J e n’envie nullement les fortunes
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Mon pauvre chéri, tu vas encore dire que je t’écris pour IG, et, en cela, tu n’auras (une fois de plus) rien compris. Si je t’envoie à toi, c’est à toi que je m’adresse et, si j’écris sur IG, c’est que tu ne le comprends pas (quand je m’adresse à toi). Alors, je suis obligée d’inventer un prince imaginaire qui me comprendrait, certes te ressemblant
— mais je voudrais que tu ressembles à tout le monde, mais que tu me comprennes
Je voudrais que tu n’aies pas d’apparence, mais qu’une profondeur d’amour, une profondeur de peau, sans apparence
Je me suis baignée, c’est tout, heureuse
« Si vous parlez à Dieu, vous êtes croyant ; s’il vous répond, vous êtes schizophrène »
La méchanceté, la malignité du monde et cette jeunesse qui n’y résiste pas…
Titre : La même eau
Rester seule, comme c’est dur, rester muette — et les étoiles et les fennecs... (Les médiocres te jalousent)
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J’étais très fière car Legrand se passionnait pour Jon Fosse, il le lisait au kilomètre. Du coup, il me regardait presque avec envie. J’étais celle qui avait vu les spectacles de Claude Régy, qui, même, une fois, pour une soirée à la Maison de la Norvège, avait joué une pièce courte de Jon Fosse intitulée Dors mon petit enfant, en lecture, comme ça, je faisais tous les personnages devant un public acquis, ils venaient tous pour rencontrer Claude Régy, l’écoute était fervente dans la salle, comme si Valérie Dréville elle-même lisait et c’était juste moi
On s’était vus trois fois avec Claude et ç’avait été très facile. Claude baignait dans la matière, il représentait à ce moment-là Melancholia au théâtre de la Colline, il me disait à chaque mot, chaque virgule quoi jouer. Les acteurs sont des êtres simples : si on leur dit précisément quoi jouer (ça s’appelle la dramaturgie), ça les sauve de tout
Je suis présentement à Örnsköldsvik, une ville de 30 000 habitants, à 600 kilomètres au nord de Stockholm. J’y passe mes vacances d’été sur une île, dans une maison de pêcheur en bois sans eau courante ni électricité. En 2001, à 19 ans, bac en poche, la jeune fille arrive à Nice pour une année sabbatique dans le but d’apprendre le français et il y a de la neige de l’autre côté du fjord. Je regarde, chaque vague est agitée par le vent. Une amie se baigne, elle devait passer me prendre, mais je n’irai pas, je regarde, je regarde le monde de mon balcon, les nuages, la neige, les vagues, sans cesse l’image renouvelée des nuages, des vagues, des évanescents effervescents nuages blancs, là-haut dans le vague
J’avais encore envie de ma jeunesse. Je regardais la vue, je regardais la vue, je regardais les volumes amples et blancs et lents des nuages et des nuages
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C’est terrible, je considère comme un devoir — un devoir dans la journée, un devoir dans la nuit — de parler à Legrand, de m’adresser à lui, mais de m’adresser à lui ici. Je sais qu’ici il ne me lira pas. C’est par pudeur, paradoxalement, que je m’épanche ici. Y a-t-il quelque chose dans notre histoire ? Rien n’est moins sûr. Je suis consciente de tirer la couverture à moi. Hier en m’endormant transie de froid, les nerfs à vif, de douleur, d’irrespiration, j’avais peur et — comme une prière — je me suis adressée à Legrand : protège-moi…
J’avais éteint ; j’étais, je crois, dans la nuit noire dans l’appartement blanc donnant sur le lac bleu et je me suis redressée, j’ai cherché mon carnet, j’ai tâtonné, il fallait que j’écrive (toujours cette forme de la prière) : « Soudain je sais pourquoi j’aime Legrand, pourquoi j’ai besoin de sa protection, parce que j’ai besoin de sa protection. Le monde au mieux fasciste au pire nazi qui se matérialise, pas seulement des quelques semaines actuelles, mais des années à venir, j’ai besoin d’une protection, de n’importe qui comme Legrand capable de me protéger ; je sais que je peux compter sur Legrand ; c’est cela mon amour pour Legrand : plus clairement encore que le besoin d’affection — et le besoin d'indifférence —, le besoin de protection »
Et j’écrivis encore : « dans la nuit noire de l’appartement blanc donnant sur le lac bleu ».
