Tout arrive (France Culture)
Autre spectacle du OFF, Le Parc intérieur mêle poésie absolue et grande trivialité. A voir à la Condition des soies dans une mise en scène du comédien performer Yves-Noël Genod.
(Table ronde)
(Arnaud Laporte)
...On va rester dans le Off avec quelqu'un qu'on connaît bien, YNG qui s'ra d'ailleurs l'invité de Laurent Goumarre tout à l'heure dans Le Rendez-vous, à 19h10. Un artiste dont on suit régulièrement le travail. Il est présent dans le Off du festival d'Avignon. On imagine qu'il aurait aussi bien sa place dans le In. Alors, qu'est-ce que c'est que cette proposition-là, tiens, Gwénola David, celle d'YNG ,avant qu'on en entende un cours extrait... Mise en situation ?
Alors, c'est une variation sur V & A de Shakespeare, mais à la façon d'YNG. C'est-à-dire qu'il a toujours une façon de se mettre en scène aussi lui-même, de mêler la scène, le poème et ce qu'il est en tant qu'artiste. Il fait une lecture un peu particulière où on est accueilli dans la Condition des soies, dans cet espace très particulier, circulaire, où le son varie selon l'endroit où l'on se place. Donc on a toute une variation aussi au cours du poème au fil des déplacements d'YNG. Et puis on est très bien accueilli : c'est par une coupe de champagne que l'on nous reçoit, donc c'est jamais désagréable.
- On est reçu par une coupe de champagne et saluer au chapeau tendu pour effectivement donner pour ce spectacle. Alors je ne sais lequel des émérites techniciens de Radio France était au spectacle, mais voici un extrait de ce spectacle d'YNG.
(Extrait)
- Sophie Joubert ?
Oui, j'trouve que c'est l'un des plus beaux spectacles de ce festival, c'est émouvant, c'est généreux, c'est gracieux, c'est très intelligent. YNG est comédien et performeur. Il a travaillé notamment avec Claude Régy. D'ailleurs, il cite beaucoup Régy dans ce spectacle, il dit tout ce qu'il lui doit. Et moi, j'lavais vu plutôt en tant que metteur en scène, donc une présence très discrète, comme ça, et, là, j'l'ai vraiment découvert en tant que comédien, beaucoup plus humble que ce qu'il est d'habitude parce que je le connaissais plutôt comme une espèce de clown portant une côte de maille avec un anorak jaune fluorescent ou bleu vif - rien de tout ça, ici. On découvre YNG dans ce très bel endroit qui est la Condition des soies. C'est une salle circulaire avec des échelles et YNG dit, à un moment, qu'ça fait penser au Dépeupleur de Beckett ; avec ces échelles, on ne peut pas s'échapper de cette salle... Alors, c'qui est intéressant, c'est que on ne voit pas tous les jours le même spectacle. YNG invite chaque jour un performeur, un comédien pour faire une espèce de mini première partie. Alors je pense que, tous les trois, on n'a pas vu la même chose. Moi, j'ai vu un comédien venir offrir du champagne ou de l'eau pétillante au public et puis, à un moment, ce comédien ressurgira en haut, dans une fenêtre, et urinera sur le plateau... Donc, là, c'est vraiment la marque d'YNG... Mais en tout cas, ce comédien est aussi un monsieur Loyal qui va introduire "le grand, le sans scrupule, l'escroc, le Giacometti du spectacle, la blondasse, la follasse YNG" et, en effet, il y a un mélange, dans ce spectacle, de poésie absolue et de grande trivialité. Et il fait parvenir parfaitement ce poème de Shakespeare. Il le fait parvenir un p'it peu comme une explication de texte avec des digressions. C'est-à-dire qu'il parle de lui, il va éclaircir un point de traduction, il va faire entendre le cri d'un insecte dont parle Shakespeare dans l'poème, il va parler de Marguerite Duras de Nathalie Sarraute... Voilà, tout ça forme une espèce de portrait d'YNG et, en même temps, on entend parfaitement ce texte de Shakespeare.
- Et on a pas encore dit le titre de ce spectacle, Sophie Joubert ?
Le Parc Intérieur, variation sur le poème de Shakespeare V&A.
- Patrick Sourd ?
Alors... On peut essayer d'donner une petite explication...
- Attention, il a sorti ses carnets, Patrick Sourd.
...du Parc intérieur... Non parce que j'ai pris des notes
- Exactement.
Et donc Vénus disant à Adonis : "Que je sois le parc, tu y seras mon cheval". Donc, en fait. Voilà.
- C'est limpide.
C'est limpide. (Rire.) Parce qu'en fait, toute l'histoire entre Vénus et Adonis, c'est que Adonis refuse les avance de Vénus pendant tout l'poème...
