Monday, November 21, 2011

La Route














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« Desired, the snow falls upward »




Je sens encore l’électrode de La Réunion. J’ai retrouvé Paris, sa lumière, ses après-midi d’hiver, sa beauté, mais je sens encore l’électrode de La Réunion. J’ai retrouvé le travail, les amis, l’espace qui est beau de la galerie du TCI, les après-midi d’hiver, la lumière, certaines après-midi d’hiver, d’un « jaune d’iode », mais je sens encore l’électrode de La Réunion. Encore je marche dans le lagon, encore la lumière baisse plus vite que dans un spectacle, encore les poissons me regardent à travers la lumière équivalente, marcher au crépuscule, ils me regardent avec leur tête de côté, l’œil vers le haut, je sens la distance entre l’œil du poisson et les miens. Je sens encore l’électrode de La Réunion. Maintenant je dis pourquoi j’ai écrit ce texte. Parce que je lis, dans mon lit, et que je lis ce mot, je ne sais même pas dans quelle phrase, ce mot : « électrode ». Et c’est ce mot qui provoque l’image. La sensation. Au cœur. Je sens encore l’électrode de La Réunion.

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Felix, dancing in silence







Felix M. Ott.

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Réponses à cinq questions de Pierre Notte

(questionnaire pour le programme du Rond-Point)



– Arrive-t-il à Yves-Noël Genod de savoir ce qu'il va faire sur un plateau avant de s'y trouver face au public ?

Absolument pas. Ça, c’est bien une chose qui ne m’arrive jamais ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’ai jamais peur lors d’une première : je ne sais pas ce qu’il va se passer (alors je suis juste curieux). Malheureusement, mon système s’effondre quand je continue de jouer. A la deuxième, j’ai un peu peur, à la troisième, encore un petit peu plus, etc. J’ai peur parce que je sais un peu ce qu’il va se passer (par rapport aux spectateurs qui viennent pour la première fois) et que j’ai peur de ne pas arriver à, de nouveau, être vierge, à « improviser ». Car jouer, comme dit Bob Wilson, c’est improviser.



Je m'occupe de vous personnellement, c'est un titre choisi parmi quels autres ?

Je ne me souviens plus. Tu étais là, non ? Y en avait plein, de titres. Un truc avec « sans tambour ni trompette »… Et puis Ribes est passé et il a dit : « Ah non, celui-ci est mieux ! » J’aime bien quand les directeurs de théâtre ont de l’instinct. C’est d’ailleurs pour ça qu’on le gardera sûrement : ce titre a plu à Jean-Michel Ribes !

Quel serait aujourd'hui le plus juste ?

Le titre le plus juste est évidemment celui de mon spectacle actuel : – je peux / – oui



– Que verra-t-on quand on verra Je m'occupe de vous personnellement ?

Eh, bien, ce que vous voulez. Le client est roi. Et la maison cherche à le satisfaire. On fera une étude de marché, on étudiera le contexte, les manques, les créneaux et on essayera de donner au public ce qui le satisfera. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Tout le monde fait ça.



– Y-N G est-il comédien ? Performer, auteur, poète, danseur, exhibitionniste, acrobate ?

J’aimerais bien. Comme je fais semblant en tout, on dira comédien. Ce n’est pas que jouer n’a pas à voir avec la vérité, ah, non, non, je pense que ça a beaucoup à voir avec la vérité, dans un sens ou dans un autre. Mais tenons-nous en, pour ne pas faire une thèse, à cette idée de « faire semblant ». On pourrait dire aussi : faux modeste.



– Comment Y-N G conçoit, réalise, écrit-il un objet comme celui-là ? D'où viennent les idées ? Les mots, la forme, les images ? Sait-il quel en sera le dernier mot ?

Non. C’est en forgeant qu’on devient forgeron et je n’ai encore jamais réussi que la préparation d’un travail soit le travail. Non, pour moi, préparer un travail est très ennuyeux. Je ne reprends vie, comme une plante, que sur un plateau. Enfin, l’eau coule, ruisselle. L’eau du vivant… Comme disaient les Grecs, Eros, Erao voulait dire à l’origine je verse…

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Released



Non, finalement pas relâchés. Deux photogrammes tirés du film que nous avons commencé à La Réunion (dans la forêt de brouillard) ont été ici retirés. On y voyait Philippe Tlokinski et Felix M. Ott déshabillés dans un même plan. Philippe essaie de concilier deux carrières naissantes, il pense qu’il aura moins de difficultés quand il aura pris de l’épaisseur dans la profession (j’espère qu’il ne sera pas pour autant devenu vieux). Il entame une carrière de vedette du petit écran dans des séries à l’eau de rose – si j’ai bien compris –, un épisode par jour pour l’une des séries et, l’autre, hebdomadaire. Des gens qui veulent protéger Philippe promettent que tout un tas d’extrémistes, de gens mal intentionnés recherche en permanence sur le Net des photos déshabillées ou ambiguës qu’ils pourraient faire paraître dans des torchons people (où nous aimerions tous, pourtant, nous, avoir des photos). Et, en effet, la Pologne réactionnaire, catholique, homophobe, masochiste et orgueilleuse est un terrain – que dis-je, un terrain ? – une autoroute de la violence toute trouvée. Il y a peut-être de la parano là-dedans. Car la Pologne, c’est aussi le terrain de jeu d’immenses artistes de théâtre complètement libres, certes en constant combat contre les forces réactionnaires, Grotowski, Kantor, Lupa, Warlikowski… L’un des derniers spectacles de Tadeusz Kantor ne s’appelait-il pas Qu’ils crèvent, les artistes ? Donc, voilà, les photogrammes existent, mais, pour l’instant, on ne les montre pas. On ne voit donc que ceux de Felix M. Ott seul. L’intérêt de mon travail n’est jamais la solitude. Comme disait Louis Jouvet, « Le théâtre commence à deux. » Car, dès qu’on est deux (même trois, avec le metteur en scène), l’ambiguïté existe. L’art, c’est l’ambiguïté, mais, le commercial, c’est l’art de mentir sur cette ambiguïté, l’art de cacher. C’est tout à l’honneur de Philippe Tlokinski de vouloir jongler avec les contraires. Parions qu’il y arrivera et qu’il revendiquera – puisqu’il en a les moyens – d’exprimer toute l’ambiguïté du monde. Le monde se referme très, très vite, en ce moment, il va falloir jouer serré. Un acteur ne peut pas être invisible. Il ne faudrait pas qu’il joue sous le manteau…

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Photo Felix M. Ott.

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