Friday, December 26, 2025

L e pur feu du désir


J’avais passé un sale moment, nous nous étions disputés, avec Legrand, je n’avais pas compris, il me refusait le droit de parler d’« instinct sexuel », de « pulsion », c’était XIXème siècle, c’était psychanalyse, c’était naturalisme, c’était ré-enclencher encore l’opposition nature/culture, c’était con — j’étais conne —, mais le prof de philo ne me disait pas par quoi remplacer cette notion… 
 
On avait failli se foutre sur la gueule. Le concert commençait par une mini conférence dont je n’entendais pas un mot, enchaînait par du Schubert qui eut bien du mal à me parvenir, séparée de Legrand par un mur, un drame, mentale, choquée, puis, tout d’un coup, je passai mon bras autour de son long cou de cygne et, lui, immédiatement, répondit à mon contact, à ma demande d'apaisement, par sa main qui chercha sa place chaude sur ma cuisse, sur mon genou, partout sur ma jambe. A la fin du concert — découverte de la puissance d’Ernest Chausson inconnue pour moi jusqu’alors —, je lui demandai poliment si je pouvais — ou non — parler d’« envie », de « puissance » (sexuelle), de « désir », de « feu », d’« attirance », etc. Il acquiesça et le sujet fut clos

Plus tard, s’il y avait eu un plus tard (mais les conversations sont toujours interrompues), je lui aurais demandé si je pouvais — ou pas — parler comme Françoise Sagan (dont je lisais le roman De guerre lasse et dont, un temps, j’avais imité la coiffure puisque je me souviens bien que DI se fichait de moi en m’appelant Françoise) de l’« animal de l’amour, cet animal jamais rassasié »

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Tuesday, December 23, 2025

L’homme, « copeau du progrès technique », dit Soljenitsyne
Tant d’oiseaux, le soir, dans ce parc aux arbres rares
Je suis restée jusqu’à la tombée de la nuit avérée dans le parc du jour le plus court de l’année
Du jour le plus court
Je suis rentrée au Bar du Matin qui allait fermer pour travaux, il restait 3/4 d’h
Comme on ne me demandait rien, je n’ai rien commandé (et quand je l’ai voulu, moi aussi, tremper mes lèvres dans le goût de la bière, il était trop tard)
Il y a parfois dans la ville la possibilité — parfois à haute intensité — d’être fantôme : vous attendez  comme une pierre, un bout de bois, un pigeon dans les églises, les libraires, dans les endroits où on vous le permet, sur un banc… jusqu’à ce qu’on vous demande enfin de sortir : « Madame, nous fermons. » Oui, je suis l’une de ces femmes-fantômes. Mais puis-je agir sur le monde comme cela ? Pas assez. Oui, j’ai la nostalgie d’une action sur le monde, d’une action qui changerait le cœur des choses
Bien sûr, je me projette sur Bobo & Legrand. Je leur prête des aventures que j’aimerais bien vivre dans un rôle ou dans l’autre, des épisodes d’emprises sexuelles, et j’y crois tellement que je raconte dans les salons, en femme mondaine, ces aventures (les leurs) pour dégoûter ou appâter — comme si elles m’étaient arrivées, comme si je les avais vécues

Les maisons innocentes du souvenir avec les oiseaux



On m’a demandé de raconter ma « première fois »
Le lendemain, j’étais effarée de la faiblesse de mon récit, de mes images, tout était invraisemblable, retouché, ravalé à la va-comme-je-te-pousse
Mon Dieu ! s’il s’agissait de raconter sa vie, il y aurait du boulot… (Comment font-elles ?)

Le monde parti, la lumière était si belle, je ne savais quoi choisir, descendre au parc ou rester dans l’appart très perché
Il y avait des chemins dans le ciel
Le monde parti, comme s’il allait revenir, combien d’histoires étaient ensemble ?

Dans un coin très anglais, de beaux manoirs en briques, la route qui entoure le parc est sinueuse…
Les vitres des bow-windows boivent jusqu’à la dernière goutte de la lumière distillée par le soir ; avides, poreuses, sont les vitres de la transparence, vibrantes de la lumière… Les réverbères (au sodium) hésitent à s’allumer, eux, bégayent… Quand ils y parviennent : jaune d’or comme des boutons d’or

C’est en deçà du savoir qu’une ville m’intéresse, du savoir humain, ou de mon savoir humain
J’aime m’y perdre, m’y reconnaître à peine, y souffrir (convenez que Bruxelles est dépressive)
 
Toucher le second état du second degré comme dans un état pré-Alzheimer : quelle est cette ville ?

