Sunday, May 31, 2009

une brouette de terre
pour Marlène

ou se rhabiller
tout de suite

retour assis vers le
même repos

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"La lumière est un lion qui descend boire" (note de la dernière semaine)

Bonjour,

Je vous envoie (qui suit) un nouveau mailing que vous pouvez dispatcher à ceux qui dans vos listes ne sont pas encore venus. Ça, c'est pour faire venir des gens (pas pour le 2, "complet", mais, les autres jours, il le faut encore, surtout le 5...) (Si quelqu'un peut s'occuper d'en faire un événement Facebook...)

We need to keep trying to get people to come, except to 2, which is "sold out."

Ensuite, je vous souhaite une très bonne dernière semaine !

And, I wish you a great final week !

Restez concentrés jusqu'à la fin. Ce spectacle, dans cette confiance, dans cette "décontraction", cette "légèreté" pour reprendre les mots d'un des derniers messages que j'ai reçu, ne fonctionne, vous le savez bien, que dans l'extrême précision. Les notes que je vous fais à présent quand je vois le spectacle sont, sauf accident, de l'ordre du réglage d'horlogerie. (Ce spectacle est une Rolex !) Leur compréhension doit être très subtile. Peut-être que rien, aucun changement, ne devrait se voir extérieurement. J'essayerai de faire plus attention de traduire à l'intention de Felix qui nous manifeste toujours sa bonne volonté avec l'enthousiasme de l'innocent. (Mais déjà ici, sorry, je ne le fais pas.) (Kate ?)

Stay concentrated until the end. This show, in its confidence, in its release, its lightness, to use a few of the words I have received , doesn't function, you all know, without extreme precision. The notes I give now, are as subtle as setting a watch (and this show is a Rolex !) No change should be seen from the outside. I will try to be better about translating for Felix, who is always there in good will with innocent enthusiasm.

Le spectacle ne doit certainement pas changer extérieurement. Marlène Dietrich, Rudolf Noureev, Maria Callas. Mais il reste à découvrir et à découvrir encore comme si nous étions au premier jour et que nous avions la vie devant nous. D'ailleurs, nous avons la vie devant nous. Nous ne savons pas ce qu'est la réalité et c'est cela qui nous excite (j'ai failli écrire "excise") dans ce spectacle. Nous pouvons creuser, creuser comme à l'intérieur du temps son exploration infinie - et comme en un laboratoire - l'exploration infinie du bonheur - et c'est cela, la réalité. Le bonheur, ce qui est bon, le bonheur d'être ensemble. Y compris, pour reprendre ce dernier message (de Nicolas Marchand), "même dans le moment tragique".

The show should not change from the outside. Marlene Dietrich, Rudolf Noureev, Maria Callas. But there is still room to discover and discover as if it is the first day and we have all the time in front of us. We do not know what is reality and that is exciting in this show. We can dig, dig in the interior of time infinite exploration - like in a lab - the joy of inifite exploration - and this is the reality. Joy, that which is good, the joy to be together. Included, to use a message (from Nicolas Marchand) even in the tragic moments.

C'est étrange, nous savons déjà que ce spectacle restera dans nos mémoires comme une chose mythique. Et nous avons encore à le jouer comme si nous ne le connaissions pas. Devant nous ! Nous avons encore à improviser.

It's strange, we already feel this show will stay in our memories as something mythic. And we have to play as if we do not know it. In front of us ! We have to improvise.

Ou, comme dit Wallace Stevens dans un poème que je vous avais lu, je crois, le jour du premier filage public (le 10 mai)* :

"Dans un village d'Indigènes, / On aurait encore à découvrir. Parmi les cabots et les crottes, / On aurait toujours à lutter contre ses propres idées."

Or as in the Wallace Stevens poem :

"In a village of the indigenes, / One would have still to discover. Among the dogs and dung, / One would have continue to contend with one's ideas."

Profitez bien du bonheur de cette exploration et de l'exploration de ce bonheur !

Profit well from the joy of this exploration and the exploration of this joy !



