R esteZ vivant
Vous allez m’aider à faire ce
spectacle, n’est-ce pas, chers spectateurs ? « Chers auditeurs »,
sans doute, devrais-je dire pour ce spectacle si particulier où l’œil ne sera
que si peu sollicité. C’est étrange, cette expérience, c’est la première fois
que j’aborde un travail de répétition dans un état physique qui me projette
dans une autre vie, une autre dimension, un autre être. On m’a fait un lit au
théâtre, un matelas que je traîne d’un endroit à l’autre pour ne pas déranger
les ouvriers musculeux qui montent les projos (car il faut toujours donner du
travail aux ouvriers, même pour un spectacle dans le noir). J’écoute le discours
de réception du Nobel Prize de Patrick Modiano, si émouvant, lui, l’handicapé
magnifique, où il dit : « Oui, le lecteur en sait plus long sur un
livre que son auteur lui-même… » J’ai hâte que vous veniez et découvriez à
ma place ce spectacle paradoxal. (Si je vois qu’on est en avance, j’ouvrirai
avant samedi.) Il dit aussi : « Mais pour qu’il existe un tel accord
entre l’auteur et son lecteur, il est nécessaire que le romancier ne force
jamais son lecteur (au sens où l’on dit d’un chanteur qu’il force sa voix) mais
l’entraîne imperceptiblement et lui laisse une marge suffisante pour que le
livre l’imprègne peu à peu et cela par un art qui ressemble à l’acupuncture où
il suffit de piquer l’aiguille à un endroit très précis et le flux se propage
dans le système nerveux… » Je vais avoir beaucoup besoin de vous au Rond-Point !
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