Je me réveillai plusieurs fois dans la nuit, j’avais froid, j’avais chaud, je ne savais pas ce que j'avais : une fois, c’était l’aube, ce commencement vous savez, juste le commencement, bien avant l’éblouissement de l’aurore, l’aube indécise, juste le contentement d’avoir traverser la nuit, de voir ça, cette réalité, les oiseaux beaucoup. Et je vis que ce que j’avais pris pour un lac était en fait un bras de mer, un fjord sans doute, une rade, quelque chose d’infiniment mélancolique. Ça en avait les couleurs — inphotographiables —, c’était l’humanité du Nord, des quakers, ces gens du Nord, du bleu du Nord, de la Finlande, de la guerre, de la pauvre humanité sous la mitraille, la lumière intérieure décevante, protectrice, mais la lumière intérieure...
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Que dire sur Legrand ? Je pourrais me taire. Ça vaudrait mieux. D’ailleurs il n’y a rien à dire, on est voisin donc on est toujours fourrés l'une avec l'autre, mais jamais dans le même lit et c’est mon malheur, et c’est ma souffrance, mais elle est légère comme une lettre à la poste, ne croyez pas…
(ici, c’est des lettres à la poste, non ?)
(ou des bouteilles à la mer ?)
J’ai trouvé un envoi de Dominique Fourcade de 2013, que je n’avais pas ouvert… C’est très beau, lisible derrière la moisissure (je loge dans une sorte de taudis très humide très ensoleillé, une bohème)
Là, je traîne et j’écris sur Legrand au lieu d’aller le rejoindre comme il me l’a proposé au dernier jour du musée d’Art moderne du Centre Georges Pompidou…
Dans les quelques feuillets de DF publiés par Chandeigne il y a cette phrase : « L’écriture est un travail de désir et d’horreur, je n’ai vécu que dans ce trouble »
Je voudrais n’écrire que Legrand, mon amour, Legrand, mon amour, Legrand, mon amour, Legrand, mon amour…
Il y a aussi, dans les pages de Dominique Fourcade, cette expression qui me fait immédiatement pensé à l’œuvre de DI : « dans l’acoustique de la mort »
J’ai rêvé à elle la nuit dernière, j’ai rêvé, la nuit dernière, que tu faisais une photo de moi parce que j’avais récupéré un mégot devant la Sorbonne (c’est dans le livre que je lis) que je tenais sur le bord de mes lèvres, comme un personnage des années..., mais tu y renonçais parce que « de dos » — tu voulais me photographier de dos —, ça ne se voyait pas (le clope ne dépassait pas). J’imagine que ce mégot vaut pour la bite car, dans la journée, j’avais revu au Louvre le (ou la) sublime Hermaphrodite endormi.e
Legrand est venu chez moi pour la première fois pour que je lui refile des vêtements (j’en ai beaucoup trop dans mes 20 m4) et, dans la lumière de chez moi, plein Sud, j’ai vu à quel point ses yeux étaient bleus, dévastés tellement d’être bleus, délavés — et j’ai renoncé à les regarder parce que je veux vivre, moi, je veux vivre, mais sans connaître (trop) la beauté, je veux l’oublier…
Je veux vivre plutôt que mourir
Pas besoin d’aller au magasin, je découvre plein de vêtements merveilleux chez moi, que j’avais oubliés (Legrand est passé pour que je lui en donne). Et j’ai rêvé, la nuit dernière, que tu faisais une photo de moi parce que j’avais récupéré un mégot (devant la Sorbonne, c’est dans le livre que je lis) que je tenais sur le bord de mes lèvres comme un personnage, mais tu y renonçais parce que « de dos » — tu voulais me photographier de dos —, ça ne se voyait pas (le clope ne dépassait pas). J’imagine que ce mégot vaut pour la bite car, dans la journée, j’avais justement revu au Louvre le (ou la) sublime Hermaphrodite
😘 T’embrasse,
Marie-Noëlle
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A l’Ecume des pages, la dernière des trois libraires de Saint-Germain-des-Prés, j’ai trouvé dans un livre je ne sais plus lequel, il y en avait plusieurs étalés autour de la figure de Marguerite Duras (on n’a pas fini d’en parler, de cette cinglée !) cette photo où, sur la carte postale, j’ai reconnu l’écriture de Claude Régy, l’écriture que j’aimais. Quelle émotion. C’est au moment où Marguerite travaille sur son film, INDIA SONG (son chef-d’œuvre) puisque Claude lui demande si elle a trouvé son Michaël Richardson (l’amant d’Anne-Marie Stretter — Delphine Seyrig). La carte est une vue de Montauban, sans doute Claude de passage dans sa famille… C’est un peu personnel, ce que je vous raconte là…
Le 16 mai
Marguerite, les oiseaux ici sont innombrables (réserve protégée de la chasse). J’ai traversé la Sologne, le Périgord (de toute beauté). Je pense très fort à toi. As-tu commencé ? Avec quel Michael Richardson ? Le budget, etc. As-tu dominé tous les problèmes ? Je rentre lundi. Je t’embrasse, Claude
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