« Dans ce val solitaire
et sombre
Le cerf qui brame au bruit de
l'eau,
Penchant ses yeux dans un
ruisseau,
S'amuse à regarder son ombre.
De cette source une Naïade
Tous les soirs ouvre le
portail
De sa demeure de cristal
Et nous chante une sérénade.
Les Nymphes que la chasse
attire
À l'ombrage de ces forêts
Cherchent des cabinets
secrets
Loin de l'embûche du Satyre.
Jadis au pied de ce grand
chêne,
Presque aussi vieux que le
Soleil,
Bacchus, l'Amour et le
Sommeil
Firent la fosse de Silène.
Un froid et ténébreux silence
Dort à l'ombre de ces
ormeaux,
Et les vents battent les
rameaux
D'une amoureuse violence.
L'esprit plus retenu s'engage
Au plaisir de ce doux séjour,
Où Philomèle nuit et jour
Renouvelle un piteux langage.
L'orfraie et le hibou s'y
perchent,
Ici vivent les loups-garous ;
Jamais la justice en courroux
Ici de criminels ne cherche.
Ici l'amour fait ses études,
Vénus dresse des autels,
Et les visites des mortels
Ne troublent point ces
solitudes.
(…)
À l'ombrage de ce bois sombre
Hyacinthe se retira,
Et depuis le Soleil jura
Qu'il serait ennemi de
l'ombre.
(…)
D'une fierté pleine d'amorce,
Ce beau visage a des regards
Qui jettent des feux et des
dards
Dont les Dieux aimeraient la
force.
Que ton teint est de bonne
grâce !
Qu'il est blanc, et qu'il est
vermeil !
Il est plus net que le
Soleil,
Et plus uni que de la glace,
Mon Dieu ! que tes cheveux me
plaisent !
Ils s'ébattent dessus ton
front
Et les voyant beaux comme ils
sont
Je suis jaloux quand ils te
baisent.
Belle bouche d'ambre et de
rose
Ton entretien est déplaisant
Si tu ne dis, en me baisant,
Qu'aimer est une belle chose.
D'un air plein d'amoureuse
flamme,
Aux accents de ta douce voix
Je vois les fleuves et les
bois
S'embraser comme a fait mon
âme.
Si tu mouilles tes doigts
d'ivoire
Dans le cristal de ce
ruisseau,
Le Dieu qui loge dans cette
eau
Aimera, S'il en ose boire.
Présente-lui ta face nue,
Tes yeux avecques l'eau
riront,
Et dans ce miroir écriront
Que Vénus est ici venue.
(…)
Prête-moi ton sein pour y
boire
Des odeurs qui m'embaumeront
;
Ainsi mes sens se pâmeront
Dans les lacs de tes bras
d'ivoire.
Je baignerai mes mains
folâtres
Dans les ondes de tes cheveux
Et ta beauté prendra les
voeux
De mes oeillades idolâtres.
(…)
Ma Corine, que je t'embrasse
!
Personne ne nous voit
qu'Amour ;
Vois que même les yeux du
jour
Ne trouvent point ici de
place.
Les vents, qui ne se peuvent
taire,
Ne peuvent écouter aussi,
Et ce que nous ferons ici
Leur est un inconnu
mystère. »
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