- Ah bon ?
Exactement. Et il n'se passe strictement rien, il en veut pas. Et, en fait, il en veut pas parce qu'il a peur de s'faire manger. Et la seule chose qui s'passe dans ce poème qui est magnifique, c'est que le soleil se lève au début du poème et se couche à la fin. Et voilà. Eh bien. En fait, ben, je l'fais un peu comme Yves-Noël, là, parce que, en fait, on est...
- Vous l'appelez Yves-Noël, vous ?
Oui. Il appréciera. On est entre le salon littéraire et l'explication d'texte Lagarde et Michard, par exemple, ou des choses comme ça... Et donc on passe de l'un à l'autre. Y a aussi des moments où... Il dit une jolie chose sur Régy, il dit : "J'ai appelé Claude Régy pour lui dire que j'étais très angoissé d'faire ce spectacle..." Et il lui raconte que, bon, l'entrée est gratuite et qu'à la fin y aura un seau à champagne qui s'ra à la porte où les gens mettront des sous... Et il lui dit qu'il a très peur de l'échec, quoi... Et Régy lui dit : "Ben, écoute, si, dans l'seau à champagne, y a des chèques, garde-moi l'échec..."
(Rires.)
Et voilà. Donc on rebondit en permanence sur des choses comme ça, sur le texte, et c'est vrai que YNG a vraiment une très grande propension à nous faire rentrer dans cette poésie avec énormément d'envie, de désir, de nous en sortir, de nous y ramener. C'est très, très léger. C'est très agréable.
- Et c'est à quelle heure ?
C'est à dix-huit...
C'est à dix-huit heures. C'est à dix-huit heures.
- J'ai pas demandé, j'vais d'mandé à Gwenola juste son sentiment de départ.
Oui, je trouve qu'YNG parvient parfaitement à nous faire goûter cette poésie, alors non pas forcément dans une démarche d'explication de texte qui serait un p'tit peu scolaire "Lagarde et Michard", surtout parce qu'il le mêle sans cesse à des reflexions, des digressions... Il le mêle au présent. C'est-à-dire qu'on est sans cesse ramené au partage du temps présent du poème et avec une façon de désacraliser, d'une certaine façon, cette poésie - cette poésie qui est très emphatique - de la désacraliser par une emphase de la position d'l'artiste, mais, dans ce jeu-là, on arrive, nous, à percevoir ce qui se joue quand on lit un poème, quand ça fait écho en nous et c'est ce moment partagé que j'ai trouvé absolument magnifique.
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(Table ronde)
(Arnaud Laporte)
...On va rester dans le Off avec quelqu'un qu'on connaît bien, YNG qui s'ra d'ailleurs l'invité de Laurent Goumarre tout à l'heure dans Le Rendez-vous, à 19h10. Un artiste dont on suit régulièrement le travail. Il est présent dans le Off du festival d'Avignon. On imagine qu'il aurait aussi bien sa place dans le In. Alors, qu'est-ce que c'est que cette proposition-là, tiens, Gwénola David, celle d'YNG ,avant qu'on en entende un cours extrait... Mise en situation ?
Alors, c'est une variation sur V & A de Shakespeare, mais à la façon d'YNG. C'est-à-dire qu'il a toujours une façon de se mettre en scène aussi lui-même, de mêler la scène, le poème et ce qu'il est en tant qu'artiste. Il fait une lecture un peu particulière où on est accueilli dans la Condition des soies, dans cet espace très particulier, circulaire, où le son varie selon l'endroit où l'on se place. Donc on a toute une variation aussi au cours du poème au fil des déplacements d'YNG. Et puis on est très bien accueilli : c'est par une coupe de champagne que l'on nous reçoit, donc c'est jamais désagréable.
- On est reçu par une coupe de champagne et saluer au chapeau tendu pour effectivement donner pour ce spectacle. Alors je ne sais lequel des émérites techniciens de Radio France était au spectacle, mais voici un extrait de ce spectacle d'YNG.
(Extrait)
- Sophie Joubert ?
