Sunday, April 27, 2025

T out se recoupe

 
Il y avait au cours de danse classique un vilain petit vieillard très antipathique (il ne me disait jamais bonjour), un Américain rouge brique. Je ne connaissais plus le sens du mot « congestion » qui s’applique pourtant ici. Je le trouvais dans les premières phrases de Tendre est la nuit que m’avait conseillé DI (et que j’avais acheté la veille lors d’une virée chez Gibert-Barbès avec Legrand) : « Sur les bords charmants de la Méditerranée, à mi-chemin entre Marseille et la frontière italienne, se dresse un vaste et fier hôtel aux murs roses. Des palmiers éventent respectueusement sa façade congestionnée, et à ses pieds un bout de plage étincelle au soleil ». Congestion : « Etat pathologique provoqué par une accumulation excessive de sang dans les vaisseaux d’un tissu ». Et moi qui pensais que c’était ses offrandes désespérés à l'art de la danse qui rendaient le visage du vieux dwarf aussi cuit qu’une poterie ! On avait, une fois de plus, écouté Il venait d’avoir 18 ans et quelqu’un avait fait remarqué que Dalida chantait : « J’ai mis de l’ordre à mes cheveux » et non pas, comme tout le monde le croyait (et le chantait) : « J’ai mis de l’or dans mes cheveux ». Devant l’évidence (on s’était repassé le passage), ça nous était apparu affreusement moins poétique, mais, à la réflexion, plus logique. C’était une fête chez DI, une fête qui s’étiolait comme on aimait, après les premiers départs égrainés, ça me faisait toujours pensé à la phrase d’India Song que j'invente un peu
 
Après la réception, ils restèrent à quelques intimes
 
Pour que quelque chose ait lieu entre vous et moi

 
 

« Dès l’âge de 12 mois, les bébés forment des souvenirs éphémères »

« Hell is empty and all the devils are here ! »

Nino Ferrer s’est suicidé dans un champs de Moncul

Une actrice se désolait de son âge


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« E lena rit aux éclats »

 
Il y a tellement à aimer en moi, tellement à me donner
Je pourrais aller vers le monde, mais je n’aurais besoin de personne pour le faire ni même de moi, mais je pourrais, sans conseil, m’en approcher. Voir ce que je n’ai pas vu jusque là. Voir autrement.
J’ai pensé à Nadia. Ce dont je me souviens le mieux, c’est de sa sueur. « Sueur » sonne un peu comme « sœur ». Au Théâtre du Radeau, nous passions les heures d’après-midi dans 3, 4 m4 et ce n’était pas le genre de la maison de porter du déodorant, personne n’en portait, au Radeau, à ma connaissance. Et Nadia, dans sa belle robe blanche qui l’emprisonnait un peu, sentait fort quand elle se penchait vers moi. Je ne sais plus ce qu’elle me disait avec une grande douceur, c’était en grec ancien. J’arrivais au Radeau, j’étais jeune et elle aussi était jeune. Elle devait jouer une déesse ; moi, avec les vêtements de mon père, je lui répondais avec le début du poème d’Hölderlin : En bleu adorable.
J’étais allée retrouver Hervé à une soirée que donnait, à titre publicitaire, la boutique Vilebrequin de la rue Royale. La soirée était pleine de jeunes gens frelatés qu’on appelait les « influenceurs » ; la boutique sur deux étages était redécorée façon disco. On ne savait pas où se mettre pour pouvoir se parler sans crier, comme des bêtes on cherchait un coin (finalement on était ressortis sur le trottoir). Hervé était là depuis 6h et devait rester jusqu’à 11h. Je me disais que le métier des autres était parfois pénible (qui leur rapportait leur argent dont je bénéficiais). Mais les clips qu’il avait réalisés, diffusés sur des écrans lumineux étaient, m’affirmait-il, la partie amusante de l’affaire. Se retrouver avec des beaux jeunes gens, beaux comme la nature, au bord de la mer, en République dominicaine, par exemple, et peindre le bonheur dont la vision ferait acheter les gogos un peu friqués de cette marque, je dirais, de semi-luxe…
« Tu sens comme une drôle d’aventure où tu vas te risquer… »
« Une chaîne stéréo super dans un immeuble de grand standing… »
« Des cigarettes ici et là… »  

Une source d’exemples, des points d’appui…
La musique qui n’existe presque pas…




« Et puis comme Spinoza disait finalement, Dieu n’a pas créé le monde il est le monde, donc nous sommes dedans »

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Friday, April 25, 2025

Sur toutes les photos que j’ai prises avec Legrand, j’ai l’air d’une folle, échevelée, dans une espèce de fausse jeunesse, de jeunesse éperdue... 
 