Yves-Noël Vilar


* Qui s'intitule Le verre d'eau, ce qui me fait penser à ce que m'a dit Felix l'autre jour : il a un ami peintre qui expose en ce moment à Berlin et qui n'a fait que peindre, depuis cinq ans, un verre d'eau, toujours le même, tous les jours, de manière hyperréaliste, mais jamais le même, de fait, car la lumière, chaque jour, et les reflets, changent, sans compter le temps qui n'est jamais le même et ce qu'il trimballe...

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Les interlocuteurs

Salut, Christophe,

Dimanche et la conversation que nous avons eue après le spectacle continue bien évidemment de résonner.

Faire une œuvre est justement ce que - si je décide jamais quelque chose - je décide de ne pas faire. Je me dis - mais avec fureur - ne cherchant jamais à faire le jeu pourtant évidemment nécessaire de la carrière - que s'il y a quelque chose, ça "apparaîtra tout seul", un peu comme Alberto Giacometti disait à Jean Genet qui s'étonnait qu'une petite sculpture de plâtre et fragile soit laissée dans les copeaux au sol où l'on pouvait marcher dessus : "Si elle est réussie, elle remontera bien d'elle-même"...
Et aussi parce que je m'ennuie (souvent) à ce qui se présente (c'est une plaie) sur un plateau comme une œuvre. (Mais à quoi je pense quand je dis ça ?)
Non, pour moi, le théâtre se fait à l'endroit du spectateur (ça vient du Théâtre du Radeau et des Grecs !) et c'est seulement en vue de cet endroit-là - une rencontre, peut-être - que je mets des moyens à disposition.
C'est cet endroit-là, l'ouverture maximale (incluant, bien sûr, le contresens) que j'essaie. Et s'il y a quelque chose, ça apparaîtra... "C'est ça l'essence de la magie, qui ne crée pas, mais invoque.", dit Franz Kafka. Cet "interlocuteur" dont tu me parlais. Ce qu'il y a sur le plateau, je ne m'en occupe pas. (Il y a à la fois malheureusement forcément quelque chose et à la fois toujours beaucoup, il n'y a qu'à se baisser pour ramasser.) Il n'y a littéralement pas d'œuvre. Mon moment préféré c'est quand la fumée recouvre la moitié du plateau (je pousse toujours le régisseur à en mettre plus) de même qu'une de mes meilleures réussites était le spectacle dans le noir total à la Ménagerie (évidemment intitulé Le Dispariteur).

Mais j'ai conscience qu'il s'agit là, comme tu me l'as dit, au moins d'un fantasme. (De même qu'un écrivain peut rêver que le livre qu'il écrit va effacer tous les autres.) C'est pourquoi les questions que tu m'as posées hier, formulées avec brio, sont celles qui m'intéressent et que je me pose aussi. Celles aussi, formulées par toi, qui me donnent de l'espoir.

C'était un plaisir de passer en ta compagnie ces heures nocturnes jusqu'au "Tambour" !

Je te mets l'exemple d'un retour qui vaut ce qu'il vaut, mais qui m'intéresse parce qu'il montre, comme je te dis, ce dont je rêve toujours, que le sens (dont je me fiche) ne soit proposé uniquement que par celui qui regarde (puisque je travaille, moi, à mon inconscience). C'est cela l'"interlocuteur", si je pense qu'il va peut-être (si l'idée de Vénus et Adonis se maintient) influencer le prochain travail au point de le créer .

Merci aussi d'avoir insisté auprès de Felix pour qu'il soit à Gennevilliers... Sans lui, en effet, nul Adonis.

Bisous

Yvno






Salut YvNo,

Pour aller jusqu'au bout de ce que m'a donné à imaginer ton spectacle :

Oui, le gag du miroir, car quel est le palindrome de gag, sinon gag...

Après "En attendant YvNO", c'est "YvNO" qui passe le miroir à travers un spectacle consacré à la beauté, à la nostalgie de la beauté et à la douloureuse puissance de l'harmonie classique, référant par les corps des acteurs à Michel-Ange, Rembrandt autant qu'au Caravage ou Raphaël...

Un mythe qui saute aux yeux : Echo et Narcisse... Mais le miroir de l'esthétique est ironiquement brisé à certains endroits, qui ne sont pas les biseaux de la sophistication baroque, mais ces endroits qu'on trouve plutôt dans les angles de l'archaïsme moderne.

