Sunday, October 28, 2012

Made in Heaven (2)


Photo Sara Rastegar.

« Il y aurait une écriture du non-écrit. Un jour ça arrivera. Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Égarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt. » 

Marguerite Duras

(Écrire, p.71, Folio no 2754.)






Oui, ça, c'est intéressant... Y a des choses encore plus surprenantes chez Borges, il faudrait que je retrouve. Il imagine une langue (une littérature) qui changerait à chaque instant pour rendre compte de la vie même. Il dit qu'une langue change évidemment, évolue, mais sur du temps et, là, ce serait à la mesure de l'instant...

Je rentre à Paris tout à l'heure, dans un sale état quant au château, mais le passage à Rennes, la lecture, les amis m'ont redonné vie... 

Bisous,

Yvno

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Hello ! comment va ?

Tiens !

Oui, tiens !

Ça fait un bail !

Oui, plutôt.
J'ai parlé de toi hier avec Audrey.
Elle m'a dit tout le bien qu'elle pense de toi.

Tu vis où maintenant, qu'est-ce tu fais ?

Toujours à Marseille.
Je suis homme au foyer.
Je fais toujours la même chose.
Ne t'inquiète pas.
J'ai eu un moment de remise en question, on va dire.

Je te vois jamais quand je passe à Marseille, chéri... Quelle Audrey ?

Vernon.

Ah. Ah, ah...

?

Tu vas bien, toi ?

Bon, je suis content que tu réapparaisses, en tout cas !!!

C'est gentil.
J'ai lu plein de belles choses sur ton travail, je suis content pour toi.
Ça ne m'étonne pas !

J'espère que c'est pas une accalmie, ta réapparition, mais définitif ! (pour autant que la vie le soit). Mon travail, je sais pas trop où il va aller, je n'en ai plus, là (après avoir tout donné l'année dernière...)

Je vois…
Tu devrais publier tes textes...
C'est peut-être le moment ?
Je ne sais pas.
Et je suis certain par ailleurs que tu vas avoir de belles aventures de plateau très bientôt.

Oui, Liliane... Mais, d'abord, elle change d'avis tout le temps ; ensuite je suis pas sûr que me retourner sur le passé (ou sur moi-même) me soit bénéfique et puis, contrairement à un travail de scène – inventé avec les autres (n'est-ce pas ?) – sans que personne n'ait son mot à dire,  là, j'ai peur de m'énerver, de devoir refaire et refaire des versions jamais satisfaisantes – bref, de devoir TRAVAILLER ! Hors, je ne suis pas un travailleur, moi, je suis un amuseur... Alors, à moins de trouver l'astuce (qui amuserait tout le monde et que je ne trouve pas)...

C'est une question de forme…
Les versions différentes peuvent être intéressantes.

Ouais... J'avais plutôt envie de faire un livre de photos (tu te souviens...)

Il faut que tu trouves l'amusement dans le rassemblement de tout ça.
Je sais pour ton livre photo.
Me souviens très bien.

Bon, on se perd pas de vue, hein ? Et avec notre copine Audrey...

Oui, c'est drôle que vous vous connaissiez !
Oui, bien sûr ! on se perd pas de vue.
Pourquoi ne pas penser tes textes comme des figures sur un plateau ? Je sais que c'est idiot à dire, mais, bon, je le dis quand même.

Oui, mais c'est le délai, le délai qui refroidit tout ! Si c'était pour dans un mois, bien sûr que je m'y mettrais à fond – car, là, je verrais – je saurais – ce que j'ai envie de dire ! Mais pour dans je ne sais quand, j'ai l'impression de préparer ma tombe – d'avoir à écrire une épitaphe...

Fixe-toi ce délai et tu t'y tiens. Et puis, ensuite, tu envoies aux maisons d'édition. C'est assez simple... Sinon je te dis, moi, que je veux lire tout ça dans un mois. Et que j'attends avec impatience le résultat… Ça suffit ?

T mignon ! On en reparle. (Je te quitte, je dois me préparer pour ce soir...)

