Thursday, December 01, 2016

« Mais écrire [jouer] participe du bavardage essentiel qui fait que les choses sont tirées dans la vie, prennent forme un instant. Novalis avait vraiment raison d’écrire cette phrase que je ne cesse de remâcher depuis quelque temps : « le bavardage à bâtons rompus et son laisser-aller si dédaigné sont justement le côté infiniment sérieux de la langue ». Il est infiniment sérieux de papoter — c’est-à-dire d’inventer dans le « laisser-aller » des zones impromptues du partage. »

Labels:

L e Metteur à poil


Je suis dans une caravane, de nouveau, dans le froid, dans le chaud, dans le tiède et je lis, dans l’adaptation du Mahabharata de Jean-Claude Carrière : « La mort ne tue personne ». J’ai acheté ce livre parce que Tanguy m’a montré une page qui l’avait touchée quand je lui ai parlé de la mort prochaine de mon père. J’ai pensé à la faire lire (et tout le livre) à mon père et, maintenant, j’ai aussi envie de donner ce livre à mes neveux, le Mahabharata.
C’est dans un chapitre qui s’appelle Le jeune homme éternel. « La mort est comme un tigre cachée dans les herbes. Nous créons des enfants pour la mort. Mais la mort ne dévore pas l’homme qui a secoué sa poussière, elle ne peut rien contre l’éternité. Le vent, la vie viennent de l’infini, la lune boit le souffle de vie, le soleil boit la lune et l’infini boit le soleil. Le sage prend son vol au milieu des mondes. Quand son corps est détruit, quand il n’en reste plus trace, c’est la mort elle-même qui est détruite, et il contemple l’infini. Je me suis dit adieu à moi-même et je me vois dans tous les êtres, je suis tout ce qui n’est pas encore, je suis l’ancêtre, je suis l’espace, la cause de ma naissance c’est moi, je suis la limite de tout, infatigable, impérissable. » Je lirai ce texte à la crémation. J’aurais préféré l’enterrement. J’aime beaucoup les cimetières, l’endroit, la place (sans compter que pour les anthropologues des temps futurs, s’ils ne trouvent pas de squelettes à déterrer…) Mais mes parents préfèrent l’incinération à l'inhumation. Je trouve ça dommage, mais je lirai ce texte.  
« — C’est toi le jeune homme éternel ?
— C’est moi.
— D’où viens-tu ?
— Je ne viens de nulle part. Je suis là.
— Tu as dit : la mort n’existe pas ?
— Je l’ai dit.
— Pourtant même les dieux pratiquent des pénitences pour obtenir de ne pas mourir.
— Les deux choses sont vraies, répondit le jeune homme. Les poètes estiment la mort, ils la chantent, mais moi je dis que la mort est la négligence, qu’elle est l’ignorance, et que la vigilance est l’immortalité.
Il se mit à marcher lentement autour du lit de flèches. Bhishma ferma les yeux pour l’écouter. 
Il disait ceci :
— La mort est comme un tigre caché dans les herbes. »

Stage chez Maguy Marin, dans la banlieue de Lyon, réintitulé : ONSELESCAILLE! (c'est le nouveau titre du stage) (un petit coucou à mes étudiants parisiens)



R erun : lundi et mardi

S on étoile


Quand Kataline Patkaï m’a proposé de donner une performance dans ce nouveau lieu comme « réel », le café Pas si loin, au bord du périphérique à Pantin, porte de la Villette, c’était au printemps dernier, j’avais du temps, j’ai proposé : « Et pourquoi pas un cours ? un cours régulier… » L’expérience — après deux cours de préfiguration en juin — a été tentée sur la saison d’automne, tous les lundi et mardi, de septembre à décembre un cours d’interprétation de trois heures intitulé JOUER COMME GERARD, les étudiants  viennent quand ils peuvent, quand ils veulent, c’est 5€ le cours. Maintenant, je peux déjà dire que c’est une expérience magnifique, idéale d’ailleurs, au milieu de ce café plein de vitrines sur la rue, le carrefour, le quartier « sensible » comme disent les politiciens. Nous avons laissé la lumière naturelle, nous avons avancé peu à peu l’horaire dans l’après-midi pour célébrer cette heure d’entre chien et loup que j’ai toujours aimée, « Il y eut un soir… » Le 5 et le 6 décembre, ce sont les derniers cours et nous les ouvrons au public. Les beautés que nous voyons naître jour après jour, d’une manière très consciencieuse,  divine, très précise, très ouverte, comment ne pas avoir envie de les partager avec vous ? C’est tellement fait pour le partage, jouer ! Vous viendrez jouer avec nous à jouer ? Car il y a le réel et, finalement, c’est un jeu. Un jeu de peu, un jeu de Dieu. Ça joue, ça ne demande que ça, les êtres et les choses et les prisons et les vitrines et il y a du jeu partout et on joue avec ce jeu, ce mica, ce miracle, ce miroitement craintif et sensible comme une bête, une bestiole, ça joue à jouer avec les bêtes et les bouts de béton, de métal, les miroirs et les cheveux et les voix — et les fragments de peau et de cornée, — par exemple, le poète, il dit : « Quand tu en déchires sans bruit le tissu pour que respire son étoile de quel côté du réel es-tu » Et le poète, il ne met pas de point d’interrogation, le poète, non, parce qu’il n’y a pas de question et pas de réponse —
Les 5 et 6 décembre, à 14h30 (durée : trois heures), 1, rue Berthier, à Pantin. Participation : 5€