Bonjour, juste un petit
mot, on se voit demain, j'ai aucune idée de ce que l'on va faire, mais c'est
pas mauvais signe, il est trop tard pour préparer quoi que ce soit, maintenant,
c'est la force de la page vierge qu'il faudra invoquer. Il y a ce texte de
Michel Houellebecq qui peut vous servir d'appui, ce serait rigolo qu'on puisse
en faire qqch, rigolo parce qu'on serait alors certainement les premiers ! à
essayer de sortir une forme à partir d'un texte si neuf (et si polémique, etc.,
ancré dans le réel, en tout cas), mais c'est peut-être hors de notre portée,
trop ambitieux. On verra...
Le temps va passer très
vite.
L'essentiel, c'est
demain.
Souvent, j'ai construit mes
spectacles presque en temps réel. Comme je manque de temps de répétition, le
premier geste est le bon, le premier pas sur le plateau, il faut le refaire, on
n'a pas le temps d'en chercher un deuxième. Je vous en parlerai demain. C'est
cette qualité de la première fois qui me touche et que je demande de retrouver,
d'être capable de refaire.
Idéalement tout devrait se
faire demain et, les autres jours, on se contenterait de refaire, de repasser
notre copie, de célébrer ce même endroit. C'est si rare que les choses
apparaissent. (C'est pourtant la vérité.)
A une époque où j'étais
sans doute plus en forme, on construisait, dans les stages, plusieurs
spectacles, on jouait tous les soirs le spectacle de la journée.
Je suis fatigué et c'est
agréable, c'est vrai, ces temps de stage où l'on peut chercher plutôt que
toujours immédiatement trouver. Ça change.
Mais j'ai la nostalgie,
souvent, de ces vitesses de répétition et je m'ennuie souvent des lenteurs (des
fausses résistances) des stages. Il me semble que la vitesse est plus exacte
(plus inconsciente).
Les auditions sont toujours
chez moi des splendeurs. Et il y a qqch qui se perd ensuite, parfois à
jamais.
C’est le désespoir.
L’année dernière, pour le
stage Casser une noix, où il y
avait 10 places, mais 200 demandes, j’ai, au dernier moment, décidé de prendre
60 personnes pour travailler précisément cette excellence de l’audition (un
groupe de gens bien habillés ou déshabillés qui se retrouvent dans l’espace et c’est
parfait, on a tout, dans tous les sens) et comprendre si on pouvait la faire
perdurer plus longtemps. Je prenais les gens toujours par groupe de 10 ou 12
toutes les 2 h, et ça tournait, etc.
L'idée, c'est toujours de
tourner autour du réel,
évidemment, c'est-à-dire de qqch qui n'est pas qqch et dont on ne sait rien
(sauf que c'est réel, mais rien de plus). Il faut beaucoup de ruses,
d'invocations et de chance.
Surtout la chance.
Il faut mettre le hasard
dans le coup.
Ça demande une grande
santé.
Croire au hasard.
(Au sens où Francis Bacon
dit qu'il peint avec le hasard.)
Je suis en mauvaise santé
en ce moment, très mal au dos et au bras droit, de l'arthrose, et il faut
encore que je le vois comme une chance.
J'ai repris un cours de danse
avant-hier et ça m'a plutôt fait du bien (ça n'a rien empiré, en tout cas). Si
vous avez des pratiques que je pourrais rejoindre pour me mettre un peu plus en
forme, en mouvement, ou des soigneurs vraiment bien sur Bruxelles, vous me
direz.
Vêtements : important. Ne
venez pas avec (simplement) vos vêtements de travail. Je trouve que ça ne donne
jamais rien. (Et comme je veux tout tout de suite...) Quelqu'un de vous dont
m'a parlé Léa, mais dont le nom m'échappe encore se propose de s'occuper de
costumes. Ce sera très apprécié ! En attendant, demain, venez avec vos plus
beaux atours*. Je dis toujours que je ne mets les gens nus sur scène que parce
qu'ils sont mal habillés ; quand ils sont bien habillés, je ne les
déshabille pas. Mais c'est un peu vrai. C'est si rare, le vêtement… Ce que nous
nous proposerons de faire s'apparente de toute façon à la haute couture : la présence (partir de la personne) et l'habiller. La
présence est première et son habit de lumière.
Tenez, une citation de
Gilles Deleuze (sorti de l'Abécédaire,
R comme résistance (et non pas religion)) qui en parle mieux que moi :
« moi, je
crois que, à la base de l’art, y a cette idée que — ou ce sentiment très vif —,
une certaine honte d’être un homme qui fait que, l’art, ça consiste à libérer la vie que
l’homme a emprisonnée, hein ? L’homme ne cesse pas d’emprisonner la vie, ne
cesse pas de tuer la vie. La honte d’être un homme… L’artiste, c’est celui qui libère une
vie — une vie puissante, une vie plus que personnelle, c’est pas sa vie... Libérer la vie, libérer la
vie des prisons que l’homme… Et c’est ça, résister. C’est ça, résister — je
sais pas, moi… c’est… On le voit bien avec ce que les artistes font… Je veux
dire : y a pas d’art qui ne soit une libération d’une puissance de vie. Y a pas
d’art de la mort, d’abord. »
A
demain, 11h, à la Raffinerie, salle des Machines
YN
* B. (Le plus souvent) au plur., et parfois iron. Tout ce qui entre dans la parure des femmes; en
partic. parure riche et/ou
surannée. Beaux, grands, riches atours