Sous la falaise, au bord de la piscine
« Nous
SOMMES à Paris », disait la petite fille engoncée en effet dans une
voiture flottante. Sous la falaise monumentale qui touche le bleu du ciel, je
songeais à ma vie. A l’organisation, pour les heures qui venaient, de ma vie
molle. Aidé en cela par le très faible électromagnétisme de communication de la
région… Irai-je ? Mangerai-je ? Ok, j’avais fini par dire au serveur, à table, puis, ensuite, à une femme en bas de l'escalier : « Mon frère se demande si vous serez là ce
soir… » – que, oui, oui, ok, c’était décidé, je restais (les gens
d’Avignon n’étant plus aptes à faire pression), « pour la cuisine… »
Je n’avais plus faim du tout. J’étais monté faire une sieste dans le dortoir.
Lolo était arrivé pour faire des menus travaux d’électricité, de « remise
aux normes », comme il me l’avait expliqué. Quand il m’avait vu dans le
dortoir, il s’était excusé et m’avait promis de ne pas faire de bruit. Et en
effet. Ce dont Lolo n’avait peut-être pas conscience, c’est qu’il parlait en
travaillant. Il commentait tout ce qu’il faisait, il se parlait à lui-même, il
parlait aux choses. Il me parlait aussi puisque je l’entendais parfois
dire : « Ah, sorry, là, ça va faire un tout petit peu de
bruit… a little bit of noise. » On s’était parlé d’une manière un peu
floue, en franglais. Ce dont Lolo n’avait certainement pas conscience, c’est
que mon père parlait aussi en travaillant. De la même façon. Tout un mélange
dans ce lit de colonie de vacances, la sieste où me revenaient mes expériences
érotiques – c’était l’heure du Faune – et l’intimité de la vie de Lolo dont la
qualité sonore, d’une surnaturelle tendresse, est impossible à transmettre.
Cette qualité venant de la qualité de l’écoute. Bien sûr. « Allez, je
perce un dernier trou et j’aurai fini. » Lolo était revenu me voir :
« Dans un quart d’heure, je disparais. » J’avais expliqué à Lolo
qu’il pouvait faire tout ce qu’il voulait, que j’étais en vacances et que je
n’étais pas stressé. « Ah, il m’avait dit, il y a deux sortes de gens :
ceux qui ne sont pas stressés parce qu’ils sont en vacances et ceux qui sont
stressés PARCE QU’ils sont en vacances. C’est merveilleux que vous fassiez
partie de la première catégorie. » Oui.
Non,
les vacances ne m’ont jamais stressé, moi. Je suis immédiatement au paradis.
C’est pour ça que les gens d’Avignon attendront. D’ailleurs je sens que le
monde de l’art va beaucoup, beaucoup m’attendre dans les prochains mois. Je
reviendrai comme Hedi Slimane avec un contrat de 75 000 euros par mois. Ou
rien. Le très luxe ou rien (idée que j’ai déjà développée). Probablement rien.
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