Bien sûr !
Merde pour ce soir.
A bientôt

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Statue de sel



Est-ce qu’un lieu peut intoxiquer ? (Le château.) Est-ce qu’une action peut intoxiquer ? (Lire et écrire.) Je suis dans un tel état ! J’ai rêvé, ce matin, que j’allais mieux. C’était une vision. Une vision du bonheur : la vie, le goût de la vie ! Mais non. Trois jours que je ne peux plus boire ni manger. Le Coca semble passer. J’en ai pris un dans le train – 2,90 – et un à la machine hier avant de m’endormir – 1 euro. Mais à la réflexion (mais il ne faut pas que je réfléchisse), ça a été tout le séjour du château, de ne pas pouvoir boire même le thé, les tisanes… Je ne peux plus penser à cet endroit sans écœurement, comme si j’allais vomir. Dans mon rêve, je pensais : ça marche, je repense au château en bien ! Impossible de lire, impossible d’écrire non plus. Il faut dire que ces histoires de Kipling sont plus effrayantes que celle d’Edgar Allan Poe ! Des histoires d’horreurs, là aussi, haut-le-cœur. Et n’est-ce pas la décision d’écrire ces quelques lignes qui me redonne la sensation du marasme ? Avancer, avancer vers l’avant sans se retourner semble être la seule solution…






J’ai appris que Oscar Wilde a fait exprès de se faire condamner (il pouvait y échapper) parce qu’il voulait connaître (a-t-il dit à André Gide) « l’autre côté du jardin »... Moi qui ai tant travaillé la saison dernière je n’ai plus rien à présent. Dois-je profiter de connaître cet autre côté du jardin (chômeur…) ou dois-je chercher du travail pas plus tard que maintenant ? C’est ce genre de question que je me pose en ce moment.

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La Môme en classe nature



Photo Sara Rastegar. Geoffroy Rondeau.

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Les Hostilités



Sur le quai de gare, Babeth me raconte encore des histoires de famille. Par exemple, il y avait des tantes qui, après guerre, étaient folles du plastique, elles en mettaient partout, elles se débarrassaient des vieux machins (les antiquaires les y aidaient, c’est arrivé pareil dans la famille de ma mère) et vive le plastique ! Tout ce qui était moderne, d’ailleurs, avait ses entrées au château. On faisait de la place. A cette époque, il y avait encore cinq bonnes pour s’occuper du château (ce qui, à mon sens, n’est pas de trop !) Parmi les cinq, un cocher, mais qui ne servait plus trop à ça parce qu’ils s’étaient acheté une Pendard (vérifier la marque *). Ils allaient à Lourdes avec et sa mère disait (pour se moquer d’eux) : « Le plus grand miracle de Lourdes, c’est qu’ils en reviennent ! » Le mari d’une des deux sœurs – c’était un attelage, la mère disait : « Trois têtes et une queue ! » – conduisait et disait qu’il comptait jusqu’à douze avant de se lancer sur la route (la route à platanes sur laquelle j’ai fait du vélo), il comptait jusqu’à douze avant de traverser. Sinon elle me parle aussi d’un type qui fait du théâtre avec l’aide du Conseil Général. Des pièces « très mauvaises » sur les Cathares... C’est le mari anglais d’une O’Byrne et il dit toujours beaucoup de mal des Irlandais ! Elle raconte que ce qui a déclenché les hostilités entre lui et tous les autres qui le détestent, c’est une scène dans la salle à manger. « Il mange très, très lentement – ça, il a le droit – et ma mère aimait beaucoup ses chiens – ils avaient deux chiens – et il était assis à la droite de ma mère. Alors, quand le plat principal a été fini, ma mère a pris l’os qu’il avait dans son assiette et l’a mis sous la table. – Et il n’avait pas fini ? – Il n’avait pas fini ! Oh, là, là, il a été vexé comme un poux – ou comme un dindon, je ne sais pas comment on dit... Après, quand le dessert est arrivé – c’était un dessert somptueux de chez ... (pas retenu) – et, alors, quand il a eu sa part, il a pris l’assiette et l’a mise sous la table sans y toucher. – Oh ! c’est très méchant de faire ça... – Oui, oh, ma mère s’en fichait... Mais c’est là que les hostilités ont commencé… »






* Panhard.

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Morceau dense de lecture (le groupe Irène)



Vendredi soir, à La Dynamo, à Pantin, j’ai assisté à un concert du groupe Irène qui m’a fait penser à ce poème d’Arthur Rimbaud. Impression qui a été corroborée  quand, après le concert, j’ai demandé à Yoann Durant (le saxophoniste qui avait remplacé un soir ou deux Louis Laurain dans Je m’occupe de vous personnellement) qui était « Irène » : « Elle passe parfois pendant le concert, tu ne l’as pas vue traverser la scène ? » Oui, l’« Etre de Beauté »… *



« Being Beauteous

Devant une neige un Etre de Beauté de haute taille. Des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s'élargir et trembler comme un spectre ce corps adoré ; des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes. Les couleurs propres de la vie se foncent, dansent, et se dégagent autour de la Vision, sur le chantier. Et les frissons s'élèvent et grondent et la saveur forcenée de ces effets se chargeant avec les sifflements mortels et les rauques musiques que le monde, loin derrière nous, lance sur notre mère de beauté, – elle recule, elle se dresse. Oh ! nos os sont revêtus d'un nouveau corps amoureux. »




Pendant le concert, j’ai rêvé aussi faire un film et demander au groupe Irène d’en faire la musique.






* Irene est aussi un nom d'ouragan.

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Made in Heaven


Photo Sara Rastegar.

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Tous les mots sont mythologiques



Mission impossible. Ecrire encore. Un jour où tu n’as pas vu l’été. Tu n’as pas vu l’été dans une île du Pacifique et tu écris encore. Dans la nuit d’encre et avec les cris – forcément – des bêtes – et le rugissement de la mer. Et les palmes, le vent dans les palmes, même si ce soir est un jour calme – tu prends le temps d’écrire, tu prends la peine... Tu regrettes, oui, car tous les mots sont mythologiques et tu ne diras rien de plus que, toi non plus, tu ne saches pas dire… Tu aurais besoin d’être seul et tu n’as qu’une vie. Tu sais que tu ne prendras pas ce temps. Or tu n’as pas pris non plus le temps de vivre. « Vie ou mort – il faut choisir. » Te sauver, te sauver par l’été. Tout le monde écrit, est écrit comme les lettres de l’alphabet, silhouettes, marins, coureurs sur le fond de la transparence. « Un langage qui grandirait et se modifierait en même temps que la réalité. »






C’est-à-dire, je crois que, s’il me fallait écrire, il me faudrait rester – et pour combien de temps ? – dans cet état à demi malade (avec le risque de le devenir complètement) sans manger, nauséeux, déglingué, sans tension, mal de crâne, faiblesse, etc. – que je ressens dans ce château. De quel droit aurais-je la force de m’infliger ça (ce sacrifice) ? Aucun de mes amis ne me le permettrait. Il faudrait, oui, que j’abandonne mes amis. Oui – et pour ne rien publier ! J’ai une vision si tragique... Si je devais dire la vérité... Heureusement, je peux mentir. Peux mourir, peux mentir. Mentir, c’est vivre. Vous n’allez pas me faire croire ?
Comme le temps passe vite ! Et les trains et les avions ! Merveilles du monde. Ces vitesses. Le fleuve et les horloges. Comme ça va vite ! J’ai lu un article dans « Le Monde » qui parle du « suicide de la Finance ». Qui rappelle cette phrase : « Les civilisations ne meurent pas assassinées, elles se suicident. » Comme la terre va vite quand elle tourne, quand elle balaie…

Portrait des plus modestes (dans les rangs de l’apparence).






Les silhouettes rupestres qui se détachent noires comme des marins, comme des coureurs sur le fond du ciel, le fond de la transparence dans le Pacifique sud.

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