« A force de
s’intéresser à tout, le Parisien finit par ne s’intéresser à rien. Aucun
sentiment ne dominant sur sa face usée par le frottement, elle devient grise
comme le plâtre des maisons qui a reçu toute espèce de poussière et de fumée.
En effet, indifférent la veille à ce dont il s’enivrera le lendemain, le
Parisien vit en enfant quel que soit son âge. Il murmure de tout, se console de
tout, se moque de tout, oublie tout, veut tout, goûte à tout, prend tout avec
passion, quitte tout avec insouciance ; ses rois, ses conquêtes, sa gloire, son
idole, qu’elle soit de bronze ou de verre ; comme il jette ses bas, ses
chapeaux et sa fortune. A Paris, aucun sentiment ne résiste au jet des choses,
et leur courant oblige à une lutte qui détend les passions : l’amour y est un
désir, et la haine une velléité ; il n’y a là de vrai parent que le billet de
mille francs, d’autre ami que le Mont-de-Piété. Ce laisser-aller général porte
ses fruits ; et, dans le salon, comme dans la rue, personne n’y est de trop,
personne n’y est absolument utile, ni absolument nuisible : les sots et les
fripons, comme les gens d’esprit ou de probité. Tout y est toléré, le
gouvernement et la guillotine, la religion et le choléra. »
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