Oui, j'trouve que c'est l'un des plus beaux spectacles de ce festival, c'est émouvant, c'est généreux, c'est gracieux, c'est très intelligent. YNG est comédien et performeur. Il a travaillé notamment avec Claude Régy. D'ailleurs, il cite beaucoup Régy dans ce spectacle, il dit tout ce qu'il lui doit. Et moi, j'lavais vu plutôt en tant que metteur en scène, donc une présence très discrète, comme ça, et, là, j'l'ai vraiment découvert en tant que comédien, beaucoup plus humble que ce qu'il est d'habitude parce que je le connaissais plutôt comme une espèce de clown portant une côte de maille avec un anorak jaune fluorescent ou bleu vif - rien de tout ça, ici. On découvre YNG dans ce très bel endroit qui est la Condition des soies. C'est une salle circulaire avec des échelles et YNG dit, à un moment, qu'ça fait penser au Dépeupleur de Beckett ; avec ces échelles, on ne peut pas s'échapper de cette salle... Alors, c'qui est intéressant, c'est que on ne voit pas tous les jours le même spectacle. YNG invite chaque jour un performeur, un comédien pour faire une espèce de mini première partie. Alors je pense que, tous les trois, on n'a pas vu la même chose. Moi, j'ai vu un comédien venir offrir du champagne ou de l'eau pétillante au public et puis, à un moment, ce comédien ressurgira en haut, dans une fenêtre, et urinera sur le plateau... Donc, là, c'est vraiment la marque d'YNG... Mais en tout cas, ce comédien est aussi un monsieur Loyal qui va introduire "le grand, le sans scrupule, l'escroc, le Giacometti du spectacle, la blondasse, la follasse YNG" et, en effet, il y a un mélange, dans ce spectacle, de poésie absolue et de grande trivialité. Et il fait parvenir parfaitement ce poème de Shakespeare. Il le fait parvenir un p'it peu comme une explication de texte avec des digressions. C'est-à-dire qu'il parle de lui, il va éclaircir un point de traduction, il va faire entendre le cri d'un insecte dont parle Shakespeare dans l'poème, il va parler de Marguerite Duras de Nathalie Sarraute... Voilà, tout ça forme une espèce de portrait d'YNG et, en même temps, on entend parfaitement ce texte de Shakespeare.
- Et on a pas encore dit le titre de ce spectacle, Sophie Joubert ?
Le Parc Intérieur, variation sur le poème de Shakespeare V&A.
- Patrick Sourd ?
Alors... On peut essayer d'donner une petite explication...
- Attention, il a sorti ses carnets, Patrick Sourd.
...du Parc intérieur... Non parce que j'ai pris des notes
- Exactement.
Et donc Vénus disant à Adonis : "Que je sois le parc, tu y seras mon cheval". Donc, en fait. Voilà.
- C'est limpide.
C'est limpide. (Rire.) Parce qu'en fait, toute l'histoire entre Vénus et Adonis, c'est que Adonis refuse les avance de Vénus pendant tout l'poème...
- Ah bon ?
Exactement. Et il n'se passe strictement rien, il en veut pas. Et, en fait, il en veut pas parce qu'il a peur de s'faire manger. Et la seule chose qui s'passe dans ce poème qui est magnifique, c'est que le soleil se lève au début du poème et se couche à la fin. Et voilà. Eh bien. En fait, ben, je l'fais un peu comme Yves-Noël, là, parce que, en fait, on est...
- Vous l'appelez Yves-Noël, vous ?
Oui. Il appréciera. On est entre le salon littéraire et l'explication d'texte Lagarde et Michard, par exemple, ou des choses comme ça... Et donc on passe de l'un à l'autre. Y a aussi des moments où... Il dit une jolie chose sur Régy, il dit : "J'ai appelé Claude Régy pour lui dire que j'étais très angoissé d'faire ce spectacle..." Et il lui raconte que, bon, l'entrée est gratuite et qu'à la fin y aura un seau à champagne qui s'ra à la porte où les gens mettront des sous... Et il lui dit qu'il a très peur de l'échec, quoi... Et Régy lui dit : "Ben, écoute, si, dans l'seau à champagne, y a des chèques, garde-moi l'échec..."
(Rires.)
Et voilà. Donc on rebondit en permanence sur des choses comme ça, sur le texte, et c'est vrai que YNG a vraiment une très grande propension à nous faire rentrer dans cette poésie avec énormément d'envie, de désir, de nous en sortir, de nous y ramener. C'est très, très léger. C'est très agréable.
- Et c'est à quelle heure ?
C'est à dix-huit...
C'est à dix-huit heures. C'est à dix-huit heures.
- J'ai pas demandé, j'vais d'mandé à Gwenola juste son sentiment de départ.
Oui, je trouve qu'YNG parvient parfaitement à nous faire goûter cette poésie, alors non pas forcément dans une démarche d'explication de texte qui serait un p'tit peu scolaire "Lagarde et Michard", surtout parce qu'il le mêle sans cesse à des reflexions, des digressions... Il le mêle au présent. C'est-à-dire qu'on est sans cesse ramené au partage du temps présent du poème et avec une façon de désacraliser, d'une certaine façon, cette poésie - cette poésie qui est très emphatique - de la désacraliser par une emphase de la position d'l'artiste, mais, dans ce jeu-là, on arrive, nous, à percevoir ce qui se joue quand on lit un poème, quand ça fait écho en nous et c'est ce moment partagé que j'ai trouvé absolument magnifique.
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