Je n'avais jamais pensé à la lecture que suggère le spectacle du Songe d'une nuit d'été, effectivement, cette nuit d'échanges et de réversions, de dérivation des désirs, évoque le miroitement narcissique, et ce double-fond de sous-bois, dans la brume desquels les corps se perdent et les silhouettes humaines prennent des allures fantasmagoriques, et l'amour y est souvent proche du viol, mais du viol de quoi ? La beauté, ce qui d'elle est visible, et en fuite ce qui se réfugie dans les taillis, cherchant à échapper au regard, et à la fixation de la signification, tout autant qu'à la parade bien dressée de la narration ou du drame.

Zidane mais aussi Gérard Philipe est un autre Narcisse qu'il est plaisant de voir convoqué et un peu moqué, sans ironie, sans cynisme, mais seulement parce que le théâtre, l'art dramatique est toujours un peu risible, tendrement risible, lorsqu'il se trouve mis en regard du poème, dans le reflet chantant et fragile de la poésie, la pièce de théâtre, et les acteurs, le spectacle, peep show, font sourire. Comme une grande psyché qui frime devant un verre en cristal...

Comment on se réveille de son image, cette mort de Narcisse, mort en fleur... Oui, on ne peut pas "montrer" le miroir, sauf en se mirant dans le spectateur, en lui roulant une pelle ou en lui donnant le rôle d'un ex assassiné, ou en lui faisant changer de place, et se mettre en face de la place qu'il occupait plus tôt...

Ensuite, alors, dans l'évolution d'un travail d'"YvNO" vers "YvYES", d'un théâtre qui va vers l'autre, ce pourrait être le poème Vénus et Adonis qui structurerait un imaginaire...

Et ce spectacle à venir est inclus dans celui-ci : c'est bien Venus qu'incarne alors la terrible nymphomane techno-infanticide que refuse le spectacle, et qui doit quitter la scène pour violer le public, naissant de la piscine imaginaire, comme Vénus se mettant en chasse d'Adonis...

Narcisse entre l'âne et le chien

Adonis attend sa mort à face de cochon sauvage...

L/

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Glamor




Photos Patrick Berger. Kate Moran et Felix M. Ott dans Yves-Noël Genod (lumières Sylvie Mélis).

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Towards Marie-Thérèse Allier

Marie-Thérèse, bonjour,


Kataline Patkaï me dit qu'elle a pris contact avec vous. Je ne saurais trop vous encourager à la rencontrer !

J'ai signé en février une collaboration avec elle, une pièce intitulée C'est pas pour les cochons !, et je dois dire que le travail avec elle a été pure merveille ! Je me méfiais, vous me connaissez, je suis assez solitaire. Mais cette fille est littéralement magique. Elle est aussi, pour parler plus conventionnellement, belle, douée, intelligente. Tout va ensemble. Elle a de l'esprit et de l'empathie pour les autres. Je place personnellement C'est pas pour les cochons ! parmi les plus belles de mes pièces. (Sans doute avez-vous lu l'article de Marie-Christine Vernay...)

Mais tout ce que touche et touchera Kataline Patkaï, avec ou sans moi, vaut de l'or.

Vous m'en voyez sûr. Cette fille - et c'est rare - sait ce que c'est que l'excellence.

Voilà ce que je voulais vous dire le plus directement possible.


