Thursday, March 16, 2023


Soirée délicieuse chez Orélie. Elle habite avec son mari chinois et ses enfants métisses une ancienne usine d’horlogerie au Locle (petite ville du Jura classée, avec La Chaux-de-Fonds, au patrimoine mondial de l’UNESCO pour son « urbanisme horloger »). Temps de mars pendant le train qui monte, arc-en-ciel, puis, finalement, la neige à travers la fenêtre noire. Écoute si personnelle, attentive. Et puis j’y ai rencontré un poète, Mauro Placì, je viens d’acheter ce matin sa plaquette (au prix d’une place d’opéra). Il est également prof au « gymnase » (ce qui ne veut pas dire de sport). Il accompagne les ados qui veulent publier. Mon Dieu, comme il doit susciter de vocations ! Beau comme il est ! En plus ! Moi-même, je retournerais bien à l’école… Après la performance, table transformée en dîner, je n’osais même pas le regarder, prenant note de tout ce qu’il me disait, faut dire, le virtuose, heureusement penché sur mon carnet très bas (j’ai cassé mes lunettes en arrivant en Suisse). Oui, c’est décidé, si je n’ai plus de travail, je reprends mes études ! Il me dit : « Ce que les étudiants ont à apprendre au contact de la poésie, c’est que les mots suffisent. C’est de faire confiance à la FULGURANCE ». Et il ajoute : « La poésie est une chose sérieuse, mais il ne faut cesser d’affirmer que c’est une chose inutile, rappeler cette dérision qui est vitale, en fait, au milieu de tout cet utilitarisme » (je bois du petit lait). Il me rappelle l’histoire célèbre d’Yvain (le chevalier au lion) répondant au paysan : 

« Je sui, fet il, uns chevaliers
Qui quier ce que trover ne puis »

QUI CHERCHE CE QUE JE NE PEUX TROUVER

Et, en deuxième réponse, puisque l’autre lui demande encore ce qu’il voudrait bien trouver : 

« L’AVENTURE » 

(Ce qu’on ne peut chercher, précise le prof, puisque c’est ce qui ADVIENT.) 

Ce soir et demain, à 20h, je joue au théâtre avec Yan Walther et Christian Pralong — et les soirées « poétiques » reprennent vendredi. Il suffit d’un salon ou d’une salle et de pouvoir réunir quelques amis pour que l’artiste (bibi) se déplace à domicile et fasse de son mieux (contre presque rien, un peu de bulles, champagne ou prosecco…)

Labels: ,

T out un roman en dix lignes


« C'est ma vieille ville natale et j'y suis revenu. Je suis un bourgeois aisé, je possède dans la vieille ville une maison qui a vue sur le fleuve. C'est une vieille maison à deux étages avec deux grandes cours. J'ai une entreprise de charronnage et, dans ces deux cours, on scie et on tape toute la journée. Mais dans mes appartements, sur le devant de la maison, on n'entend rien de tout cela, un profond silence règne, et la petite place qui borde la maison et qui, fermée de tous côtés, ne s'ouvre que vers le fleuve, cette petite place est toujours vide. Les pièces que j'habite, de grandes pièces parquetées un peu obscurcies par des rideaux, sont meublées avec de vieux meubles; enveloppé dans une robe de chambre ouatée, j'aime bien aller et venir entre eux. »


Labels: