Sunday, February 09, 2020

H ector plus grand que moi


Photo François de Brauer

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A l’œil


Je suis un influençeur. Marie Plantin m’a proposé d’aller voir Hector Obalk parce que j’en étais un, alors influençons ! Hector lui avait demandé de ramener des influençeurs : j’ai eu le spectacle à l’œil, j’ai eu le couscous après à l’œil et j’ai eu les DVD (que j’ai refusés : je n’ai pas de lecteur) à l’œil. J’ai été bien reçu. Je suis un influençeur. Que c’est beau, les gens avec un ego démesuré ! Et c’est plus rare qu’on ne croit, je veux dire : l’ego généreux. Pas l’orgueil réservé, style (que je connais bien) de l’artiste maudit. Non, là, une chaleur humaine, méditerranéenne, séfarade, pour tout dire. La mère vient tous les soirs voir le spectacle, la fille vend les DVD à l’entrée. La mère est une linguiste célèbre. Le lundi soir, quand Hector Obalk invite toute la salle (cinq cent places) chez eux à la maison (car ils vivent ensemble dans une grande baraque avec jardin juste derrière la Trinité), il y en a quand même une cinquantaine qui vient, mais mère et fils s’étonnent qu’il n’y en ait pas plus et s’émerveillent aussi qu’il y en ait déjà cinquante. Hector Obalk joue un spectacle sur le thème de la peinture au théâtre de l’Atelier, dans les trous, le dimanche matin, le lundi soir, bientôt le samedi après-midi. C’est plein. Pas de presse, pas d’affichage, uniquement de la publicité sur Facebook (pour 150€ par jour) et, bien-sûr, la notoriété d’Hector Obalk (le coffret des DVD rassemble ses films commandés par Arte) et, ce dont je suis là pour certifié, l’immense talent d’Hector Obalk. Disons, un rival de Fabrice Luchini. Sans l’expérience, il se place à ce niveau. L’ego, je vous dis. Ou peut-être la confiance en soi et en la vie. Chacun va poursuivre dans son créneau, la littérature, la peinture. Hector Obalk rêve de faire un jour un spectacle sans. Il commence par un sketch qu'il a l'air d'improviser (mais ce n'est pas vrai) sans rapport avec la peinture, sur les réservés, les pudiques, les orgueilleux, les protestants, les ashkénazes, contre ça — et pour la réalité. La réalité méditerranéenne. « J’ai toujours voulu faire des sketches moralistes. J’ai toujours pensé qu’un sketch disait mieux qu’un essai. » Après ce premier sketch qui n’en parle pas (mais qui résonne pendant tout le spectacle), c’est l’immense gouffre sensuel de la peinture. Qu’est-ce qu’on comprend dans ce spectacle de moins de deux heures ? Que l’histoire de la peinture va vite. Que « la peinture, c’est l’art de l’illusion ». Il dit : « Je ne suis peut-être pas le plus grand critique d’art au monde — un temps plein de sous-entendus —, je suis le seul. » L’art du stand-up est un art du cabotinage, j’ai commencé comme ça et je voudrais continuer. J’aime ça. J’ai pris une leçon. J’ai noté des trucs que je réutiliserai (en art, le plagiat n'existe pas). Un exemple ? Non, je ne vous dis pas. « C’est fou comme la vérité est drôle, j’ai besoin de pas exagérer et c’est drôle. » Ou bien : « Bon, je le dis un peu mal de manière que vous compreniez ». Bref, c’est épatant ! Il passe souvent chez Frédéric Taddeï, mais il rêve de passer chez Yann Barthès. Il pense qu’il ne va pas y arriver (ce qui n’est pas sûr, c’est un actif) parce que « ce qui les intéresse, c’est d’avoir une cause de gauche ». C’est vrai, cette chose me frappe aussi : pourquoi les journaux que je lis, « Le Monde », « Libération » et l’émission que je regarde (la seule), « Quotidien », nous rabâchent-ils toujours les mêmes « causes de gauche », c’est-à-dire des causes dont je n’ai rien à faire, personnellement, parce que je les connais déjà. Pourquoi ce rabâchage idéologique, pourquoi cette propagande ? Le moment le plus émouvant dans le spectacle, c’est quand on voit défiler les autoportraits de Rembrandt, par ordre chronologique. Toute sa vie, il s’est peint, presque cinquante tableaux plus des gravures et des dessins ; il se trouvait moche, alors il a regardé le problème en face. Ces tableaux sont sublimes et on pleure parce que, magie du numérique, Hector Obalk les fait s'enchaîner et l’on voit que notre seule richesse dans le miroir est l’inéluctable passage du temps, l’irrémédiable vieillissement — de l’adolescence jusqu'à la mort. Sur la photo ci-dessous, on voit, plus modestement, que Hector Obalk, sûr de son génie (comme moi du sien), n'hésite pas à (faussement) s’humilier en mon honneur. Tout l'honneur est pour moi, je ne cesse de lui répéter...

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S i Hopper avait été un meilleur peintre, il n’aurait pas été un aussi grand artiste


« Hopper peint la mélancolie, on est d’accord, et, si on peint la mélancolie avec gourmandise, ça ne marche pas. Ce qui est très beau, c’est qu’elle est peinte là comme avec de la cendre ou des os broyés, les matières sont mates, il n’y a pas la moindre sensualité de la touche, tout ce que Hector aime en peinture. »
« coté extrêmement rêche et mal fichu »
« Il me semble que des allégories de l’échec — parce que je crois que tous les tableaux de Hopper en sont — peintes de façon virtuose, ça ne fonctionnerait pas, on trouve ça dans la peinture pompier, je ne sais pas, Sisyphe ou Prométhée dont le foie est dévoré par un vautour, quand c’est bien peint avec des chairs langoureuses, ça ne fonctionne pas, là, il faut que la chair soit triste, je pense que chez Hopper elle l’est et que la chair de la peinture est triste et que c’est parfaitement accordé. »

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Titre pour un recueil de poèmes : 
Un geste qui prend du temps

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