Bien à vous



Yves-Noël

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Nicolas Marchand

Salut Yves-Noël,

enfin je trouve un peu de temps pour t'ecrire.
J'ai été très content de voir ta pièce à Chaillot. Comment dire... Déjà dans le spectacle que j'avais vu à la Ménagerie de Verre j'avais beaucoup aimé ces personnages que tu mets sur un plateau, ces gens étranges dont on ne sait pas très bien d'où ils viennent et où ils vont (qui parlent différentes langues comme si parfois il fallait tout simplement changer de langue pour changer de perspective), des personnages qui nous ressemblent, mais qui semblent aussi ne pas vivre sous les contraintes de tous les jours, tout simplement parce qu'ils ont décidé que ce n'est pas nécessaire, que c'est à nous de décider de nos contraintes, comme dans un jeu d'enfant où on fait ses propres règles et qu'on change si besoin est, ces gens qui stationnent dans une salle de théâtre comme s'ils faisaient partie d'un univers qui n'existe que dans cet endroit et qui sont là en dehors du temps, en dehors du monde, comme des gens qui aurait décider de ne plus jouer le jeu de la société mais d'inventer - ça je l'ai déjà dit - leur propre jeu, leur propre passe-temps, leur propre vie et qui nous ouvrent par ça un regard nouveau et plein d'espoir sur notre propre existence, sur nos perspectives, qui nous font rire, réfléchir, pleurer quand parfois ils semblent égarés et complètement perdus, qui mêlent leurs inventions à des textes de théâtre et nous rappellent que le théâtre, c'est l'endroit du jeu et qu'au-delà de ça, personne ne nous interdit de faire du monde un aire de jeu - le monde est un plateau où les pantins s'agitent (comme le dit Shakespeare). J'adore la décontraction et la légèreté du spectacle et des comédiens même dans le moment tragique, l'humour et aussi les références (par ex. l'interview avec Gérard Phillipe) et les clins d'oeil a la tradition (jamais cyniques) qui ce retransforme en l'essentiel du théâtre - le jeu !
J'aurais pu rester là encore longtemps a contempler ces gens et à rêver... comme s'ils m'avait enbarqué dans leur lieu sans contrainte temporelle...

J'espère que tu excuses mes fautes de francais - tu sais que ce n'est que ma deuxième langue - et j'espère qu'on trouve le temps en juillet de boire un verre ensemble - je t'appelle - et de plus j'espère qu'on trouvera une occasion de travailler ensemble...

Je t'embrasse

Nicolas

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Explosion du passé dans le présent

Mon cher Yvno,

Donc, ce vendredi, ce fut très beau, très beau. La fin du spectacle, quand les comédiens reviennent, sur la musique, prendre place avant les saluts m’a beaucoup touché. On a envie de rester avec eux, de les avoir pour amis, de ne pas quitter la salle... D’ailleurs, nous étions nombreux à traîner, après...

Toujours cette chose incroyable dans tes spectacles, l’immense respect que tu as pour ces comédiens, l’amour que tu leur portes, qui leur permet d’accomplir des choses dingues, sans que cela ne pèse sur eux, ni ne les abîme... Ce que traverse Marlène dans ce spectacle, qui ressort comme lavée, si belle dans son peignoir noir à la fin, comme Thomas, hier, dans Monsieur Villovitch. Felix est fantastique de grâce et de charme viscontien, Kate est magnifique (je pensais, je ne sais pourquoi, à Nicole K. dans Dogville), le beau boucher chante bien en plus d’être polyglotte... (Dis-moi, la chanson en anglais est de qui ? De vous ? Une reprise ?), Mohand A., que je ne connaissais pas, formidable aussi... Leur engagement est bouleversant.

Est-ce un spectacle de transition avant La Comédie Musicale ? ( Les tableaux de la deuxième partie sont magiques... La chanson “Je suis dissocié, je suis morcelé” est géniale, celle sur la musique de Khaled est à mourir de rire, le tableau à la Tim Burton versus Peau d’âne est extra... Et on en redemande !)

(Sinon, analyse sauvage pour s’amuser : pour le titre, une fois qu’on a "attendu Genod", que ce même, advenu, (ou un autre en lui, forcément) qui s’est avancé en Monsieur Villovitch (inoubliable), signe maintenant de son patronyme son retour dans la maison où il a fait ses classes, peut-on se dire (explosion du passé dans le présent : crise, rupture, dépassement ) qu’il se sent moins éparpillé ? L’éparpillement jouissif et la profusion sont sur la scène, la division du sujet en deux parties (et deux gradins qui se font face) et le hors-champ, comme on sait, massif ?)

A bientôt, camarade, merci encore et je passe le mot autour de moi pour cette nouvelle semaine d’aventure dans le ventre de Chaillot.

Je t’embrasse,

Alain

(Alain Klinger)

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Photo Pierre Grosbois. Yvonnick Muller dans Yves-Noël Genod.

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Monsieur Saint-Nazaire

"...poétique de l'intervalle me plaît infiniment
...moments de suspens extraordinaires qui s'organisent entre les actions
...où soudain quelque chose se met à flotter
...dans ce jeu de tension entre les intervalles et les actions"

Christophe Wavelet, après la représentation du 30 mai.

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