L a Région
Une région sublime où je ne vais pas souvent parce qu'elle tient sa beauté justement du fait qu'on n'a pas envie d'y venir. Une sorte de désert sublime, des cols, des vallées, des routes — surtout à l'heure du déjeuner — où il n'y a personne ; une région inchangée du dix-neuvième siècle par exemple, du temps des voyages de Stendhal, de Flaubert, de Rimbaud, etc., de Gérard de Nerval, avant le tourisme, après le romantisme, Lamartine, tout ça : j'aime écrire, j'aime convoquer les saints et les prophètes du dix-neuvième siècle (ensuite, il ne s'est rien passé) : la nature est toujours présente, plus présente, ici, que les hommes, c'est une nature qui ressemble à la mort, oui, voilà, c'est un balcon sur la mort, cette région magnifique... Il y a des motifs merveilleux, juste avant l’homme, avant Dieu, tout ça, juste les fabuleux motifs de la nature au repos, de la mort, nuages, ciel, pluie, roche, chutes, cols, cascades, arbres verts même en automne (il pleut tard), oiseaux comme silencieux d'une éclipse, faons, animaux fragiles et calmes, salamandres, un grand tombeau, mais si large, si peu peuplé, ce que l'on appelle la nature et que, moi, j'appelle la mort. Villages aux noms romains.