Saturday, October 27, 2012

Le Décor du château



Encore une nuit entouré de ce château-mystère. Mystère de Columbo ou de la littérature.

De comprendre la faiblesse du procédé peut aider…
Y compris dans les lettres manquantes. Question de vitesse. Tu n’iras jamais vite.

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En caravane



Photos Sara Rastegar. Anne Issermann.

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Voilà pourquoi je ne publierai rien



 « Stevenson n’était pas un homme religieux, mais il avait un grand sens éthique. Il considérait, par exemple, que la littérature avait le devoir de ne rien publier qui pût déprimer les lecteurs. Ce fut une espèce de sacrifice de sa part vu qu’il possédait une grande force tragique. »






Oui, contre la muraille du ciel – qui se cogne, l’oiseau ou le poisson ? Dans une grande ménagerie de verre, j’entends les deux hurler, l’oiseau et le poisson. La terre est vaste du côté où je suis, du côté du couchant. Et l’eau passe si vite…






Oui, mais tu es jusqu’aux oiseaux alors peu importe (ton invalidité). Et puis c’est ton dernier soir. Fenêtre peut s’ouvrir sur le couchant, au-dessus du vide d’un pays.
Il y a la lumière de la vie des oiseaux. Sombre.

Ce mal de tête, je ne sais pas trop ce que je peux faire. Dès que je regarde au loin (d’un pas, à la fenêtre), ça passe. Dès que je regarde de près (lire et écrire), c’est infernal. Dès que je suis debout (d’un pas, à la fenêtre), ça passe. Dès que je suis couché (lire et écrire, tenter de dormir), c’est infernal.
Ce paysage infini, il est à la fois vaste et creux.
Il est léger comme l’unique. L’unique soirée. Pas encore seul ou déjà seul ? L’enfance reconstituée. Je suis désolé.
J’avais promis de ne rien écrire de déprimant.

Il y a ce pont que je ne peux pas ne pas voir que comme le symbole du temps, comme dans les tableaux de la Renaissance, par exemple, la Joconde.






« Il y a une scène, au début du roman, où un personnage contemple du haut d’une fenêtre le labyrinthe des hommes. »

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V. W.


Photo Sara Rastegar. Natacha Mendes.

