Sunday, July 31, 2011

Solal


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« Du temple, orné partout de festons magnifiques,

Le peuple saint en foule inondait les portiques »

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Le Spectacle sans argent

Avec mon père, on imagine le spectacle sans argent que je devrai donner à Paris… Il y a des chatons à donner, sur le marché, il dit : « Fais-les passer pour des tigres. » On pense aussi à faire spectacle de la banalité. Je fais mine d'engueuler le public : « Il serait temps que vous vous intéressiez à la banalité ! » Ça l'amuse beaucoup. On imagine faire venir toute la famille. Mon père accroche des carcasses de poulet dans les pommiers – pourquoi ? – pour attirer les chiens qui font peur aux oiseaux. Pour les pruniers, une autre idée : les bouteilles de bière où les – je n'sais quoi – les insectes indésirables viennent se perdre à l'intérieur plutôt que d'abîmer les prunes.

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La Rotation des messes

La Bretagne se déchristianise, ça m’a fait un choc. J’ai deux tantes qui vont encore à la messe, point final. De mon temps, on y allait tous, presque tous, un mécréant ou deux, on remplissait une deux chevaux à douze, on amenait même le chien. Il n’y a plus de curé permanent. Mais qui s’occupe de quoi ? Que deviennent les bâtiments ? Je ne crois pas en Dieu, mais ça m’a fait un choc : c’était toute mon enfance. Quelque chose perdurait. Quelque chose pleurait qui perdurait, parfois en breton, les chants, le noir, parfois les coiffes. Les fleurs, la mort douce aux enfants, les tombes, les vieux. Il y a un roulement, maintenant, on m’explique, parfois la messe est très loin. « Quand c’est à Irvillac, je n’y vais pas. » Mais que sont devenus les curés ? C’était toute mon enfance, le paysage local, le folklore, l’humanité, l’été… Je tape « la Bretagne se déchristianise » sur Internet et je tombe sur le forumarchedemarie : « Déchristianisation complète même en Bretagne et Vendée : Cela ne nous surprend pas, mais, au moins, les choses sont claires. » Moi qui avais créé – est-ce si loin ? – le jour de la saint Yves (le 19 mai), à Rennes, un spectacle intitulé Jésus revient en Bretagne – est-ce donc si loin ? Qu’a-t-elle, la Bretagne, à proposer – à part des algues vertes ? Quelle misère, la vie sans trêve, la vie sans père, la vie sans Dieu, sans dimanche…

« A la fin du Ve siècle, l’auteur caché du Corpus Dionysiacum déclare qu’aucun prédicat affirmatif ne convient à Dieu. On ne peut rien affirmer de lui ; on peut tout nier. Schopenhauer note sèchement : « Cette théologie est la seule vraie, mais elle est sans contenu. » Rédigés en grec, les traités et les lettres qui forment le Corpus Dionysiacum trouvent au IXe siècle un lecteur qui les traduits en latin : Johannes Eriugena ou Scotus, c'est-à-dire Jean l'Irlandais, dont le nom dans l'histoire est Scot Erigène, autrement dit Irlandais Irlandais. Celui-ci formule une doctrine de caractère panthéiste : les choses particulières sont des théophanies (révélations ou apparitions du divin) ; derrière se trouve Dieu, qui est l'unique réalité, « mais qui ne sait ce qu'il est, parce qu'il n'est pas quelque chose, et qu'il est incompréhensible à lui-même et à toute intelligence ». Il n'est pas sage, il est plus que sage ; il n'est pas bon, il est plus que bon ; il déborde et exclut, insondablement, tous les attributs. Jean l'Irlandais, pour le définir a recours au mot nihilum, néant : Dieu est le néant primordial de la creatio ex nihilo, l'abîme où ont pris naissance les archétypes, puis les êtres concrets. Il n'est Rien ni Personne. Ceux qui l'ont ainsi conçu l'ont fait avec le sentiment que cela vaut davantage que d'être Quelque chose ou Quelqu'un. De façon analogue, Samkara enseigne que les hommes, dans le sommeil profond, sont l'univers, sont Dieu. »

Tiens, j'y pense et je l'écris ici pour m'en souvenir : il faudra que je recopie cette citation sur papier libre pour Claude Régy qui ne lit pas mon blog (il n'a pas d'ordinateur, le brave homme). Elle est extraite d'une des Enquêtes de Jorge Luis Borges écrite en 1950 à Buenos Aires et intitulée : De quelqu'un à personne (en Folio/Essais).

Les enfants crient autour de la maison, rient, courent – et j’écris.

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Du sommeil à mon sommeil

Les antibiotiques me jettent – sans angoisse – contre une falaise. (Les antibiotiques ou la maladie elle-même.) Je dors, je dors invraisemblablement. Ça tombe bien, on ne me demande rien : je suis chez mes parents, dans la Bretagne du berceau, vous êtes ici, Porzisquin. Porzisquin signifie « la grève du port », dans la rade de Brest, sur la commune de Logonna-Daoulas. Il y aurait tant à dire, il y aurait tant à dire pour dire l’inaudible, l’invraisemblable, toute la monotonie glaçante de la vie. Vous aimez cette phrase ? Je vous la redis (je crois qu’elle est à peu près celle que j’avais dans la tête avant de l’écrire – je veux dire : la taper). Copier-coller. Il y aurait tant à dire, il y aurait tant à dire pour dire l’inaudible, l’invraisemblable, toute la monotonie glaçante de la vie. Avec mes parents, nous jouons à la mort. La phrase exacte, si je reprends mes carnets, est : Avec mes parents, nous mimons la mort. Nous nous endormons comme des chats à l’heure de la sieste. J’ai des velléités d’écriture, je suis trop fatigué pour aller plus loin que de jeter, de loin en loin, un incipit...

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La Mer rien du tout

« Ben, elle est rien du tout aujourd’hui, voyez. Elle est seulement les choses qui sont sur elle. C’est-à-dire des bateaux, des phares, des balises. Voyez, elle est rien du tout. A peine un p’tit accident le long d’la grève, mais, du long du sable, mais... Le Havre aussi, tout dort un peu. Mais, quand même, y a des bateaux. La platitude millénaire, oui. Ah, ça, c’est les, les, oui, ça c’est… Y a huit jours, elle avait ça, elle était comme ça. Y avait à peine encore le bruit d’une vague, de temps en temps, qui s’cassait, là, sur le sable. »

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Conflit d'intérêt

Je parle avec mes parents de mes déboires et mon père me dit que cette histoire de conflit d'intérêt lui semble absurde dans la mesure où tu n'es ni payée comme interprète ni comme programmatrice. On sait que l'absurdité est la prairie de l'administration, mais on a du mal à comprendre, quand même, quelle herbe cette grosse vache brouterait à cet endroit...

YN

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