J’étais dans un train, j’avais peu dormi, ça allait vers le Nord, tout droit, tout plat. Le train était « classique », il allait lentement
C'était de plus en plus le Nord

C’est difficile d’« écrire mineur », je m’aperçois que c’est ce que je recherche et je n’y arrive pas

Beaucoup de gens font des dépressions au moment des fêtes, j’en fais partie

Il semblerait qu’il n’y ait que le choix d’être dépressive ou militante

J’avais dit, ça avait amusé la cantonade, « les dernières années de ma vie » au lieu des « dernières années de ma mère »

Je ne veux rien faire, comme si c’était déjà Noël maintenant
Dans le lifting, l’âme est prisonnière
(L’âme est voyageuse, en vrai)

Le venin de la belle lumière
Je voulais constater de mon fait
de mon fait…

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L e silence et la tourterelle


Je me réveille — dans quelle ville ? — peu m’importe, il y a le silence et la tourterelle (c’est une ville, on s’en désole, mais — le silence et la tourterelle)
Puisque tout a déjà été écrit, c’est une chance d’écrire — le silence et la tourterelle
Nous sommes dans l’Europe-rivière, le passage du temps, le silence et la tourterelle
Le temps brûlé, l’herbe chaude, le silence et la tourterelle

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Monday, December 22, 2025

U ne affection d'enfant, un amour de femme

 
Bobo&Legrand a ce soir des yeux marrons, si mâles, si enfantins, des yeux d’animal, en fait
Demain au réveil de la nuit d’amour, il aura, j'en suis certaine, des yeux bleus d’amoureux (les plus dangereux)

Bobo&Legrand est un homme à femmes. Cette expression désuète. Roman de Sagan. Ça veut dire : désir effréné des femmes — attitude désuète — les femmes, à notre époque, désirent qu’on les laisse tranquilles (mais pas toutes) (certaines : femmes à hommes, désir effréné des hommes)

Moi, tout simplement, je m’identifie aux deux. C’est ma jonglerie. Je suis la femme et l’homme qui aime la femme. Bobo se définit comme « lesbien ». Legrand ne se définit que comme lui-même

Bobo&Legrand est le double des femmes qu’il aime, sœurs, filles, maîtresses, amours, mères…

Bobo et Legrand ne s’aimaient pas entre eux : des rivaux. Mais Legrand couchait occasionnellement avec des garçons. Bobo était plus pur

« Entortillée dans mes draps, je crois me souvenir de toi 
Lorsque tu disais tout bas que tu n’aimais que moi ! »

Maintenant, je serai seule comme au bord de la mer, de la rivière ou du lac, maintenant je serai seule à la piscine, même

Bobo&Legrand est un beau, mais aussi un bon, garçon

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Wednesday, December 03, 2025

