est si rare, non ? Sa mère me disait qu’il y en avait quelques-uns, mais pas tant que ça, en effet. Jacques ! François disait que lui connaissait un Jack (il faisait allusion à Jack Lang). Le champagne était très bon, servi dans des coupes anciennes, fragiles comme des corolles. François venait de Reims et une partie de sa famille exploitait des premiers crus, deuxièmes crus, troisièmes crus — ou alors seulement des premiers crus, j’avais un peu décroché… Il nous avait raconté le dimanche des vendanges chez sa grand-mère...
 
 
 
Devrais-je le dire, dans le grand luxe de cette maison accrochée aux nuages — et son jardin d'azalées —, sous les tableaux d'un goût exquis, venait un moment, assez tard, où, quand nous étions tous bien pompettes à ce champagne millésimé (et les enfants à l’Orangina), notre hôte commandait un repas Deliveroo car il ne savait pas faire la cuisine du tout.
Christophe n'était pas là qui était le cuistot du lieu.
Ce repas sur le pouce, l'assiette sur les genoux, du poulet sec avec des frites molles, ou parfois des sushis, ou des pizzas, près du feu — en tout cas, pour ma part (l'avocat d'affaires était assez loin et demandait toujours de répéter) — pouvait donner la tristesse, l'abandon nécessaire à une atmosphère modianesque — mais c'est cliché de le dire — de temps perdu
Quand il était temps de rentrer, de redescendre en ville, tout le monde partait d'un seul coup (comme sur un toboggan)
(On adorait ces soirées)  

 

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