(À Christian Rizzo, à propos de
Elle court dans la poussière, la rose de Balzac.)
Christian, Florent me dit que tu penses que je me suis sabordé, que c'est triste, etc. D'où tu sors ça ? Du filage de juillet ? Mais, c'est pas ça que j'ai donné, finalement. À la reprise du travail, j'avais l'impression d'être l'assistant des problèmes de Jonathan et de Julie, je m'ennuyais, je me suis dit : "Flute, c'est mon dernier spectacle, j'ai quand même le droit de dégager ma puissance" - et je l'ai fait. C'est géantissime,
La rose de Balzac ! Voici l'avis de l'auteur (autorisé !) J'ai pris un homme, une femme et un enfant et, simplement, le plus simplement possible, j'ai parlé du crime. Je savais que je laisserais pas mal de gens sur la touche - le crime, c'est justement ce qu'on essaie d'éviter -, mais je voulais prendre le plus grand bord possible pour la liberté, l'avenir - et parler de ce que je savais pour une fois directement comme si c'était possible sans me soucier de chacun. (Et ça l'a été pour quand même pas mal de gens, possible.) Depuis trois ans que je fais quelque chose, j'ai toujours entendu "suicidaire" ou "sabordage", c'est un mot qui me poursuit depuis le début et qui m'oblige a toujours démentir et défendre, mais l'œuvre est là, seize spectacles, qui dément (et si je devais être le seul à m'en apercevoir - ce qui n'est pas le cas - je serai encore celui-là). Heureusement que Pierre Guyotat dit que la défense de l'œuvre fait partie de l'œuvre, ça me donne un peu de pêche ! Bien-sûr ce que j'ai fait là, ce n'est pas Guyotat, ce n'est pas Shakespeare, Mozart ou Picasso, mais ce n'est pas ailleurs non plus. C'est précisément du même endroit qu'il s'agit. À cet endroit, chacun fait ce qu'il peut avec sa propre puissance, mais c'est le même endroit. Pour moi en tout cas, pour toi aussi, pour quelques uns. Les autres reproches qu'on m'a toujours fait - toujours, toujours - c'est "potache" (transformé depuis l'expo Dada à Beaubourg en "pas sérieux") et "consonnance amoureuse" (l'affectif, blabla...) Sur ces trois points j'ai toujours violemment démenti (après tout, pourquoi ne pas faire une œuvre potache, suicidaire et à consonance amoureuse ?) parce que je sentais l'évident danger de la destruction de mon travail opérée par ces mots. Non, mon travail est sérieux (l'un des plus sérieux), construit (l'un des plus construits), et froid (l'un des plus conscients et de très loin), et maintenant que c'est fini, la preuve est là : ça a eu lieu. On peut toujours dire que ça n'existe pas, mais ça existe, j'en suis le témoin privilégié. J'ai réussi à faire œuvre là où personne ne le voulait (on te demande juste le contraire). Maintenant, j'ai plus rien à faire (sauf un stage que je vais donner à Arbecey au mois d'août) et je ne suis pas du tout sûr de faire encore quoi que ce soit parce que je me suis aperçu (c'est ce qui m'inquiète), que je n'ai fait en trois ans que répondre à des commandes (en les détournant au profit d'une œuvre, certes) et jamais je n'ai pris d'initiatives. Peut-être que je n'en suis pas capable - mais ce qui a eu lieu a eu lieu - et ne soit pas "triste", moi je suis plutôt dans un état d'euphorie, là, en tout cas de te parler. Sans avenir financier, certes, sans travail, mais néanmoins euphorique. Libre. Depuis trois ans, j'ai fait ce que je voulais ; la liberté, je ne l'ai jamais, jamais négociée. Évidemment, c'était sans moyens. Ça devrait être merveilleux d'être libre avec des moyens, mais, ça, pour moi, en tout cas, c'est une autre affaire... On verra bien. J'y pense pas trop pour le moment... Si tu vois passer des plans boulots, des choses que tu ne peux pas faire, etc., branche-moi...
Mark Tompkins qui a vu deux fois
La rose de Balzac m'a demandé de le mettre en scène dans un projet (j'ai pas d'idée pour le moment, ni de débouché) et Antonia Livingston qui a pourtant vu la représentation du 13 qui était sehr hard et que j'ai détestée (elle était dégueulasse) est venue dans la loge et me l'a aussi proposé. Je t'envoie quelques photos.
Bien à toi. Au plaisir
Yvno
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