Monday, June 06, 2022

Oh, merci de ton mot, Silvia ! C’est très gentil de dire que les choses importantes, pour toi, sont Hotel Palace et la Rose de Balzac. Oui, pour moi aussi, ces deux spectacles (que j’ai absolument l’impression d’avoir co-réalisés avec toi) sont parmi les plus importants, les plus frais, libres et encore les plus vivants de tout ce que j’ai fait. Merci ! J’adorerais un Hotel Palace 2 — est-ce que l’hôtel est encore dans son jus ? 

Comme j’ai aimé Bologne en ta compagnie élargie ! Hier, un ami qui retape une maison près de Catane m’a dit qu’il était très copain avec ses voisins qui venaient de Bologne (des sortes de néo-hippies) — Tout un tas de souvenirs sont remontés… Ville de civilisation et de douceur… 

Mais tu m’apprends aussi des choses terribles. C’est affreux, Salomé, de quoi est-elle morte et quand ? Je n’ai pas su...

Teresa, je ne me souviens plus exactement. Est-ce la mère de Vittoria et de son frère (dont je ne retrouve pas le nom) ? 

Mon blog est un peu délaissé, en fait, si, comme ma mémoire. Je le regrette, mais j’interviens plus instantanément sur IG maintenant. 

Je n’ai plus trop de travail depuis quelques années (en tout cas moins qu’avant) et, depuis le 4 février, plus du tout. Comme je ne peux répondre qu’à des commandes (je ne sais pas aller vers les programmateurs en disant : J’ai un projet, il faut le faire), il se peut, ça fait partie du deal, que ça se tarisse… Il y a presque vingt ans (en 2003) qu’on m’a proposé de faire mon premier spectacle (En attendant Genod) et cela m’a ouvert une énorme liberté, mais je me souviens d'avoir immédiatement pensé : « Si on ne me l’avait pas proposé, je n’aurais sans doute jamais rien fait ». Je serais resté interprète… Mais je viens de faire une très, très belle pièce au Carreau du Temple (une halle immense au centre de Paris) avec plus de cent personnes… C’était pendant la période où nous avions le droit de répéter, mais pas de représenter, eh bien, nous avons transformé les répétitions en représentations, ça a été très fort. Nous avons rejouée cette pièce devant un public officiel le 30 janvier dernier — en même temps que je donnais deux autres spectacles à Neuchâtel en Suisse. Puis ça s’est arrêté. Pour te dire, donc, que ton mot m’arrive comme une force — et, encore une fois, une gentillesse —… Marie-Thérèse est morte dans son sommeil, mais elle aura été sur le pont jusqu’au bout. Nous avions un projet pour l’an prochain et aussi, je voulais faire quelque chose vite (est-ce que je pressentais sa mort ? tout le monde y pensait et elle aussi) ce moins de juin, maintenant, un événement, une fête… Je vais essayer d’aller en Sicile au moins de juillet. J’ai entendu dire qu’il y aurait un stage avec Krystian Lupa (mais je n’en sais pas plus) et il y a cet ami qui retape sa maison dans les vignes — peut-être j’irai en train, peut-être en m’arrêtant dans plusieurs villes… Toi aussi, bien sûr, si tu passes par Paris, fais signe, hein ? 

Lot’s of love, 

Yves-Noël 


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C'est vraiment miraculeux, ton spectacle ! Une chance de le voir deux fois : j'apprends. Tu joues avec les spectres, c'est beau ! Des acteurs, il faut le dire, extraordinaires. Et cette construction magnifique, un jeu de simplifications et de complexifications — très impressionnant comme ça va son chemin dans cette rigueur, cette concentration : la force tranquille (de Mitterrand !) Et d'ailleurs je voulais acheter le livre dans le hall, mais je ne suis pas le seul, il n'y en a plus depuis hier, m'a dit le vendeur !  Bises, Yves-No


Yves-Noël, ton message me touche énormément. Je découvre qu'il y a encore une poignée d'irréductibles sensibles au non-clair, à la puissance retenue, à l'attente sans effets, à cette grâce étrange des acteurs. Le mystère du théâtre est aujourd'hui si peu au théâtre. Je râle, pardon. Mais je me réjouis aussi de partager avec toi cette rareté du regard et de l'écoute qui échappe au sociologique et à l'envie de passer pour quelqu'un de bien. Bref. J'aime ton regard sur le monde et ta façon d'en parler, alors tes mots me font du bien. On t'attend à l'école à la rentrée. Tu vas les adorer. Je t'embrasse. A bientôt. 


Chouette ! — Oui, c'est vrai, tu t'occupes du mystère et c'est pour moi très impressionnant. Chapeau bas !

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Oh ! ça me fait plaisir que la parution soit encore d’actualité. Je pensais que vous y aviez renoncé — puisque aussi l’expo est passée depuis belle lurette. Ça m’amuse de lire mon texte en anglais ! Je ne connais pas assez l’anglais pour repérer des erreurs (je me suis reconnu, en tout cas). Je vous avais demandé de pouvoir retoucher encore la version française avant l’impression, mais puisque la traduction vous est tardivement parvenue (et sans doute pas si facile d’y revenir), laissons comme ça (on peut toujours améliorer les choses, mais, bon…)

Je t’embrasse, cher Jules !

