Je n’ai envie queue d’être
amoureux, ce soir. C’est la Saint-Valentin et je regarde la télé. Je suis en
retard sur tout, mais, je ne sais pas, gros paresseux je suis : je suis
heureux quand même. Je suis heureux parce que s’est déclenché en moi, enfin devant moi, l’état que j’aime le plus au monde : voir
le monde, voir la beauté, les spectacles permanents de la rue, la grâce de la
pauvreté (surtout la pauvreté, mais pas seulement…) Quand je suis dans cet
état, quand j’ai cet état, alors
j’ai tout et je pense que ma vie va être jusqu’à la fin une partie de plaisir.
Quand j’ai cet état, je pense que je n’ai plus besoin de faire de spectacles
(c’est si fastidieux), non, tout est là, c’est la contemplation. Ça me le fait dans mon quartier fabuleux, La
Chapelle, ça me le fait à Marseille… Le problème, je le sais, c’est que ça ne
me le fait pas naturellement, ça
me le fait juste quand j’ai un spectacle en train (en train de naître) ;
c’est le regard pour faire le spectacle qui s’aiguise. Oh ! comme j’aimerais
l’avoir ce regard toujours ! ainsi je n’aurais plus à organiser des
spectacles — mais alors ? alors, je serais écrivain — ou peintre —
musicien ? — mais je ne suis pas écrivain, pas musicien, pas peintre, je
suis perdu, je suis seul, je fais des spectacles et c’est si fastidieux, les
théâtres, tout ça, l’argent qui manque, les stratégies, tout ça, le public,
etc., les ouvreurs… mais j’ai retrouvé le regard pour faire les spectacles
alors je suis heureux et cette joie — pas d’autre mot : joie — cette joie
va simplement se partager, rien de plus facile : la joie se partage. Quel
dommage que la vie qui est le
spectacle, je le perde le regard qui me le montre, le spectacle de la vie, quand je n’ai pas de
spectacle à naître… Comment faire pour vivre ça, le scandale de la vie ?