J’étais émue que cette femme que j’avais connue toute ma vie, dans différentes jeunesses, soient maintenant devenue si vieille. J’aimais particulièrement les mourants, les près de la mort, c’était un tel exploit, une telle jeunesse plus profonde encore. Je la reconnaissais et je l’aimais, et, ce que j’aimais, oui, c’était son physique, son incarnation
Qu’elle vive encore longtemps !
On les avait enfin changés de maison de retraite, oncle et tante, c’était une horreur où ils étaient. C’est le jour et la nuit, les maisons de retraite, je commence à en avoir l’expérience. Celle où était ma mère était merveilleuse — oui, merveilleuse — et, comme je ne connaissais que celle-là, je croyais que c’était la règle, mais celle de Morlaix était affreuse, un mouroir. Quand la question s'était posée, le médecin en avait proposé une autre, mais où il n’y avait plus de places, on avait décidé dans l'urgence de la plus près. Deux ans. Ça avait été comme pousser mon oncle et ma tante dans une pente très pentue… Maintenant, c’est trop tard pour rattraper le temps perdu. Mais c'est toujours trop tard. Mais la nouvelle maison de retraite est merveilleuse. C’est très difficile d’en dire plus, pourquoi le bien, pourquoi le mal. Le psychiatre Jean Oury se battait contre ce qu’il appelait la « névrose institutionnelle ». Il suffit de pas grand chose et c’est l’enfer, de pas grand chose et c’est le paradis. La faute de qui ? Ou alors on ne croit en rien. Mais je crois au paradis et je crois à l’enfer. Si on ne croit en rien, alors on ne croit en rien. Mais si l’on croit en qqch…
Et puis j'entends ce matin une émission où l'on pose à l'interviewée, une musicienne, la question rituelle de Jacques Chancel : « Et Dieu, dans tout ça ? » et j'entends : « Et puis comme Spinoza disait finalement, Dieu n’a pas créé le monde il est le monde, donc nous sommes dedans »

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Thursday, April 24, 2025

Comme c’est agréable, ces dîners d’été avec la lumière si longue…
Pour lire, pour lire comme avant, j’étais obligée d’entrer dans un être différent, l’être qui savait lire, qui n’avait qu’une chose à faire, lire et délire, un être du passé, d’une sorte de maladie qui s’appelait le passé et qui m’alitait…
Parfois je regardais des films. Catherine Jacob me ravissait comme un livre entier dans ses quelques scènes de La vie est un long fleuve tranquille
De manière générale, j’aimais les succès populaires beaucoup plus que les films d’art et essai de ma jeunesse… Je les avais trop portés aux nues, sans doute, et dénigrés les autres… Mais, voilà, un jour on m’avait abonnée à Netflix…
Je lisais une phrase sur l’alcoolisme et c’était exactement l’état dans lequel — si je l’atteignais — me mettait la lecture : « La boisson rendait les moments heureux du passé contemporains du présent, comme s’ils se poursuivaient, et même contemporains du futur, comme s’ils allaient se reproduire »
J’étais entourée d’or

Wednesday, April 23, 2025

P ensées profondes pour le profane

 
Réinventer un printemps où je serais seule

François m’avait donné quelques branches coupées à son camélia
C’était merveilleux de voir DI et Sarah papoter comme des gamines (parfois on peut voir qu’on reste gamine toute sa vie). C’était l’un de ces dîners d’été où on n’allume pas la lumière, où on la laisse sombrer à l’infini, c’est si lent, comme une descente vers la mer. Il y avait dans la cour — DI laissait toujours les bouquets dehors, pour donner l’impression — réussie — d’un jardin — les multiples bouquets de son anniversaire d’une semaine auparavant. La pâques juive et la pâques chrétienne se rencontraient cette année-là, un hasard des deux calendriers. Les bouquets éclatants se défaisaient, chaque vase contenait les tiges de fleurs d'une même espèce. Les bouquets mélangés qu'on lui offrait, DI les défaisait ; les roses avec les roses, les pivoines avec les pivoines. C’était comme ça que les gamines les préféraient, l’œuvre de chacune étant empreinte d’une certaine mélancolie. Et parfois d’une mélancolie éclatante comme ces bouquets usés. DI laissait au sol les tapis des pétales de couleur.

