S i j'étais un metteur en scène de Shakespeare
« Car une telle parole, c’est tout ce qui est et tout ce qui vit qu’elle a dans le champ de sa réflexion. Si elle n’a que faire d’un rendu scénique encombré des choses du proche, elle se sent concernée, instinctivement, par tout ce qui a lieu dans ce monde, par ses us et façons, par la façon dont les êtres vivent : pensez à Hamlet se tournant vers ces nuages qui ont forme de chameau, de belette, ou considérant ce « superbe édifice », le lieu terrestre, qu’il voit comme un champ de ruines. Si j’étais un metteur en scène de Shakespeare, je ne m’intéresserais guère aux façons dont il me faudrait meubler les planches, mais j’aurais envie de transporter l’œuvre, avec ses acteurs, ses événements, dans des foules sous la pluie ou dans des montagnes, lieux où sa parole étouffée par les bruits, emportée par les vents, n’en serait que plus audible, en sa profondeur. Je parlais tout à l’heure d’un Hamlet joué dans le noir. Dont les spectateurs ne percevraient rien que les voix, dont les acteurs, même, ne se verraient pas du tout entre eux. C’était déjà cette idée d’une scène très élargie, car ce noir, c’est celui qui règne entre les étoiles, c’est ce non-être dont Hamlet ne cesse pas de faire l’objet de sa réflexion.
C’est son « To be or not to be » ?
Oui, la question que toute poésie pose et se pose. Veux-je être, ne le veux-je pas, c’est la décision qu’il faut prendre. Dans ce « to be or not to be » au cœur d’Hamlet, Shakespeare se dirige vers ce point où théâtre et poésie confondus peuvent rendre au monde et son ampleur et son être. »
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