(…)
Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts
wir trinken dich mittags der Tod ist ein Meister aus Deutschland
wir trinken dich abends und morgens wir trinken und trinken
der Tod ist ein Meister aus Deutschland sein Auge ist blau
er trifft dich mit bleierner Kugel er trifft dich genau
ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete
er hetzt seine Rüden auf uns er schenkt uns ein Grab in der Luft
er spielt mit den Schlangen und träumet der Tod ist ein Meister aus Deutschland
dein goldenes Haar Margarete
dein aschenes Haar Sulamith
Emménage dans la nuit, emmure-toi dans la nuit… La famille au complet dort. Elle dort, la famille au complet dans le pays au complet, montagneux et rocheux, neigeux et seigneur, nuageux et nocturne, sans un bruit et fidèle, la nuit de la maison, le masochisme de la maison, la parole enfin faconde de la maison, elle dort la maison. Les bêtes sont oubliées, mouillées, babillardes… Au repos, sans travail, ni le grand Frankenstein (la créature) ni le vent ni le mort – ne mord. Emménage-toi à reculons. Fais pleurer ta sœur. Fais pleurer ton cœur.
Il n’y a pas de précipitation. Au milieu de tout, il y a tout. Aller et venir. (A quoi bon ?) C’est simple et c’est tout. Rien ne change (de l’essentiel). Alors, la mort. Oui, l’attendre (au tournant). En attendant, vivre sans vivre, juste laisser sourire et avec la chance – vivre. Les améliorations (du monde) sont délicates et secrètes. Elles ne sont pas une question d’argent.
Sur le long du chemin autour du lac, un bruit de lumière. Les enfants de la matière. Ils rient. Ils courent. Ils glissent. Ils s’approchent. Ils font tout ce que les ours ou les sangliers font. Ludwig Wittgenstein a donné l’autorisation (mais le comte de Lautréamont l’avait donnée avant…) Il y avait : « Bonjour, Monsieur », il y avait la séance photo près de la rivière, il y avait la rivière qui n’avait pas de voix, mais qui s’appelait la Reyssouse. (La Reyssouse est une rivière française qui coule dans le département de l’Ain.) Les enfants s’éloignaient, revenaient, se calmaient. Le froid mordait et s’appesantissait vers le soir, vers la nuit.
L’émotion était pour toujours personnelle. On ne savait plus de quoi on parlait, de quel désert, de quel hôtel. Quelqu’un se brossait les dents, encore sur le palier. La femme qui tapait fort sur son clavier d’ordinateur s’était éloignée. Ça avait été un moment… (Mais elle était trop décidée, trop décidée à régner – malgré sa maladresse (ça avait été son charme).) Maintenant les noms exilés, indistincts, non pas silencieux, mais insonores, non bruyants, les noms… Je cherchais le mot, je cherchais un verbe. Il n’y en avait plus. Les noms s’étaient éloignés, c’est tout. Ils n’avaient pas disparu. Mais ils s’étaient rapprochés de leur forme définitive sans soleil et sans lumière, leur forme muette, de naufrage et de brouillard. Ce n’était pas malheureux pour eux. Ni pour nous. Ça avait dégagé l’espace. Ludwig Wittgenstein avait donné l’autorisation. (Mais le comte de Lautréamont aussi bien.) Il y avait la lumière autour du lac qui rampait, qui rampait, qui rampait. Et nous étions allés au lac. Nous étions sortis. Et maintenant nous faisions le tour du lac, à l’inverse des aiguilles d’une montre. Nous avions hésité, mais nous l’avions fait, entraînés par les enfants. Solal essayait d’empêcher sa sœur de s’approcher trop près de l’eau. Il criait en la retenant par l’anorak. (Elle voulait courir.) (Il y avait un toboggan comme l’été : elle voulait s’y jeter.) « Avec des noms, imbibés / de tout exil », disait le poète. C’était ça : des noms
imbibés de tout exil. Et il ajoutait : « Avec noms et semences, / avec des noms plongés /dans tous » Et on parlait de la petite fille éthiopienne, celle qui était arrivée à quatre mois, à Angers, chez des sœurs (en attendant), celle qui avait immédiatement souri – et sa mère avait signé avec son empreinte digitale. Dans la voiture, ensuite, une panne d’essence. Forêt de Brocéliande. Excusez-moi d’employer des mots un peu chargés (mais Lautréamont aussi bien…) Maintenant, les gens vivaient en Grèce.
Parents indescriptibles (et qui ne se ressemblent pas). On ne fait plus de photo. C’est difficile. Il faudrait, pour faire des photos, qu’ils se tiennent tranquilles. Hors, ils galopent vers la mort, presque inconsciemment. C’est ce qu’on voit, de notre point de vue. (Je dirais.)
Pourquoi galoper ? Pourquoi pas ? C’est la vitesse de la vie. La vitesse de la terre. On est sur cette boule de feu, alors, lancée dans l’espace et qui roule à tout berzingue, roule, alors. Mais dire des choses un peu fatales n’est pas ce pour quoi je suis payé, non, alors je vais me taire.
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