Et quand je traversais Paris, je voyais le printemps partout, partout. C’était un printemps réussi, assez d’eau et de lumière pour la régénérescence. Peut-être les plantes allaient-elles pouvoir nous sauver… Elles étaient si aimables, si prévenantes, si démocratiques, si naïves. Elles semblaient heureuses dans les espaces que la ville, la pierre leur laissait. Anne Hidalgo avait récemment organisé une consultation pour de nouveaux espaces arborés. Je n’avais pas voté, mais François avait voté contre. Oui, bien sûr, lui, il possédait le plus beau jardin de Paris, on l’aurait dit peint et sculpté par David Hockney. Legrand non plus n’était pas très pour (c’est pour ça que je m’étais abstenue). Mais, en bas de chez moi, il y avait deux parterres récents qui me ravissaient, c’était mon jardin à moi, j’y regardais la puissance commune du printemps. Et ce n’était pas seulement à moi, les jardins n’étaient pas saccagés. Tout le monde trouvait, même les plus sauvages de tout le monde — Dieu sait que dans mon quartier… — que les plantes étaient innocentes ; en tout cas, qu’elles nous étaient bonnes, qu’elles nous survivaient, nous les pauvres…
Et il y avait des narcisses
Mon père aimait les narcisses de son pays natal
Mon père m’avait peu parlé dans sa vie (mais chaque parole avait été retenue). Il m’avait dit une fois qu’il avait dans son enfance été transplanté du plateau d’Hauteville, sa liberté d’enfance, au « petit séminaire » un établissement genre Bétharram (j’imagine), à Lyon, ou peut-être Meximieu, où les fenêtres étaient placées si haut qu’un enfant ne pouvait les traverser
« C’était pas l’hiver, le plus dur, c’était au printemps, quand je savais que revenaient les narcisses… »

 

Ils avaient détruit la gare Saint-Lazare, mais j’aimais néanmoins m’en rapprocher. J’étais reliée à cette gare par le souvenir, la perspective, la découverte, un jour, de ces lignes de la mer, Dieppe, Trouville…
Mais la si belle salle des pas perdus, celle des Impressionnistes, avait été détruite pour construire à sa place plusieurs étages d’un centre commercial avec escalators, ce qui faisait ressembler la gare à n'importe quel aéroport de par le monde (ils voulaient faire la même chose avec la gare du Nord, il fallait vite en profiter)
DI était passé chez Bread & Roses, rue de Fleurus, et en avaient ramené un dîner…

Pourquoi Legrand a-t-il tant d’importance dans ma vie ? Parce que ma vie est si incroyablement vide, si tragiquement vide que la branche qu’il me tend (au-dessus du fleuve du vide), je la saisis. Ce qui fait que je vais bien, c’est que cette branche est amicale. Je connais un avocat d’affaire (au fait, son prénom est Luc) à qui il arrive des histoires pires que les miennes, parce que, lui, la branche à laquelle il s’accroche n’est pas amicale, elle est toute pourrie, il est emporté tous les jours : comment fait-il pour tenir la santé ? Peut-être, est-ce le contraire : il est en forme, mais il garde par-devers  lui un territoire sauvage qui ne déborde pas sur le reste — où il peut souffrir tout son saoul…

Les trains, les plages, tout se ressemble. Que faire ? Que faire de soi ? J’avais envie d’un dur métier dans le privé qui fasse contraste avec les dîners, les week-ends, les vacances. Mais j’étais toujours en voyage, toujours en vacances, nul château, nul enfant, nul amour

On était triste partout par le monde, triste et malheureux comme dans conte de fée sec

Je n’écrivais pas les derniers poèmes, invisibles à moi-même, dont j’avais l’ambition —

Mais comment savoir ?

On est près de la mer, on peut descendre. On n’y est pas, mais on peut rêver qu’on y est. Le roman que l’on lit est déjà écrit. Comme c’est rassurant qu’il soit déjà écrit ! Comme c’était rassurant de voir ces deux femmes (DI et Sarah) trouver sous leur pas l’enthousiasme pour de nouvelles photos, de nouveaux montages. Sarah fabriquait des volumes à l’unité qu’elle intitulait : Tant qu’il y aura des dimanches… Elle affirmait adorer les dimanches car c’était le seul jour où elle pouvait travailler rien que pour elle. Je me demandais, et n’osais pas le lui demander, ce qui empêchait cette liberté, la semaine...



Le féminisme a mis dans la tête des femmes qu’elles devaient être odieuses. Elles s’y exercent, mais quel violent métier !