C'était fou, c'était la nuit, c'était après un spectacle


Des spectacles, elle n'en voyait pas beaucoup, mais, là, elle avait été invitée. Ça ressemblait à un spectacle comme elle croyait que devait être un spectacle, alors ça valait le coup d’être là. Il lui semblait qu’elle n’avait jamais vu quelque chose d’aussi bien dans cette salle, il lui semblait que le théâtre avait été construit à l’instant spécialement pour cette actrice, elle remarquait plusieurs fois comme « l’écoute » était belle, que tout le monde réfléchissait avec elle à ce que proposait l’actrice (elle, elle était assise dans la galerie sur le côté, elle pouvait voir autant la salle que la scène). L’actrice — puisque ce temple avait été construit pour elle — avait commencé le spectacle en disant au public, amicalement, à quel point elle était à l’aise sur scène, beaucoup plus que dans la vie. Sur scène elle se sentait « une bombe », pas du tout dans la vie — et c’était tellement vrai et tellement sincère que ça avait mis tout le monde d’accord. Oui, ça avait accordé l’instrument, le théâtre, le noir de la salle qui parfois se rallumait un peu quand l’actrice s’exprimait en tant qu’elle-même. Le reste du temps, l’actrice parlait avec les mots et les vides d’Annie Ernaux dans MÉMOIRE DE FILLE, elle était à la fois — comme il est proposé dans ce livre —, celle qui avait vécu l’évènement (la « première fois » dont parle le texte) et celle, âgée, qui réfléchissait à ce qui était arrivé à cette jeune fille, ce qui était arrivé, en fait, à une autre qu’elle-même. L’actrice était de plain-pied avec tout ce qu’elle disait, elle aussi avait évoqué sa première fois à elle, mais elle était de plain-pied avec tout ce qu’elle aurait pu dire. Elle disait, par exemple, c’était des mots d’Annie Ernaux : « Cette fille n’est pas moi, mais elle est réelle en moi. Tout en elle est désir et orgueil et elle attend de vivre une histoire d’amour. » Puis une autre phrase contredisait (ou nuançait) la précédente. Ça s’appelle l’écriture. Tout le monde sait qu’Annie Ernaux est un grand écrivain (j’emploie le masculin parce que c'est parmi tous, pas seulement parmi les écrivaines), elle a reçu le prix Nobel en 2022, mais, là, tout le monde s’en apercevait sur le moment parce que — et c’est assez rare pour être signalé — l’actrice, oui, était de plain-pied avec l’écriture. Moi, je pensais même à Claude Régy, c’est pour dire. C’était comme si elle écrivait ce soir, Suzanne de Baecque, dans le temps même du soir, ou comme si l’écriture était de la parole et du théâtre. Tout prenait sens, par exemple, même le mot « soirée ». Même les choses les plus évidentes prenaient du sens. Elle disait : « Du fromage à la coupe, des madeleines au détail, des caramels. » Et que cette actrice réussisse ça, c’était comme si elle devait recevoir elle aussi le prix Nobel, puisqu’elle était aussi douée qu’Annie Ernaux et que moi aussi, parmi tous, je l'écoutais dans le temple inventé, rapidement dressé, la tente

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Monday, December 01, 2025

 
Beaucoup de choses dans ta lettre. D’abord une gentillesse débordante. 
1) Ce n’est pas étonnant qu’on ne me propose plus rien, ça s’appelle : « La roue tourne » ou « J’ai fait mon temps ». Il y a 22 ans maintenant quand j’ai commencé, j’ai répondu à une commande, celle du chorégraphe avec lequel je travaillais à qui on avait proposé une programmation carte blanche dans un festival ; à son tour, il m’a proposé de fabriquer (en le produisant) mon premier spectacle (EN ATTENDANT GENOD). J’ai raconté tellement de fois cette histoire que tu dois la connaître. Ça a marché, ça m’a ouvert une liberté incroyable, une reconnaissance, mais j’ai tout de suite pensé : « S’il ne me l’avait pas proposé, je n’aurais sans doute jamais rien fait ». Je serais restée interprète, ce que j’étais et ce que je suis de nouveau. C’est arrivé comme ça, ça s’est enchainé à partir de ce premier geste et c’est reparti de la même manière (avec un peu plus de temps, de prolongations…) ; j’ai eu peu à peu moins de propositions, moins d’argent et surtout moins de public (j’ai travaillé des années en Suisse, une sorte de cauchemar au niveau du public !) Donc, à un moment où j’ai eu encore une proposition (la péniche Pop, à Paris), j’ai annoncé que c’était mes adieux. Alors, bien sûr, si on me reproposait de faire qqch, pourquoi pas ? La difficulté (que j’assume), c’est que je n’ai jamais fait aucune démarche dans ce sens, je n’ai jamais cherché du boulot, les spectacles se sont enchaînés tant que ça marchait, tant que j’étais à la mode. C’était toujours des commandes (on me donnait un lieu, des dates et un budget que je ne discutais jamais) et, en même temps, des cartes blanches (avec parfois des désirs particuliers exprimés : que tu travailles avec telle comédienne, etc.), j’aimais beaucoup l’effet de commande. Quelqu’un veut, alors j’y vais. S’il n’y avait pas eu ça, je n’aurais jamais rien fait.
2) Pas du tout contre ton enthousiasme et ta proposition. En mai, je suis libre.
3) Envie depuis un moment de revivre un peu à Bruxelles. Pourquoi pas pendant les fêtes, si tu me prêtes ton appartement. Si tu rentres à Paris le 18, j’y suis encore, peut-être donc qu’on pourrait se croiser à Paris, le 18 ou le 19… 
4) La dernière personne avec laquelle j’ai été en contact à Bruxelles, c’est Antoine Pickels. Il a failli prendre ce spectacle d’adieu qui s’appelle TITANIC, HÉLAS, on avait trouvé un lieu… et puis il n’a pas eu l’argent qu’il espérait, il a dû réduire sa voilure cette année-là. Il est adorable. Son festival (s’il le donne toujours, je ne sais pas) s’appelle TROUBLE.
Bises,
Marie-Noëlle

