Tuesday, February 24, 2009

À une passante, de Baudelaire

La réalité dont nous avons la perception perdue (dans le sens de cette oscillation dépression / grandiosité). La musique et ses intervalles. Ça se balade d’un ciel en étoile à un ciel en étoile. Merci, Signore, Senoritas ! Il y a une beauté un peu fumeuse, elle m’a regardé au moment où je lisais : « Poésie, unique montée des hommes… » et j’ai senti que j’étais, moi, peut-être, pour elle, quelqu’un qui la comblerait. Quand j’ai relevé la tête, elle s’était détournée et ses cheveux se déployaient comme un rideau de fer. Plus tard, je vis encore son profil. Et je me disais qu’il fallait que je drague. La poésie est féminine. Je ne pouvais me contenter d’un monde à la Jean Coqueteau ! À peine cette idée échangée, elle me rapprocha de Pierre, ayant dissipé la perception nuageuse de moi-même pour un reflet plus net. Pierre allait faire une promenade avec la petite enfant. J’avais voulu aller au Salon de l’Agriculture, mais tout le monde avait bien sûr eu la même idée... Mais traverser Paris par les couloirs souterrains du Nord au Sud puis du Sud au Nord, n’est-ce pas là la merveille ? Elle descendit aux Abbesses, elle avait une robe longue. « La seule signature au bas de la vie blanche, c’est la poésie qui la dessine. Et toujours entre notre cœur éclaté et la cascade apparue. » Ce qu’il y a, c’est que la réalité est toujours là, et même maintenant avec le temps qui galope comme un mauvais piano (depuis vingt ans dans l’immeuble).

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« LIBÉRATION », Marie-Christine Vernay

« LIBÉRATION »
CULTURE 23/02/2009 À 06H52


Une « Pâquerette » et des « Cochons »
Danse. Exploration radicale du corps ou conte d’hiver, des spectacles loin des conventions à Vanves.
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Marie-Christine VERNAY



Festival Artdanthé, une saison de danse
Théâtre de Vanves, 12, rue Sadi-Carnot (92). Jusqu’au 15 mars. Rens. : 01 41 33 92 91.

Depuis ses débuts en décembre dernier, la saison danse du Théâtre de Vanves met le spectateur à rude épreuve, tout en lui portant attention, en fêtant par exemple vendredi dernier la Sainte-Aimée avec le DJ Clero. Il faut ça pour pouvoir décompresser après des spectacles loin d’être convenus et qui poussent à la réaction et à la réflexion.

Extase. Le plus direct est sans doute le duo Pâquerette, présenté par François Chaignaud et Cecilia Bengolea. Poursuivant les débats engagés autour de la nudité et des hiérarchies entre les différentes parties du corps, la pièce s’empare de l’anus et de la question de la pénétration. Ça commence avec l’installation des spectateurs dans la salle. Recouverts de tentures, en princesse et prince déçus, le duo exhibe par le son et de légers déplacements dans le corps les attitudes de l’extase et de la jouissance. C’est très doux, intérieur, sans jeu théâtral. Progressivement, les étoffes laissent apparaître les corps nus. On comprend alors que le fondement de la chorégraphie se trouve dans l’anus, une partie du corps que la chorégraphie avait jusque-là épargnée.

Avec chacun un godemichet fiché là où l’on sait, avec une partie apparente et l’autre enfouie, François Chaignaud et Cecilia Bengolea bougent d’une tout autre façon que si leurs parties intimes n’étaient pas concernées. En désexualisant cette partie érogène pour la faire fonctionner comme un muscle chorégraphique, ils touchent à la représentation puritaine du corps. Les images produites n’ont rien de choquant. On est bouche bée, dans une relation complètement organique avec les danseurs. On s’amuse aussi à l’idée de penser, assis, que la sexualité siège sur un sex-toy. Pâquerette est politique, abordant la question des zones interdites. L’aspect performance ne fait qu’ajouter au suspense. Le regard est pris autrement et l’ensemble du spectacle, maîtrisé, a un charme fou.

Femme des bois. C’est pas pour les cochons !, de Kataline Patkaï et Yves-Noël Genod, dans un univers plus théâtral, réveille aussi la capacité d’émerveillement. La collaboration entre la danseuse-scénographe et le metteur en scène, auteur et comédien est une invitation au voyage au pays du gel et des gentils animaux. Alors qu’en image de conte d’hiver, la danseuse vaque à ses occupations quotidiennes de femme des bois silencieuse, Yves-Noël Genod, dandy urbain, est un rôdeur qui vient renifler scène et salle. Dans sa gibecière un texte qui convoque Rousseau ou Baudelaire, quand il ne muse pas sur des vedettes comme Bartabas.

Là aussi, avec le pianiste Pierre Courcelle et un gentil garçon de ferme, Yvonnick Muller, on est conduit hors de la chorégraphie conventionnelle. Il y a une beauté sauvage, y compris dans le traitement des vues enneigés. C’est un conte réparateur. Et tout cela arrive à Vanves parmi les immeubles, en plein hiver noir, au moment même où les yeux embués cherchent une petite lumière consolatrice. Ici, on est servi.

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