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Les Murs ont des oreilles



Babeth m’a fait visiter le château. Enfin, pas tout, les deux ailes sont habitées (frère et sœur), mais ce qui se visite (+ la bibliothèque). C’était bien assez ! Ce que j’en ai retenu, les étapes de construction (14ème-18ème) et puis que les meubles sont authentiques et ont été créés pour ce château. C’est assez rare parce qu’en général les châteaux ont été brûlés à la Révolution, c’est pour ça qu’en général, ils sont vides. Mais, là, ils avaient prévu le coup et placé tous les meubles, je ne sais pas, dans une espèce de garde-meuble, ailleurs, en tout cas, en lieu sûr. Et, quand le moment est arrivé à la fin de la Terreur et que donc le type qui était au parlement de Toulouse a été trimballé à Paris pour être guillotiné, les deux filles sont allés en Suisse, la femme à Paris ou à Toulouse, Babeth ne sait plus, enfin, en tout cas, trois ans après on lui a redonné son château et elle a dit qu’elle voulait aussi les meubles sous le prétexte que son mari n’avait même pas été jugé. C’était la fin de la Terreur, ils ne prenaient même plus la peine de faire passer les gens en jugement. En tout cas, bon, je ne sais pas si le préfet était sympa ou quoi, mais ça a marché, explique Babeth, et c’est comme ça que tous les meubles que nous voyons sont d’ici, ils ont retrouvé leurs places, tout avait été bien répertorié, évidemment. Une deuxième chose que j’ai bien aimée, c’est que toutes ces chambres de toutes les époques – il y en a une appelée « la chambre Richelieu » où Richelieu a dormi, – eh, bien, elles sont séparées par des murs épais remplis de passages, de petits cabinets, de « chiottes », comme dit Babeth, de chambres de bonne et, ça, c’est vraiment adorable comme trouvaille, tout un enchevêtrements de passages « secrets » car les portes ne se voient pas du tout prises dans les lambris des chambres. Il y a une chambre ovale avec, par exemple, une porte qu’on a travaillée en chauffant le bois pour la rendre ovale, c’est très dur à faire. La plupart des tableaux qui décorent le château (ça en fait beaucoup) ont été faits par les deux filles. Parce que, quand leur père a été emmené pour être guillotiné, elles ont dit qu’elles n’auraient plus le cœur jamais à faire de musique. Alors, elles se sont mises à la peinture. D’abord, des paysages suisses puisqu’elles étaient en Suisse, puis, ensuite, toute sorte de trucs, des tableaux célèbres qu’elles refaisaient d’après des gravures, mais, alors, c’est vrai, Babeth me fait remarquer, il y a un art des couleurs qu’elles devaient bien quand même inventer. Et c’est vrai que c’est très joli, mais peut-être que les gravures étaient en couleur aussi... En tout cas, ça donne un ensemble très cohérent, il y en a pour toutes les pièces de ces tableaux en séries. Dans l’escalier, il y a une très belle collection de gouaches aux bleus délicats représentant les bateaux qui partirent avec La Fayette pour l’Amérique. Elles ont été offertes par un marin qui s’appelle Lapeyrouse – je ne vous saoule pas ? – qui venait en vacances au château pendant plusieurs années. C’est-à-dire qu’il a voulu se marier avec une Réunionnaise qu’il avait rencontrée là-bas (à La Réunion) et, Babeth ne sait plus si elle avait probablement du sang noir ou pas de fortune ou pas assez ou les deux, en tout cas, le père de ce monsieur : « Pas question » et ce monsieur Lapeyrouse, il était très amoureux, alors il l’a fait quand même et donc ils habitaient à Albi et le château d’ici, c’était le seul qui acceptait de les recevoir, ces gens. Alors ils venaient en vacances ici, deux mois d’été. Et il y a une lettre, très émouvante où ce monsieur prend congé de la dame qui le recevait parce qu’il a été chargé par le roi Louis XV d’une mission encore d’exploration de la côte pacifique de l’Amérique (donc il fallait passer par le cap Horn, et tout, ça durait plusieurs années). Alors il lui dit, il commence avec cette phrase restée célèbre parce qu’elle est très belle, c’est vrai : « Votre amitié, Madame, est essentielle à mon bonheur » et il continue en annonçant son voyage et en regrettant le temps qu’il avait passé dans ces lieux et les temps futurs qu’il auraient pu y passer encore. C’est d’autant plus émouvant que le bateau, les deux bateaux, il y en avait deux, ne sont pas revenus. Il y a eu une tempête plus importante que les autres et ils se sont échoués. Babeth pense qu’il a été mangé par les sauvages. Enfin, toujours est-il… Où j’en suis, là ? Il y a aussi des lettres de Richelieu dont une, curieusement, écrite de sa main. Tout ça, Babeth me demande de les lire à haute voix car elle a oublié ses lunettes. Ce sont des écritures incroyablement lisibles. Richelieu remercie le seigneur du château (j’ai oublié le nom de la première famille avant les O’Byrne, tout ce que je sais c’est qu’à un moment un type a eu huit filles et, voilà, c’était fini, plus de nom, ça a commencé, les O’Byrne). Donc Richelieu remercie de son accueil le châtelain et lui demande, sinon, de prendre en charge les « otages », d’en prendre soin le temps qu’il faudra. Babeth m’explique que Richelieu avait pris des otages parce qu’Albi était protestante et s’était enfermée dans des murs et que Richelieu voulait faire ouvrir ces murs alors il a pris des otages. Bon. Sinon, les O’Byrne, c’est donc un nom irlandais parce qu’à un moment il y a eu beaucoup d’Irlandais à Toulouse qui eux étaient persécutés par les Anglais et qui se sont exilés un peu partout, mais pas mal à Toulouse. A un moment, des tantes vraiment irlandaises, elles, ont acheté une propriété en face du château de l’autre côté du Tarn, Babeth a connu ces tantes que l’on voit jeunes et fraîches sur des tableaux 1900. Et puis, alors, il y a une chose dont Babeth est très fière, mais que je trouve très moche. C’est qu’ils ont fait, il y a quelques années, un salon du tissus d’ameublement : ce genre de salon, m’explique-t-elle, qui se fait chaque année dans un château différent. Et alors plusieurs chambres, la grande galerie, les rideaux des lits à baldaquin, des fenêtres, les fauteuils, etc., tout a été refait gratis par telle ou telle maison qui installait, de fait, son stand en direct, directement sur le motif, quoi. Babeth trouve tous les tissus choisis merveilleux, très chers (ça, ça doit l’être), les doublures, bref, un coup de chance (parce que, évidemment, y a pas trop d’argent dans ce château). Bon,  je l’ai dit déjà ? – moi, je trouve ça hideux. Parfois certains fauteuils ont encore leur tissu d’origine, eux si émouvants. Par exemple, ceux de la grande galerie avec le motif de la fleur d’artichaut. Certes, on ne peut plus trop s’asseoir dessus... Il y a deux autres pièces au rez-de-chaussée qui ne sont pas d’origine, mais dont les meubles ont été entièrement rebrodés par les femmes, vers 1900 (il y a une photo noir et blanc où on les voit à leurs travaux) ; ça aussi, c’est très émouvant (et beau). Il y a deux chapelles dans le château. Dans l’une, Babeth s’est mariée, mais, non, pas ses filles à elle. Elle avait été trop agacée que, pendant la cérémonie, les gens soient restés dehors à bavarder. « Ah, oui, ils se croyaient « à la maison »… – Exactement ! », donc, après, ça s’est fait au village. Il y a évidemment l’immense cuisine (etc.), où tout le monde mangeait, maîtres et valets, et une autre salle pour les journaliers. Oui, je pensais ça avec tous ces passages et ces petites chambres dans les murailles des chambres, je me disais : « Et l’intimité ? » On se plaint que, maintenant, avec les réseaux sociaux, la vie privée disparaisse, mais alors, là, je pense qu’il fallait vraiment aller au fond du parc pour être tranquille ! D’ailleurs, c’est ce que je vais faire, tiens, profiter du parc. Quelqu’un que j’aperçois de la fenêtre fait du canoë sur le Tarn. Je sais pourquoi je vais cesser d’écrire, je sais pourquoi. Ça me donne mal à la tête, c’est tout simple. Ce n’est pas une question de talent et tout et tout… Fini, les récits !
Moulinsart… (Je quitte Moulinsart, etc.)