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L e Coup de blues

 
Tout est de courte durée, Legrand a rencontré une fille. Au café. En terrasse. Il faisait beau, le soleil brillait, l’eau brillait, près du canal. Appelons-la Nadja. C’est une fille qui embrasse les garçons dans la rue. Elle demande la permission. Elle demande toujours la permission maintenant, même quand c’est évident dans l’échange des yeux. Tu penses bien qu’ils doivent être contents, les mecs ! Dans l’autre sens, ça ne marche pas. Un homme ne peut pas le faire. Agression. Pilori. Théâtre du Soleil...
 
Mais, bon, ne ternissons pas la rêverie. Tout est ensoleillé, je disais, théâtre du soleil, il fait froid, c’est l’hiver, c’est dimanche, mais il fait beau, tout brille, les boucles d’oreilles… Il y a des cormorans

Et, moi, je suis triste, désespérée, abattue sur une chaise. Bobo n’est pas là. Il est venu et n’a pas attendu. C’est un week-end très plein pour Bobo ; il est rarement là, à Paris, alors, quand il est là, il enchaîne les rendez-vous. « Elles me veulent toutes. » Il arrive très en retard à celui du matin (il vient chercher des livres). Raison : « Elle ne voulait pas que je parte… — Eh bien, tu ne lui as pas dit que tu la retrouvais tout à l’heure ? — Non, parce que tout à l’heure, j’en vois une autre... » Et une autre, et une autre, on enchaîne… Bobo est en pleine forme. Il plaît. Mais Bobo n’est pas là pour moi. Alors (dans un sursaut), je me souviens que j’ai encore un atout. Legrand ! Quand y a pas Bobo, y a Legrand, et réciproquement lycée de Versailles
 
Je lui envoie : « Qu’est-ce que tu fais ? J’ai un coup de blues. » Il me répond instantanément : « Oh ! Je suis chez moi (avec une fille). » Oh, c’est gentil, il est avec une fille, la vie continue, je lui dis que ça me remonte le moral. Un peu plus tard (je suis dans le train), il me propose : « Tu veux passer ? » 
 
On est presque voisin, oui, ça me ferait du bien de faire un détour, malgré la fatigue sans fond, mais, quand j’ouvre sa porte après avoir frappé une seconde (Legrand ne ferme jamais, on peut rentrer chez lui comme dans Nicolas Moulin), je ne les trouve pas dans la première pièce, mais dans la deuxième et au lit, nus comme des vers parmi les draps. Bon. Comment analyser la situation ? Legrand m’a dit de passer, il m’a dit qu’il était avec une fille, il veut que je participe ou quoi ? Ils sont au lit au début ou à la fin du process ? À la fin, il s’avère. Il viennent d’y passer deux heures, le plus gros est fait. Ils ont envie de se lever, laver, de venir discuter avec moi, de boire, de fumer, d’écouter de la musique. Nadja dit : « Ça pue pas trop la bite ? »

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Thursday, July 17, 2025

A Good Friend Can Change Your Views

 

J’ai vu mon neveu qui finit un stage de 2 mois obligatoire dans son année d’étude (Sciences Po). Il a choisi le bar. Le « Bar Ourcq ». C’est un bon choix, c’est près de chez moi, en plus. En cette période (espérons que ça ne soit qu’une période et pas la fin définitive du système) de manque de vélibs (il en disparaît plus de 600 par semaine depuis le match, alors ça va vite), c’est appréciable le près-de-chez-soi. Le Bar Ourcq n’a pas changé depuis toujours dans ce monde ou tout change tout le temps, c’est appréciable le low. On peut toujours y prendre un jus de gingembre comme il y a 10, 20, 30 ans, rien n’a bougé, rien n’a vieilli, il est toujours aussi pur, ce bar, aussi tradi dans le progressisme. On veut bien du progressisme, mais low, s’il vous plaît, mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente, comme chantait l’autre. Mon neveu — appelons-le Solal — se plaint d’être, dans son stage qui se passe dans une boîte de com pour le ciné,  chargé de ce qui n’intéresse personne, les boulots chiants, les data, les excel… On lui reproche de ne pas montrer assez d’enthousiasme quand on lui propose quotidiennement depuis 2 mois l’une de ces tâches ennuyeuses. En effet, il en voit certains qui sautent de joie. Lui, il trouve que c’est exagéré, ce ciné, il dit juste ok et il exécute ce qu’on lui demande… Dans le AOC papier, je lis un article de Jacques Rancière sur la « déraison inégalitaire » qui fait tourner la société où tout inférieur est à même de se trouver un inférieur et ainsi de jouir de sa supériorité sur lui. Ce que l’article appelle aussi : « la culture de la haine » ou « la passion de l’inégalité ». D’ailleurs Solal le dit en ces termes, sa supérieure ne l’« aime pas ». Il y a toujours une supériorité à laquelle on peut participer. Donald Trump joue de cette satisfaction de se croire le supérieur d’un autre, pas sur la frustration comme on l’avance toujours, dit Rancière, mais sur la satisfaction de son sort et la haine de l’inférieur imaginaire qui pourrait nous en déloger


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Wednesday, July 16, 2025

Je voudrais aimer Legrand toute ma vie. Et il n’y a pas de raison pour que ça n’arrive pas, d’abord parce que la vie est courte, nous sommes comme en vacances ici, la durée d’un été ; ensuite parce que Legrand est une figure, une forme très ouverte, presque vide, qui peut tout contenir, pas tout sans doute, mais pas mal. (La stupidité idéologique de tout se tient en dehors de la forme Legrand.)
Legrand, mon seigneur, mon haut seigneur, pangolin… un jour je l’appellerai Dubois… est un sytème, un appareillage de respiration (comme cette formule est moche, mais rien n’est beau, vous le savez ?) (En relisant, je m’aperçois que l’appareillage de respiration est ce que portait mon père souffrant d’emphysème et de fibrose à la fin de sa vie.)
Je suis en marge. Quand vous êtes en marge, il n’y a qu’une chose à faire : contempler la beauté du monde des autres, le ciné permanent. Seulement c’est trop vaste, la vie des autres, trop immense. Legrand me permet de canaliser : je ne vois que Legrand. Ou encore, autrement dit : mon « je » est vagabond, mais Legrand est mon ancre

Une femme, il me semble qu’elle s’appelait Evelyne Pieiller, qu’elle avait écrit des romans (au moins un que j’avais lu), elle avait dit à Claude Régy que je ressemblais au personnage des Enfants Tanner, « Un beau matin, un jeune homme ayant plutôt l’air d’un adolescent entra chez un libraire et demanda qu’on voulût bien le présenter au patron. » C’est un jeune donc qui change de métier toutes les 5 mn. Il ne tient pas longtemps dans le job qu’il désire pourtant, il passe à autre chose. « De tous les endroits où j’ai été, poursuivit le jeune homme, je suis parti très vite » (et il en donne les raisons, ce qui l’attirait le rebute très vite). Il papillonne. Je crois me souvenir que j’étais assez fière d’avoir été reconnue comme personnage littéraire. Il faut que je relise le roman (l’ai-je jamais lu ?) Robert Walser est l’un de mes écrivains préférés. (Maintenant je m’identifie non à ce personnage, mais à lui.)

« Cela dit, on ne m’a encore jamais chassé de nulle part, c’est toujours moi qui suis parti, par pur plaisir de partir, en quittant des emplois et des postes où l’on pouvait faire carrière et le diable sait quoi, mais qui m’auraient tué si j’étais resté. »

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