(La chair est lourde, hélas, et j'ai lu tous les livres.)Ce contournement quotidien ou presque d'une chose essentielle pas loin, pas ailleurs, de la vie quotidienne, cette vie, la seule qu'on ait... Une œuvre ou pas, cette hésitation, de sa vie-même - ou à part - et tant pis pour le temps imparti passé à ça, pas à ça... Je lis cette phrase de l'éphémère épouse de Marcel Duchamp (l'héritière Lydie Sarazin-Levassor que Man Ray avait refusé de photographier tellement il la trouvait laide et grosse) : "A cette époque, on lisait encore beaucoup : les gens n'étaient pas absorbés par la radio et la télévision"... Eh bien... j'ai oublié... ce que j'voulais...
Ah, oui (après relecture) (auto-relecture), je pensais aux catégories... Cette époque où l'extrême-droite donne le ton. A cause de la libéralisation des opinions, l'extrême-droite n'a pas du tout été diminuée, mais renforcée, c'est logique, par les nouvelles technologies qui devaient pourtant nous apporter l'amitié... Eh bien, je pensais aux catégories, au "chacun chez soi", seule loi, finalement, que l'extrême-droite semble, du bout des lèvres, admettre dans sa souffrance : le monde est terrible, dangereux,
plein, mais au moins chacun chez soi et les ténèbres seront bien gardées. Je pensais à ça parce que je venais de lire (plus tôt dans l'après-midi)
la première page du blog que "Libération" inaugure pour le festival de Cannes : Olivier Séguret y racontait sa "première soirée" dans le style du
blogging auquel je m'exerce aussi de temps en temps (pas un journal, mais plus caustique, plus faussement naïf, faussement "brebis", peut-on dire, qui va, de toute façon, même en montrant patte blanche, s'en prendre plein la chair par les coups de couteau des commentaires). On est allé au restaurant en sortant de la projection, on était tout content, on a mangé ça et ça, bu ça, on a vu Machin et Machin et on a pensé que tandis que justement arrivait alors, etc. On est rentré se coucher en passant par le parc, que sais-je, je ne sais, demain recommence et ce sera alors la "deuxième soirée" ou la première après-midi ou matinée, qui sait, ou insomnie ou... Eh bien, ça n'a pas loupé : premier commentaire, celui que j'ai dans l'œil en lisant l'article (je ne cherche jamais à aller dans cette catégorie) : "Et Séguret va-t-il enfin parler de cinéma ?" Les catégories. L'extrême-droite s'exprime majoritairement dans ce pays.
En sortant du théâtre, hier au soir, j'ai vu sur le comptoir de l'accueil, à la place où se tenait Graziella dans l'après-midi, qu'avait été laissé le livre magnifique d'Annie Ernaux, collection blanche chez Gallimard,
Passion simple. En attendant le taxi, j'ai eu du plaisir (joie) à m'y replonger en en parcourant quelques pages. Elle décrit cet homme avec lequel elle a vécu une passion puis elle s'arrête de le décrire et, dans une note de bas de page, elle explique qu'elle ne peut pas en dire plus, risquer de le rendre identifiable car cet homme continue sa vie ailleurs, sa vie qu'il considère comme son œuvre-même (contrairement à elle) (qui écrit) et qu'il n'a pas choisi d'apparaître dans un livre, mais seulement dans son existence à elle. En m'extrayant du noir (intégral) du spectacle romantique, j'ai admiré - comme un bain, une plage - l'art si lumineux de cet auteur.
Un ami m'a rapporté il y a quelques temps que son ex-épouse avait lu mon blog et qu'elle l'avait jugé comme relevant de la catégorie des "bas-fonds". Cet ami n'est plus un ami, je n'aime pas qu'on me rapporte les propos désobligeants, je ne trouve pas ça amical. Mais ce mot
bas-fonds me fascine, miroite de son mystère (à elle associé), une histoire de vide et de plein... Je pense souvent que si cette femme tombait, elle, dans ces bas-fonds - j'ai cette image qui revient d'un vide (un puit) et d'une masse (la chair), du choc que cela produirait - je me demande même si elle pourrait
physiquement s'en relever.
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