Il faut n’avoir rien, c’est le secret, savoir qu’on n’aura rien bientôt, qu’avant cela on a tout

Les journaux remplis de scandales sexuels

« une ville rapiécée d’étrangers ; chacun y est comme chez soi », Montaigne à propos de Rome

« On confond amour et bonheur » (Beigbeder)

« Et son visage importe moins que son message » (Vianney)

Je vais lire pendant des semaines. Et puis, un moment, il faudra que je retourne au théâtre.

Les animaux. Le montage des animaux
Vont devenir imaginaires, vivre dans le vague

Faut-il choisir l’indifférence pour se protéger du monde actuel ?

« Un soir de mai de courant d’air » (Sardou)

« pour Jojo aucune fête n’était assez longue » (Jean-Marie Périer)

Les femmes : le besoin extravagant de triompher



Je gardais l’amour de cette femme intact. Je ne l’appelais pas. J’avais figé tout dans le souvenir, comme une chambre qu’on ferme définitivement après un malheur, comme un mausolée.

Hervé avait eu de la chance. Il était tombé sur une femme qui avait réussi à le sauver de l’alcoolisme. Il buvait toujours, mais plus à rouler par terre. Pendant quelques années, elle avait constaté qu’il tenait bien l’alcool, mais jusqu’à un certain point de bascule. Elle m’avait demandé mon avis. Comment repérer ce point. Elle voulait intervenir juste avant. Et, peu à peu, elle avait réussi à affiner sa perception qui allait faire qu’on ne verrait plus jamais Hervé à quatre pattes par terre ou bien sauter tout habillé dans une piscine. Comme je logeais avec eux, elle se précipitait soudain vers moi en soufflant un « On part » et on exfiltrait — c’est le mot — Hervé, sans dire au-revoir à quiconque

Je me chauffais à ma propre fièvre
J’avais sur moi la douceur de ma main

Ces femmes trahissent leur vie

Tout ce temps qui se défile, rapide

« l’appétit des premiers temps, une sorte de jeunesse éternelle »

« le détail, c’est l’effet à produire »

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Monday, April 21, 2025

Noël Herpe avait dit des choses capitales. Je n’aimais pas le cinéma, mais, là, je l’aimais et je m’apercevais que j’avais raison de ne pas l’aimer. Tout le monde dit tellement du bien du cinéma dans tous les sens, c’est étouffant, on croit qu’il faut aimer « le cinéma » comme on aimerait « la télévision »… tellement qu’au bout d’un (long) moment, je me suis dit : commençons par ne pas aimer le cinéma du tout et on verra ce qui échappera à la règle. Eh bien, beaucoup de choses. Des choses se mettent à apparaître (enfin) de par cette haine salutaire du cinéma. Et Noël Herpe le disait très bien. Il n’aimait pas, lui non plus, les cinéastes qui nous écrasent de leur génie, il aimait les cinéastes qui transmettent des leçons de liberté et de réel, c’est-à-dire exactement ce que j’aimais dans la poésie. A la réflexion, c’était bien la moindre des choses qu’un film soit de la poésie, pas une machinerie lourde et fade. Pas Kubrick, par exemple, pas Bergman, pas Godard (etc.) C’était la révolution. Dédaignez d’abord le cinéma, comme un a priori, et vous verrez sombrer un Titanic de réputations usurpées, de faux nababs, de nouveaux riches… et la vraie vie, le « cinéma du réel » selon l’expression du festival du même nom… miroitera.

Dans le film d’Eric Rohmer que Noël Herpe présentait, les personnages, au bout d’un moment, avaient semblé se détacher de la pellicule et venir vers moi — ou peut-être étais-je entrée dans le film. Grand plaisir. Ce que le cinéma seul pouvait montrer, disait Noël, c’était la liberté, celle du personnage, de son incarnation, oui, au sens chrétien. Rohmer pensait que le cinéma était une affirmation de qqch qui ne pouvait exister sans lui. 
 