Oui, oh, j’oublie toujours de parler de ce que je voulais. Je voulais parler des bouquets frais, dans plusieurs pièces, des tournesols, des roses… qui rendent ce château si vivant… Ces pièces dont Babeth ouvrait les volets. « Oh, mais on n’en fait pas tous les jours, des bouquets. C’est à cause des Américains qui d’ailleurs... On voulait leur faire visiter, ils n’ont pas eu le temps… » Terrasse et grande galerie pour les Américains, ils n’ont pas eu le temps d’autre chose… Demain, je quitte le château de Moulinsart. Il est temps. Monde de mort et de lumière. Dur combat de la mémoire et de l’oubli. Parfois, on se dit : « Ils ont raison, les animaux, de ne jamais rien créer, de ne rien trimballer, ce passé, ces lettres, ces émotions – et qu’en faire à part attraper mal à la tête ? Si l’humanité recommençait ? Mais, ce zéro, c’est très difficile, car c’est aussi la mort… L’humanité, fascinée par cette idée, ne doit pas, ne doit pas… »
L’automne, maintenant, avec ses cris de zoo, de ménagerie…

Et puis cette phrase de Montaigne : « Il faut retenir à tout nos dents et nos griffes l’usage des plaisirs de la vie, que nos ans nous arrachent des poings, les uns après les autres. »






Oui, c’est plus important de ne pas écrire – ou d’écrire sur un bout de toile cirée et de perdre… Pourquoi ne pas écrire, si c’est faire plaisir au lecteur ? Le problème, c’est que ça n’arrive que très rarement. La plupart du temps, il ne s’agit ni plus ni moins que d’ennuyer. De toute façon, lire donne mal à la tête. Je me force, si vous saviez ! Il va falloir que j’apprenne un vrai métier… Un métier qui serait : « vivre » et qui donnerait la santé. La santé de vivre. Ça qui est le plus important, le plus désirable ! Oh, mon Dieu, cette journée qui s’éteint… Je ne descends pas de ma tour parce que c’est là – bien entendu – que le soleil dure. Fenêtres ouvertes, je le vois, ce projecteur. Il me brûle (ça n’arrange pas mon mal de tête). Il va sombrer, c’est comme ça sur cette terre, ça tourne. Et qu’on vous coupe la tête ou qu’on apprenne la musique, ça tourne. Les jeunes dames deviennent des vieilles dames et contemplent – ou ne contemplent plus – leurs tableaux de jeunesse. Les enfants jouent comme à Noël. Comme ils ont joué dans ce château ! J’ai vu qu’ils ont publié en Folio Les Années, de Virginia Woolf. C’est de ça, probablement, dont parle ce gros roman – qu’elle a eu l'impression d'avoir raté. Elle s’est suicidée assez vite après, mal de crâne, voix. Plongé dans le Tarn.

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Le mauvais poète



« En ce temps-là, j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J'étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J'étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon coeur, tour à tour, brûlait comme le temple d'Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j'étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu'au bout. »

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Ô Vierge qui régnez sur nos prières



« « Notre tâche est d’imprimer en nous cette terre provisoire et caduque si profondément, si douloureusement, si passionnément que son essence, ressuscite « invisible » en nous », écrit dans une lettre Rainer Maria Rilke. »



J’ai rêvé que ma mère n’était pas ma mère (ni la mère de ma sœur, mais de mon frère, si) et ce rêve est si réel et bienfaisant que j’ai envie de le considérer comme « vrai ».
« Ecoutez, je vais vous dire, à l’opéra, mes parents, on y allait une fois par semaine. »
Aujourd’hui, Anne est très contente car sa tante l’invite, cette après-midi, à West Side Story, au Châtelet, pour son anniversaire. C’est l’anniversaire de Julie, d’Anne et de Christine chez qui nous nous retrouvons ce soir. Anne  chantera West Side Story ce soir.

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Fatigué par la maladie, mais la jeunesse m'enchante


Photo Sara Rastegar. Julie Menut et Anne Issermann.

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