Un compte rendu remarquable de la « générale » de samedi, mais je ne sais pas de qui (signé F.) (mais, si, maintenant, je sais : Florence Toussaint) (mais elle ne voulait peut-être pas que ce soit dit)
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Un compte rendu remarquable de la « générale » de samedi, mais je ne sais pas de qui (signé F.) (mais, si, maintenant, je sais : Florence Toussaint) (mais elle ne voulait peut-être pas que ce soit dit)
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posted by Marie-Noëlle Genod, le dispariteur at 3:03 PM 0 comments
Je n’ai aucune fausse modestie — pourquoi en aurais-je ? je parle en spectateur. Le spectacle que nous avons inventé ce dimanche 31 janvier 2021 avec plus d’une centaine de participants dansant et plus d’une centaine de participants regardant est sans doute le plus beau de ma vie. L’un des plus beaux ? oui... mais je ne me souviens pas de m’être comparé comme hier — en pleine représentation ! — aux plus beaux spectacles que j’ai jamais vus de ma vie, c'est-à-dire, dans mon enfance, ceux de Pina Bausch et de Klaus Michael Grüber. Simplement, l’image des enfants : un spectacle où l’on peut laisser les enfants — on les y invite même — jouer en liberté, faire absolument ce qu’ils veulent sans indications, sans limitation de nombre parce qu'ils sont l’image de la justesse du spectacle, celle qu’on veut transmettre : « Laissez venir à moi les petits enfants et ne les empêchez point car le Royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent » (Jésus, selon Matthieu) ; « Le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté » (Baudelaire) ; « changer la vie » (Rimbaud adolescent) ; leur bande-son permanente comme des oiseaux… dans le silence et l’immobilité finale, solennelle, sacrée, j’en ai entendu un qui disait : « Il est quelle heure ? » et j’en ai vu un autre lui montrer son poignet… Là, je l’avoue, pendant cette représentation, j’ai pensé que je n’avais jamais vu ça, j’ai même pensé orgueilleusement que Pina Bausch ne l’avait pas fait, elle qui a tout inventé du répertoire où je n'ai eu, moi, qu'à puiser (j’allais voir tous les spectacles tous les soirs) — et pourtant elle l’aurait signé. Fellini aussi l'aurait signé, Pasolini aussi. (C’est un exemple.) C'est aussi la manière de regarder un spectacle qui est changé. Il faudrait développer. L'indifférence — et l'amitié qui va avec — des « interprètes » envers les « spectateurs », des dansants avec les regardants. Tout ce qui apparaît et tout ce qui est caché, recouvert par ce qui apparaît. La vie, multiple et phénoménale. Vraiment, ça se rapproche de choses que je vois en rêve (je rêve beaucoup de spectacles quand je n'en réalise pas), on appelle ça l'imagination onirique. Mais ce qui fait la réussite de celui-ci (dans le sens absolu de la beauté), c’est qu’il est réel. Les plus beaux spectacles ont toujours un rapport violent, subjuguant, confondant avec le réel, que ce soit même dans les rêves. Il y a mille manières, mais celle-ci est la mienne. On croit qu’on est des amuseurs. Non. ON EST DES AMUSEURS. Le réel participe, s’il le veut bien. Le contexte passablement lourd, mais — vous ne remarquez pas ? — joyeux aussi, comme un personnage de lumière, un père Noël solaire. Lumière réelle, pluvieuse et abritée, mouvante doucement. Espace accueillant — merci à l’équipe du Carreau du Temple avec laquelle(elle et moi) nous nous sommes entraînés mutuellement à réaliser l'impossible. Immense volume d’air bienveillant (ce qui fait qu’il y a eu beaucoup moins de risque d’y vivre que, sans doute, d’aller faire ses courses à la supérette). Accueil infini de qui veut, de qui prend du plaisir à être là, ce qui mène à la constitution d'une troupe organique idéale : les plus vivants, sans jamais rejeter la moindre personne, sans trier, mais ceux à qui ça fait le plus de bien, la nécessité. « Presque tout le monde ». Une amie m’a fait remarquer que ce bout de phrase prononcée à un moment dans la pièce aurait fait le titre de cette représentation. Rencontres infinies ; « Réunion des scènes infinie » (Rimbaud). Une méthode que je connais bien, mais, là, de manière comme qui dirait industrielle, à grande échelle. Fierté aussi d’avoir fini par réunir sept solistes aussi puissants que disparates, sans rapport de style, de danse, de présence, de personne : Janice Bieleu, Bruno Cezario, Maeva Lasserre, Lucille Mansas, Baptiste Ménard, Frank Willens, Wrestler, sorte de troupe d'un autre spectacle enserré dans le grand. Leurs différences permettant d’exacerber encore l’idiosyncrasie de tant d’autres dont la liste est à la centaine. Leurs virtuosités permettant d'entrer dans l'utopie, le petit communique avec le grand (il m'est de temps en temps arrivé le rêve que je remplaçasse Noureev à l'opéra). Merci aux gens venus de Nantes ! merci aux gens venus de loin ! merci aux gens venus de près ! merci au gens de l’Ecole du Jeu (beauté d’une nouvelle génération d’acteurs) ! On espère jouer pour le grand public, on a cette date de report (le premier jour du printemps) qui sera peut-être reportée encore, mais, en fait, on l’a senti, on pourrait jouer toute une série de dates ; avec ce qui s’est passé, je garantis que ce serait plein tous les jours. Merci enfin au public professionnel (donc) et amical qui était là : je sais que chacun pourra fièrement penser : « J’y étais ». Fierté de tout, fierté sans ambages : la vraie vie — peu importe les interdits et les obligations d'une société plus ou moins malade...
Portez-vous bien !
Yves-Noël
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posted by Marie-Noëlle Genod, le dispariteur at 8:29 AM 0 comments
« Élévation
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
— Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes ! » (Charles Baudelaire)
« Au lieu de chercher ce que vous n'avez pas, trouvez ce que vous n'avez jamais perdu. » (Nisargadatta, JE SUIS)
« On dirait parfois
que nous sommes au centre de la fête.
Cependant
au centre de la fête il n’y a personne.
Au centre de la fête c’est le vide
Mais au centre du vide il y a une autre fête. » (Roberto Juarroz Douzième poésie verticale)
« Il est parfaitement concevable que la splendeur de la vie se tienne prête à côté de chaque être et toujours dans sa plénitude, mais qu'elle soit voilée, enfouie dans les profondeurs, invisible, lointaine. Elle est pourtant là, ni hostile ni malveillante, ni sourde ; qu'on l'invoque par le mot juste, par son nom juste, et elle vient. C'est là l'essence de la magie qui ne crée pas, mais invoque. » (Franz Kafka, Journal)
Sur Delon :
« Sa richesse vient du fait qu’il est multiple et que tous les personnages qui cohabitent en lui s’entendent mal entre eux, d’où des abrupts sanglants, des passages imprévisibles de la colère à la tendresse. » (Je ne sais plus qui)
« Ne rien céder sur la joie » (Idem)
« Étonné », l’histoire de Marcus
L’histoire des gants rouges offerts par le technicien de surface
L'histoire de Rosa Luxembourg et du transpécisme...
La liberté des esclaves, des dominés, de ceux, comme c’est montré dans la série Lupin qu’on ne voit pas, qui échappent à la lutte pour le pouvoir qui est la vraie prison à l’échelle humaine… En tout cas, moi, poète, je le vois comme ça ; peut-être que d’autres sont comme des poissons dans l’eau avec cette lutte pour le pouvoir, probablement, sinon ils ne pourraient pas, mais quelle pitié…
« Mais comment faites-vous pour voyager autant ?
— Mentalement ?
— Oui.
— Parce que je pense que je suis simultanée. C’est-à-dire, si vous voulez, je me passe, je me passe, en même temps, aujourd’hui, très précisément, le 4 janvier 2020, mais, peut-être aussi en 2020 avant Jésus-Christ, mais, en même temps, dans les années trente et, pendant que je vous parle, je sais que nous avons été et j’y ai été en 38, 39, 40 — ou en 1985 — et pourquoi pas au temps qui m’est si familier où on brûlait les sorcières à Osnabrück, alors, par exemple, en 1561, où je peux dire à ma mère : Est-ce que tu te souviens de Frau Skiper [?], elle me dit : Qui ? la couturière ? — ma mère pense que c’est la couturière de 1927 —, je dis : Non, celle qui a été brûlée en 1561. Voilà. Bon, pour moi, c’est du simultané permanent et tout à fait vivant. D’ailleurs, vous savez, ce que je dis là, c’est une banalité, parce qu’en rêve on est toujours dans des superpositions de temps, d’espaces, d’êtres, de soi-même.
— Donc vous êtes une rêveuse éveillée ?
— Oh, oui. D’ailleurs je voudrais pas que ce soit trop parce que parfois je trouve que c’est trop. Mais, oui. »
« un écrivain qui s’auto-observait et qui essayait de comprendre à quel point tout était équidistant dans son percept pour parler comme Gilles Deleuze, aussi bien la miette de pain sur la moquette que le bruit que fait un avion dans le ciel quand on marche dans une campagne et on est complètement seul — ou une conversation derrière la porte quand on descend un escalier, etc. »
« La fonction de la poésie est de nourrir l’esprit de l’homme en l’abouchant au cosmos. Il suffit d’abaisser notre prétention à dominer la nature et d’élever notre prétention à en faire physiquement partie, pour que la réconciliation ait lieu. Quand l’homme sera fier d’être non seulement le lieu où s’élaborent les idées et les sentiments, mais aussi bien le nœud où ils se détruisent et se confondent, il sera prêt alors d’être sauvé. L’espoir est donc dans une poésie par laquelle le monde envahisse à ce point l’esprit de l’homme qu’il en perde à peu près la parole, puis réinvente un jargon. Les poètes n’ont aucunement à s’occuper de leurs relations humaines, mais à s’enfoncer dans le trente-sixième dessous. La société, d’ailleurs, se charge bien de les y mettre, et l’amour des choses les y maintient ; ils sont les ambassadeurs du monde muet. Comme tels, ils balbutient, ils murmurent, ils s’enfoncent dans la nuit du logos, — jusqu’à ce qu’enfin ils se retrouvent au niveau des RACINES où se confondent les choses et les formulations. […] Voilà pourquoi, malgré qu’on en ait, la poésie a beaucoup plus d’importance qu’aucun autre art, qu’aucune autre science. Voilà aussi pourquoi la véritable poésie n’a rien à voir avec ce qu’on trouve actuellement dans les collections poétiques. Elle est ce qui ne se donne pas pour poésie. » (Francis Ponge, Le Grand Recueil)
Ca nous a aidé, le COVID, à ne pas nous mettre à la colle, les humains avec les humains — non, ce qui est intéressant, c’est les humains avec les non humains, avec le non humain…
C’est pas des histoires humaines jamais jamais jamais, il ne faut pas que ces histoires (humaines) soient du roman ou du cinéma, mais de la poésie, et, si elles sont de la poésie, ça veut dire qu’elles ne sont pas coupées de l’espace, pas coupées du milieu vivant
« écrire avec les oiseaux à l’oreille, en vue, à l’esprit, faire prendre l’air à sa conscience » (a dit un poète dont j’aurais dû noter le nom)
« Il y a une cache de douceur au fond du langage – c’est notre seule raison de parler. »
« Le poète est soucieux de suivre la bête douceur jusqu’à son territoire sous les signes, jusqu’à son nid dans les visages, jusqu’à l’endroit secret où la bête sait qu’il faut qu’elle se cache et où elle attend pourtant d’être débusquée. Où toute sa patience est attente, et elle respire exprès trop fort de crainte de passer inaperçue. / On ne parle que sur la piste de la douceur : on parle & parle pour trouver, à la fin, le cœur pulpeux du langage – on peut l’appeler la gourde de la figue – certains l’ont fait – mais c’est cette chose qu’on cherche : ce lieu amène, cette volubilité de paroles qui fait que les bouches s’ouvrent pour tout & rien dans un désordre fraternel. Les façons de le dire sont légion. Il y a un bourdonnement candide d’insectes au fond du langage, et cela est une sorte de solution » (Stéphane Bouquet, La Cité de paroles).
La vraie prison pour l’humanité, c’est la course pour le pouvoir
Steenbok :
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posted by Marie-Noëlle Genod, le dispariteur at 5:49 AM 0 comments
Merci pour ton film ! C’est réellement un immense honneur pour moi d’en faire partie ! Ton film est somptueux, d’une lumière si délicate, si romanesque (je lis Madame Bovary, en ce moment), un casting comme rapide et incroyablement crédible. Franchement, je ne sais pas comment se fait cette justesse. Rien n’est lourd, tout est « de passage », c’est très, très fin… Je l’ai regardé ce matin à huit heures avec une amie qui est plus forte que moi en psychologie et en compréhension de qui est qui (mais ce n’était pas compliqué, j’ai tout compris en arrêtant de temps en temps pour faire le point, avantage de l’avoir à domicile, elle et le film. Moi, je me suis fait rire (donc ça me va) : je me suis trouvé tellement mauvais que ça m’a fait rire (et je n’abîme pas le film, c’est l’essentiel). Une autre chose m’a fait rire, c’est l’air ahuri que tu te trimballes, étonné de ce qui arrive alors que c’est toi qui a écris le scénario… Le choix de Laura Smet est tellement beau ! (mais tous, bien sûr). Quelle dommage que cette garce de Dominique n’ait pas accepté elle aussi d’en faire partie, j’aurais adoré qu’on s’y retrouve tous les deux… Merci infiniment, en tout cas, j’ai l’impression que je vais maintenant, grâce à ton film, commencer à comprendre le cinéma, sa subtilité, sa magie, son jeu des images qui montrent en cachant…
C’est un peu un retour « à chaud », mais ça va me rester !
YN
Merci. Tu dis tout et exactement. Ce que je voulais faire sans toujours le savoir.
A vite, avec Dominique ou non. Si on l’attend, ce sera dans 2 ans.
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posted by Marie-Noëlle Genod, le dispariteur at 5:19 AM 0 comments
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