« Je pars du théâtre et j’espère en sortir », avait-il dit. Tout à coup, le personnage s’avançaient vers la caméra dans une sorte de mouvement de liberté
 
Noël parlait de tout ça, de cette manière qu'avait Rohmer de faire répéter le texte « à la virgule près », et, au moment du tournage, de ne désirer qu’une prise. Précision de la névrose (du fantasme) et spontanéité de la vie. Un cinéma maniéré et délivré. Les personnages de Rohmer fantasmaient leur vie plutôt que de la vivre. Et, pour Rohmer, la forme artistique était la seule réponse possible à la « subjectivité souffrante », au « chaos de l’identité »

Sunday, April 20, 2025

Je viens de lire une scène que j’aurais voulu vivre avec Legrand, une scène de cinéma. La petite a 18 ans et, pour son anniversaire, elle demande à boire du champagne. C’est la première fois. Elle est amoureuse de Legrand presque depuis le premier jour qu’elle l’a rencontré. Dick Legrand. Et elle réussit à se faire embrasser dans la voiture qui les ramène tous les deux de la scène du champagne (probablement une guinguette au bord de la Marne) jusqu’à l’hôtel où dort déjà — appelons-la France — la compagne de Legrand. La petite actrice — une actrice hollywoodienne cornaquée par sa mère — tiens, d’ailleurs, où est sa mère à ce moment-là ? —, comme sa chambre se trouve la plus près de l’ascenseur, en diagonale de l’autre côté du couloir de celle de France, réussit de Legrand qu’il y entre, oh, « rien qu’une minute, pas plus ». Mais, dès qu’il a refermé la porte, pâle comme la mort, elle se jette sur lui et lui demande de la prendre. Nous comprenons qu’elle est vierge. Elle est folle amoureuse. Elle s’en fiche si elle n’éprouve aucun plaisir, elle s’en fiche même de tomber enceinte, elle fera comme l’une de ses collègues partie quelque temps au Mexique, elle s’en fiche que Legrand aime France parce qu’« on peut aimer deux personnes à la fois ; tenez, moi, j’aime maman et je vous aime ». Elle a conscience qu’elle est en train de jouer son meilleur rôle…
« Je savais que vous ne voudriez pas, sanglota-t-elle. C’était sans espoir. »
Il se leva.
« Bonne nuit, petite fille. Il n’y a pas de quoi être fier. Effaçons cela de l’ardoise. »
Oh ! la belle voix grave de Legrand…

Il y a une suite ! P 118. Le lendemain, dégrisée, elle retrouve Dick Legrand dans la honte. « Lorsqu’elle se trouva en face de lui, leurs yeux se rencontrèrent et se frôlèrent comme des ailes d’oiseaux »

Après tout, j’avais mal vécu ma vie. Pourquoi ne pas rêver à une amélioration ? Pourquoi pas ? Après tout, je ne partais pas de rien. Oui, les beaux, les vivants, les bien formés… eux ne pouvaient pas s’améliorer. On n’améliore pas la perfection. Mais moi qui partais de bien bas, de bien triste, je ne pouvais que me hausser. Ainsi j’envisageais mes derniers jours avec une forme de sérénité — ce qui constituait déjà une amélioration certaine…
Tenez, j’ai fini cet article et, pour une fois, il me reste un peu de place… Que vous dire ? Rien. Le bonheur n’a pas d’histoire et il ne me manque de rien. J’ai même trop de place

Vous pleurez ? Pas moi. J’écris des pièces dans votre dos ! 

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H étéros « comme ils disent »»

 
François avait dit une jolie chose, il disait qu’il détestait la province, mais qu’il aimait la province à Paris. « Ici, c’est même le village. » Il râlait contre les mini-envahissements de la ville dans ce village de privilégiés. Par ex, la mairie de Paris (satanée sale Hidalgo !) avait ajouté des structures pour accrocher les vélos près de la chambre de C. et ça papotait, ça papotait à cet endroit (C. avait fait sa chambre à l'emplacement du garage, faut dire). François achetait toujours ses pâtisseries à La Vieille France, près des Buttes-Chaumont, et, pendant un très long sketch, François nous avait fait Sylvie, la drama queen qui tenait cette boutique (tandis que son mari effacé en était le pâtissier). J'avais dit que Sylvie — aussi appelée pat François « la lionne » — me rappelait Madame Verdurin, mais je sentais qu’on me le comptait comme une faute. Ou alors Sylvie Vartan ? Je ne savais plus quoi dire, moi. En fait, Sylvie rappelait à Martine une autre Sylvie dont on avait parlé au début (quand nous n’étions que tous les 3), une Sylvie obsédée par la pédophilie, insortable, si j’avais bien compris, parce qu’elle avait l’art — le don ? — d’en détecter une victime chez presque tout le monde. D’ailleurs l’avocat d’affaires — prénommé Luc, au fait — avait voulu dire qu’il avait eu son premier rapport sexuel à 13 ans et il avait dit : « à 3 ans ». Son compte était bon ! C’était clair comme de l’eau de roche… Martine s’était écriée : « Sylvie ! Sylvie ! si Sylvie était là… » Il fallait expliciter, pour les gens arrivés plus tard, les allusions constantes que nous faisions à la première partie de la soirée... Un enfant s’appelait Jacques. Je trouvais ça merveilleux. C’est si rare, non ? Sa mère me disait qu’il y en avait quelques-uns, mais pas tant que ça, en effet. Jacques ! François disait que lui connaissait un Jack (il faisait allusion à Jack Lang). Le champagne était très bon, servi dans des coupes anciennes, fragiles comme des corolles. François venait de Reims et une partie de sa famille exploitait des premiers crus, deuxièmes crus, troisièmes crus — ou alors seulement des premiers crus, j’avais un peu décroché… Il nous avait raconté le dimanche des vendanges chez sa grand-mère...
 