Yves-Noël




The True Paradises Are the Paradises We Have Lost

Yves-Noël Genod


“Marcel Proust, un roman parisien”

Musée Carnavalet – Histoire de Paris

December 16–April 10, 2022


Paris swarms with magnificent exhibitions. This has not always been the case, but right now, it is. When Jules (I say his name only for the pleasure of the word) asked me to go and see, for May Revue, the one hundred and fiftieth anniversary show commemorating the birth of Proust, I immediately said yes. I love Proust more than anything. He’s my favorite. I created a show about him at the Bouffes du Nord theater in February 2017, La Recherche. What I would like to re-do more than anything else, is this very luxurious show—luxury, it is gift and prodigality—which, having already given me so much, continues to give, like the eternal return of the most beautiful dream, like the infinite pleasure of being in contact with the unlimited delicateness of an infinite work. The Musée Carnavalet is simply the doll’s house version of the life-size museum that is Paris, so, fittingly, the exhibition was, at this (doll’s) scale, kitschy and full of a garage sale’s worth of relics and memories (among which there were nevertheless very beautiful pieces like one of Monet’s masterpieces, Le Pont de L’Europe, Gare Saint-Lazare, usually found in the Musée Marmottan, two sublime photographs by Jacques Henri Lartigue, some drawings by Picasso, a folding screen by Bonnard, etc.). “Visitor friendly,” I thought to myself as I walked into an exhibition more about Paris than about Proust, more for tourists in Paris (the kind of tourists we are all, all the time) than for readers of Proust (that we are, more in secret). His local haunts, the restaurants, the evolution of the Bois de Boulogne, as well as the imaginary addresses in the novel. Little erudition (we are not at the BNF) but instead a superficiality of dreaming, a fog of evocations, perhaps a bit like the cloud of anti-asthmatic powder (Legras powder) that, Jean Cocteau hilariously once recounted, covered Proust’s apartment and his bedroom, which was carpeted in thick cork (a piece of which was displayed on a wall, a blackened relic). All “Paris 1900” clutter, a hodgepodge that could almost be reused for Louis-Ferdinand Céline, the other encyclopedic writer. Fragments of animated images, too, were very moving (because they evoke death). A couple of young obese girls with bows in their hair play in the Champs-Elysées gardens. A photo of Misia Edwards lounging on her yacht anchored at pont neuf. Some interviews as well, taken from a 1962 documentary that is available on YouTube, Marcel Proust: Portrait Souvenir; for example, the interview with “Madame André Maurois,”—in front of which many visitors were gathered—who, strikingly resembles Jeanne Moreau, and who declares that the character “Mademoiselle de Saint-Loup” was based on her. Late one evening Proust, without even knowing her at the time, she being thirteen years old, had wanted to see her, and she was taken out of bed and dressed. She was furious, but “Marcel Proust was a man of bewitching charm” (we believe her). And there was the coat. The p’lisse that Paul Morand speaks of (eliding the ‘e’) in the same documentary, Portrait Souvenir, the one he mentions has “an old, worn-out, otter fur collar”—well, that pelisse was here, near the bars of the bed frame, sublime and heavy, with all its Bakelite buttons intact and worn out at the collar, worn out since forever, according to Paul Morand, perhaps moth-eaten, as though overprotecting his crowning glory from the body now departed. When I put on my show at the Bouffes du Nord, a radio presenter had confessed to me, a bit sheepishly, before a promotional interview, that he hadn’t seen the show but that he was going to pretend that he had. With the knowledge of this lie giving me a certain advantage, I started to make up my story when, all of a sudden, the journalist, referring to an image of the play, says completely naturally, “But, you are not at all dressed like Proust!” I was dressed in a red Balenciaga pyjama set that was too small, with very tall silver high-heels (I was “queer,” as one might say now). I immediately answered, “Ah, sorry, of course! But I entered the stage dressed in Proust’s real coat and, as you might have noticed, I take it off for only a very short time during the show; the coat is of course Proust’s pelisse wonderfully conserved at the Musée Carnavalet, who were kind enough to lend it to me for the show and I thank them very much for that.” Something like that. It was live. There was no objection. No one dared to say I was lying. At the time, I hadn’t yet seen this mythical coat (I discovered it for the first time today), but some of my wonderful friends, Vincent Darré and Elie Top, not to name drop, had lent me a coat that was, it must be said, rather similar, superb, very heavy, a good luck charm, Proustian as hell. They are the people I should truly thank here (apologizing also for holding onto this lucky, talisman coat in the hope that the show will be put on again one day). End of the anecdote. Curiously, I found the exhibition packed at the start, rubbing elbows without seeing anything, on that icy late December morning, and then less and less full as I continued, as though the crowds, with a macabre momentum, had vanished between two rooms, or, more accurately, tired from too many details, had progressively sped up toward the exit. Question: Had everyone here read Proust? Not so sure, I thought to myself. Personally, an exhibition about Balzac, of whom, alas, I have unfortunately read so little, would really interest me. Borges says somewhere that, even more than an oeuvre, what a writer gives to the world, or leaves behind, is an image. Proust’s image floats in the air like the most beautiful of our ghosts. A ghost that was already, without a doubt, present during his lifetime while he was busy writing. “We had the impression that he was a sculpture in the Musée Grévin,” Paul Morand says in the documentary.


Translation from French Aodhan Madden

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