Adélaïde et moi, nous restons au soleil sur cette place universelle qui s’appelle Piazza Maggiore. Nous restons au soleil. Nous buvons de l’eau, mais, comme ici les cafés sont très bons, je bois, moi, aussi un peu de ce poison modeste. Sur la place, il y a tout un spectacle. L’infini spectacle. Et je dis : « Eh bien, moi, je sais où je passerai mes derniers jours ! » Et je pense à Paulina 1880. Le dernier chapitre. Paulina est assise sur une chaise, au soleil, devant une maison. Ne s’appelle même plus Paulina. Après avoir vécu toutes les passions, elle est une vieille femme, enfin ; elle est une sainte anonyme, ce que sont les vrais saints (s’il n’y avait pas le narrateur). Cette position de la sainteté, tous les acteurs la recherchent. Il est évident que Catherine Deneuve — même Catherine Deneuve ! — est anonyme dans le film Belle de jour, de Luis Buñuel. D’ailleurs, elle n’y comprenait rien (paraît-il). Yves Saint Laurent a fait beaucoup pour ce film.
La musique commence sur la place. Elle fait plaisir. Loin. A l’autre bout. N’importe où. C’est qq’un qui chante avec sa guitare. En anglais. On ne sait pas si ce sont des chansons connues ou inventées ; Adélaïde ne sait pas. Mais Adélaïde me montre : il y a un homme qui danse. Il y a un homme qui danse et qui chante en playback plus près de nous. C’est un clochard infini. (Leçon infinie.) C’est l’un des plus beaux solos que j’ai vu de ma vie (avec celui de François Olislaeger). Il danse principalement avec ses mains et la danse est pratiquement aussi entière que si c’était Sylvie Guillem, il est d’une beauté extrême. Il nous fait signe, on dirait, il a vu qu’on le regardait. Qq’un de beaucoup plus près de lui le filme, mais c’est nous qu’il regarde et à nous qu’il adresse son salut, à nous les plus lointains. (Je le trahis un peu en le photographiant un peu.) Le spectacle est fait. Il est invisible et parfait. Je sais pourquoi c’est beau et absolu, je le fais remarquer à Adélaïde : à cause de l’ouverture. Tout est ouvert, chez lui, dans toutes les directions. Et il danse. ...plein de mérites, mais en poète, l’homme habite sur cette terre... Ce que fastidieusement travaille Laurent Chétouane. D’ailleurs, nous voulons jouer sur cette place ! J’avais dit — avant qu’il apparaisse — que nous pourrions jouer directement sur la place : Marlène, Kate, Jonathan, Thomas certes pourraient jouer sur cette place... Je vais le proposer aussi à Hubert, tiens, de jouer dans la rue. Maintenant... Et le clochard céleste est apparu.
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