 
 
Devrais-je le dire, dans le grand luxe de cette maison accrochée aux nuages — et son jardin d'azalées —, sous les tableaux d'un goût exquis, venait un moment, assez tard, où, quand nous étions tous bien pompettes à ce champagne millésimé (et les enfants à l’Orangina), notre hôte commandait un repas Deliveroo car il ne savait pas faire la cuisine du tout.
Christophe n'était pas là qui était le cuistot du lieu.
Ce repas sur le pouce, l'assiette sur les genoux, du poulet sec avec des frites molles, ou parfois des sushis, ou des pizzas, près du feu — en tout cas, pour ma part (l'avocat d'affaires était assez loin et demandait toujours de répéter) — pouvait donner la tristesse, l'abandon nécessaire à une atmosphère modianesque — mais c'est cliché de le dire — de temps perdu
Quand il était temps de rentrer, de redescendre en ville, tout le monde partait d'un seul coup (comme sur un toboggan)
(On adorait ces soirées)  

 

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Friday, April 18, 2025

L a Vérité

 
Une anecdote que je racontais dans mon spectacle sur Proust, je crois m’en souvenir (oh, ça devait être pour détendre l’atmosphère...) : Marguerite était passée devant cet immeuble nouvellement construit. Elle avait dit : « On dirait une pédale ». C’était Carlos d’Alessio qui conduisait. Plus tard, Carlos s’était arrêté pour acheter des cigarettes. Elle s’était retournée vers moi à l’arrière et m’avait demandé : « Tu crois que je l’ai vexé ? » Je le disais, comme ça, dans le spectacle, pour ne pas compliquer les choses, mais c’était, en fait, vers le comédien et ami de son fils Axel Bogousslavsky qui me l’a raconté. Je n’étais pas dans cette voiture...

Je dis ça pour Zakary qui est allé raconter à Legrand — oh, que c’est moche ! — que j’étais plus vieille que je ne le suis. Qu’il avait fait une enquête, que ce n’était pas possible que j'eusse été à l’arrière de cette voiture au moment de l’apparition de ces immeubles, blabla, que ma date de naissance (1982) ne correspondait pas à ce que je racontais...

Eh bien, en effet, oui, c’est comme ça, les anecdotes sont souvent arrangées pour la scène. C’est comme ça. The show must go on. On simplifie. On pense à l’efficacité. On ne peut pas imaginer que des m… comme Zachary vont se mettre au recoupement ferroviaire en vue vous discréditer. Ayez des amis ! Avec des amis comme ça, pas besoin d’ennemis...

Au moment où j’écrivais ça, assez furieuse, comme vous le l'imaginez, minuit passée, oui, oui, le mot « morpions »… je recevais un mess de Zachary. Il avait rencontrer Philippe Quesne, blablabla… Je lui répondis que j’étais justement en train d’écrire du mal de lui (de lui, Zachary) et je lui demandais de choisir son punishment, fessée, etc. Puis je fermais sèchement mon tel. Au matin, je trouvais sa réponse. Il rigolait, il s’excusait plus ou moins, prétendant que c’était « la coiffeuse » qui le lui avait dit. La coiffeuse est une femme avec qui j’ai vécu pendant presque 5 ans jusqu’à l’an passé (et qui est, en effet, coiffeuse de son métier). Je répondis — je le note ici parce que je crois que c’est ce que je puis dire la plus censée sur notre relation : « Oh, la coiffeuse… Elle vit dans la fiction. Je lui ai fait croire pendant presque 5 ans que j’étais un garçon, mais, quand je lui ai dit la vérité, elle m’a jetée… »

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