C ombien pour ce chien (dans la vitrine)
Il y aurait match pendant l’orage. Ça allait être très chaud. Je conseillais à Legrand de retourner au café de la Gare. Il faut battre le fer quand il est chaud. J’avais laissé ma veste à Legrand, il allait me la réparer. Il aimait coudre. Ça le calmait. J’avais grossi. Legrand me lisait une histoire de Jean-Jacques Rousseau où une jeune fille était grosse. Ça voulait dire qu’elle était enceinte. Le café de la Gare n’était pas à un endroit où il y avait une gare, peut-être dans le temps. Non, le café de la Gare semblait comme téléporté, transplanté. De province à ici. Beaucoup de charme. Un rond-point. Un sale rond-point avec des rosiers avec des adventices qui les recouvraient, les étouffaient, je m’étais approchée, j’avais traversé. J’avais dansé, j’étais en forme subitement. J’étais folle. Le petit Argentin m’avait appris un rythme espagnol. C’est quand j’avais renoncé à comprendre que j’avais compris. Il y avait une terrasse vide en bois, on avait tapé des talons jusqu’à plus soif, les autres s’étaient plaints, ça leur cassait les oreilles, mais le petit Argentin s’y connaissait à casser les oreilles (il hurlait) et, moi, à ce moment-là, j’étais en forme. J’aimais l’Espagne, j’aurais voulu chanter, du flamenco ou du fado… Je sais, c’est pas l’Espagne (le fado). Quand on était arrivés, un petit groupe d’une chanteuse en rose et d’un musicien baraqué (il s’était approché à la fin) tenait le bar presque vide. Une jeune femme avait des fleurs sur la table et pleurait. C’était cette femme que Legrand voulait revoir. La situation était romanesque. Elle avait dit à un moment : « Non, je suis triste et joyeuse, mais je veux boire un verre de plus ». Elle avait l’air de ne pas avoir de jupe, juste une veste — et les fleurs qu’on lui avait offertes dans la vie. Au café de la gare imaginaire...