Thursday, September 08, 2016

A s you like it


Oulala, je ne suis pas sûr d’aimer le spectacle cette saison... J’ai commencé par Pina dont je suis pourtant un fan absolu devant l'éternel. Hier, j’étais à la mer, sur la côte Atlantique, en Vendée, et ce soir au théâtre du Châtelet (climatisation à faire s’enrhumer le dernier des éléphants, etc., la foule, le fric, la foule envahissant Paris — Paris n’est supportable que pendant les trois premières semaines d’août).
Pina, elle, elle est capable de créer des sensations, de l’air, du vent, de l’espace, Pina elle est capable de créer des sensations de réel — et, quand c’est pas créé, ou quand c’est pas recréé, eh bien, c’est de l’imagerie, du cinéma au mieux…
Je me suis vraiment fait chié.
Je ne vais peut-être pas supporter d’aller au spectacle cette année. Je lis leurs interviews dans « La Terrasse », mon Dieu, c’est effrayant ! C’est-à-dire qu’ils disent tous que ça va mal, mais ils veulent quand même faire des spectacles… Mais qu’ils arrêtent d’en faire ! Si le monde va aussi mal que tout le monde le dit, il faut arrêter de faire des spectacles. Si un éléphant meurt tous les quarts d’heure, il faut arrêter de faire des spectacles. Si c’est vrai. Si les scènes que je vois en bas de mes fenêtres, à Jaurès, sont vraies, il faut arrêter de faire des spectacles. Peut-être que ces scènes ne sont pas vraies, après tout… Pourtant elles sont incroyablement plus entêtantes, obsédantes, insistantes, prégnantes, lancinantes que d’être assis comme au spectacle dans une salle climatisée.
All the world’s a stage.

Labels:

J ouer comme Gérard


Je ne vais pas vous mentir, ce qui compte, c’est la splendeur. C’est la beauté des vêtements, c’est votre disponibilité à la splendeur, c’est la manière dont votre peau prend la lumière, comme on dit, se baigne dans la lumière, comme la lumière se baigne dans votre visage, ou de votre corps entier, c’est plus beau, le corps entier, plus beau que le visage seul, c’est votre disponibilité au monde, à la vie, à celui qui vous regarde, c’est votre confiance, votre capacité à calmer votre peur, à calmer la peur de celui qui vous regarde, à calmer la peur de tous ceux qui vous regardent, c’est jouer, c’est le talent, « Qu’est-ce que c’est que le talent, disait Barbara, c’est peut-être seulement de savoir sourire, d’entrer en scène et de sourire », ou peut-être de ne jamais tricher, comme disait la Callas — ou Rudolf Noureev, qu'est-ce qu'il dit ? « Je me sentais léger et je plaçais mon corps à l'endroit de la légèreté » —, c’est l’amour, c’est un jeu terrifiant, évidemment, parce qu’on y arrive aussi en trichant, à l’amour, on y arrive avec une voix fausse, à la tromperie, mais aussi avec une voix juste, mais aussi avec ses défauts, on y arrive avec la folie, avec ses murs, ses griffes, on y arrive toujours parce que, bien entendu, ça ne s’apprend pas, se baigner, se baigner dans le fleuve où l’on ne se baigne pas deux fois, « Je dis souvent : On ne se baigne jamais deux fois dans la même personne », dit le chercheur en neurobiologie Alain Prochiantz, d’où l’intérêt d’un stage, d’où l’intérêt d’un cours, un temps pour ne rien comprendre, pour ne rien faire, oui, c’est ça : un temps pour ne rien faire, on peut y arriver en en faisant beaucoup, et laisser faire l’accumulation des temps, des processus, on peut y parvenir en parcourant Shakespeare ou Tchekhov ou Dante, de préférence dans les langues originelles, ou en chantant Carmen ou en dansant Giselle : ce sera, toujours, toujours, toujours, moi, je vous le dis, moi, ce sera toujours ne rien faire. C’est ce que je vous dis. Le monde a tellement besoin d’interprètes pour ne rien faire. Laisser parler le monde, oui, il a besoin de se connaître. Dans mes spectacles, je n’ai jamais fait travailler personne, jamais, c’est impossible. J’ai mis en scène ce mystère : des hommes et des femmes se donnent, s’oublient, ne savent pas comment ils font, jouent car ça leur est naturel, joue leur beauté, leur secret, l’inconnu secret dont ils ne partagent que le talent, le sourire.

Et puis, évidemment, c’est dans un café, alors ça en passera forcément par la parole, emplissez-vous de tout ce que vous pouvez aimer comme littérature. La littérature, c’est la conversation, c’est le badinage, emplissez-vous comme si vous pouviez parler, bavarder, badiner, oui, même les choses les plus difficiles, n’ayez pas peur des choses les plus difficiles, en fait, elles aident — et la vie est courte, vous savez, croyez-en l’expérience d’un vieux sage, la vie est merveilleusement courte, c’est toujours le dernier jour, c’est toujours le premier jour, c’est toujours la liberté, c’est notre liberté — le présent. 



Cours jusqu'en décembre, tous les lundi et mardi à partir du 19 et 20 septembre, d’abord de 18h à 21h, l’horaire évoluant au fil de la saison de manière à jouer tout le temps en lumière naturelle extérieure déclinante — au café associatif Pas si loin situé près du périphérique (porte de la Villette) au 1, rue Berthier, à Pantin. Prix : 5 € plus l'adhésion, 5 aussi

Labels: