L’Afrique recouvre de l’eau
J’étais moi dans cet hôtel.
Je dormais bien. Je rêvais. Des cauchemars. Je me réveillais bien, tôt, le soleil en face parce que j’avais oublié de descendre le volet. Je me rendormais. Après déjeuner, une sieste. J’étais seul.
A l’aéroport, Marlène avait eu le mot qui m’avait fait rire : « Ah, mais c’était le spectacle des baisés d’la touffe ! »
A l’aéroport. Le bilan. Les bilans, tous les jours, toutes les heures, avec cette troupe, quoi penser, mais, là, disons, le bilan « provisoire ». C’est-à-dire final. La morale de l’histoire. Quoi penser d’un tel ou d’un tel. On ne va pas se revoir. De si tôt.
C’est mieux, quoi.
Comme si Holande était élu, ce serait mieux aussi.
Pour Silvia.
Moi, je m’en fiche un peu de tout ça. Je vote contre Sarkozy. Vouloir à ce point le pouvoir, ça ne me donne pas envie de le lui donner, s’il l’aura, ce sera sans moi.
Je fais exprès une faute car j’ai parlé tout à l’heure au déjeuner avec Jean Pierre Ceton, on a remarqué à quel point Marguerite Duras faisait des fautes de syntaxe, de grammaire, etc., qu’elle avait vraiment osées, c’est vrai…
Donc je voulais parler de la famille, de tous ces gens qui ont participé. Il y avait les quatre « stars », Marlène, Jonathan, Kate et Thomas qui avaient pour mission de se faire remarquer (Thomas a failli faire tapisserie jusqu’au bout, il ne voulait rien foutre, mais s’est rattrapé in extremis avec le public, surtout le premier soir). Et puis il y avait Dominique Uber qui exécutait une partition mystérieuse et claire, visible, invisible, au rythme de la paupière, d’apparitions intimes, précises et non spectaculaires, qu’on surprenait comme à travers une fenêtre, et qui était venue avec son mari, Marc Pilpoul, délicieux avocat d’affaire, qui, lui, avait choisi, pour ses débuts, de réciter du Virginie Despentes (King Kong Théorie) affalé dans l’ascenseur bloqué une rose à la main (lui aussi voterait-il Hollande ?)
Dans les gens qui étaient venus spécialement, répondant à mon invitation, il y avait bien sûr Philippe Frydman, le mécène, qui est resté toute la semaine et dont j’ai déjà parlé (pas ce soir, sorry, Philippe...), il y avait Kataline Patkaï en première classe Air France au frais du mécène (qui a aussi acheté la moitié du costume Armani de Thomas, les fleurs de Kate, le champagne pour tous les jours (sauf le dernier soir, « champagne italien »), des chaussures, corsages et je ne sais quoi à Kataline et qui voulait aussi offrir un cadeau à Jonathan, mais il a refusé), il y avait Jean Pierre Ceton, débarqué très tôt par l’easyJet que Dominique Issermann n’avait pas voulu prendre, mais, qui, lui, n’a pas joué.
C’était très décadent, ce que nous avons présenté, très italien, très Dolce Vita. Tout le monde, il est là, tout le monde, il est une fête. Et puis il y avait qqch de sexuel, le fait de ne devoir choquer personne rendait un son sexuel, un débordement contenu, catholique (d’ailleurs, la scène de nuit déjà décrite). C’est Arfedele, le psychiatre qui ressemble à Freud, figure paternelle qui a fait l’unanimité parmi la troupe très exigeante, un sans faute, qui en a le mieux parlé. En me disant au-revoir, il a pris le temps de me dire pourquoi il avait apprécié la semaine passée ensemble, moi, dans mon insouciance, lui de la hauteur de ses livres, de l’immense amour pour ses enfants et de sa compréhension du genre humain. Ce qu’il a trouvé remarquable, au moment de me saluer, c’est que l’imaginaire, cet autisme, a eu une place comme réelle. Adelaide me reprécisera si je me trompe. Je crois que c’est ce qu’il a dit. En effet, il y a un thème qui est apparu très clairement surtout le dernier soir, c’est l’autisme, l’autisme comme une place réelle et réellement libre. C’est très compliqué. Mais on a frôlé qqch, là.
« Un lieu où la folie est possible », comme dit Leslie Kaplan.
C’était très étrange à diriger, ce spectacle. Tricky. Délicat. On ne peut être que là et laisser faire. Plus d’esthétique. Impossible de rien diriger, que voulez-vous ? Aucune protection, le monde. Pas de laboratoire – malgré les apparences du refermement de la présence du public. Impossible même, parfois (le deuxième soir), de regarder bien. Impossible de voir. Brouillage des limites. De la vue et de la mort.
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