C eci n'est pas du prosélytisme

Depuis presque dix ans, je crois, Laurent Chétouane est pour moi l’artiste absolu, une figure proche du Christ. Je le dis parce qu’il m’a répondu hier que ça lui échappait, mais que sa psychanalyste aussi le lui avait fait remarquer et je le dis aussi parce que, moi aussi, je crois m’en approcher un peu, du Christ, celui qui dit : « Il est bon d’être comblé et mauvais d’être en manque », celui qu’Oscar Wilde appelle « the supreme romantic artist », celui qui rend le « inward » « outward » par le pouvoir de l’imagination. Bien sûr, je me déplace pour voir les pièces de Laurent, je suis à Bruxelles pour ça, la pièce se donne encore ce soir, au Kaaitheater, à 20h30. Elle s’appelle (titre tiré d’Hamlet) : Out of Joint (that means « hors de ses gonds »), elle est au-delà du sublime. Laurent me rend l’avenir possible. Il provoque qu’au-delà de mon désespoir et de la misère de ce qui est présenté partout sur les scènes, dans les médias, dans la misère du monde, misère sur misère, partout noircie et renoircie au crayon, le véritable amour (pas la haine retournée), l’art et la beauté existent, oui, comme je le sens — mais qui d’autres le pressent ainsi ? Nous sommes des « lonely people », mais Laurent m’indique — avec sa virtuosité absente de tout effet — que ce que je rêve absent est pourtant vrai. Que la sincérité, cette chose si difficile — qui semble impossible —, ne demande qu’à vivre au-delà ou en deçà des plaintes, larmes, aigreurs (en ce moment tristement féminines), en-deçà de l’enfermement dans la Prison de Fer Noir. Le Christ dit : « Ce que vous n’aimez pas, ne le faites pas. » A mes yeux, c’est là où Laurent et ses interprètes parviennent. 

Scoop, réservez les dates, précipitez-vous, je le dis ici pour la première fois : nous allons donner un stage ensemble, Laurent et moi, première quinzaine de juin, à Orléans (collaboration entre le centre chorégraphique et le centre dramatique), disons, grosso modo, pour douze-quinze apôtres...