Thursday, April 03, 2008

Yves-Noël Genod se met à nu avec le cadavre exquis d'Hamlet

Critique
Yves-Noël Genod se met à nu avec le cadavre exquis d'Hamlet
LE MONDE. | 02.04.08. | Rosita Boisseau. | 353 mots.

Un ballet sonore à la Ménagerie de verre, à Paris.






Hamlet, évidemment ! Quel personnage théâtral peut mieux habiller le comédien et metteur en scène Yves-Noël Genod, à l'affiche du festival Etrange Cargo de la Ménagerie de verre à Paris ? Déshabiller serait d'ailleurs le terme le plus juste pour cet ancien interprète de Claude Régy, passé du côté de la danse, qui adore jouer cul nu tant que faire se peut. Quant à se mettre à nu, cela va de soi pour cet homme dont la matière première spectaculaire est lui, lui, encore lui, sa vie, son oeuvre, sa femme, et la fiction qu'il peut en tirer.

Hamlet, donc ! Le prototype shakespearien est aussi le syndrome de l'acteur, le point de rencontre explosif de l'art et de la vie placé sous le signe de la défaite. Comment changer le monde en plein chaos ? Yves-Noël Genod appelle Hamlet à la rescousse mais n'a pas déniché l'allié le plus battant qui soit. Son héros ressortit plutôt au cas désespéré en train d'errer à poil sur les décombres de sa vie comme si on lui avait vidé une poubelle dessus.


Hamlet décoiffé par la mise en scène d'Yves-Noël Genod (M. Domage)

Hamlet, et puis quoi encore ? Ils sont neuf interprètes (six hommes et trois femmes) à l'incarner, mais aussi à se souvenir de bribes de textes, de rôles anciens, signés Corneille, Ronsard, Hélèna Villovitch... Que reste-t-il d'une existence de comédien sinon des mots tellement appris par coeur qu'ils ressortent sans qu'on ait besoin de s'en souvenir, des personnages, des voix. Chez Genod, l'acteur est une enveloppe vide et le théâtre un art des fantômes.
Présenté à la Grande Halle de La Villette, dans le cadre du festival 100 Dessus Dessous en décembre 2007, Hamlet reprend du service. Il se vide du bazar qui occupait le plateau pour devenir un ballet sonore. A l'origine, Yves-Noël Genod, dont on connaît l'extravagance sans frein, devait faire un remake de La Planète des singes, mais le projet s'est finalement transformé en Hamlet. Un singe parle à un crâne et l'odyssée Genod s'élance. Proche d'un cadavre exquis de citations et de références qui se télescopent d'un comédien à l'autre, Hamlet est un tombeau théâtral. Evidemment.

Hamlet, d'Yves-Noël Genod. Ménagerie de verre, 11, rue Léchevin, Paris-11e. Mo Parmentier ou Saint-Ambroise. Tél. : 01-43-38-33-44. Jusqu'au 5 avril, à 20 h 30. De 10 € à 13 €.



Rosita Boisseau

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Ann Demeulemeester

Oui, je fais du shopping pour mon mec






Je sais que vous n’allez pas le croire, mais mon nouveau petit ami est presque mannequin. Je veux dire, ce n’est pas son métier, mais s’il voulait, il pourrait poser pour une de ces photos pleine page que l’on rencontre dans GQ, vous savez, juste après la couverture et un peu avant le sommaire. Il a parfaitement le physique pour ça. Grandes jambes, grands bras, visage très spécial et intéressant… Pour le torse et les abdos, un peu de muscu n’y ferait pas de mal, mais justement, il va bientôt s’y mettre.
À moi, évidement, ça donne envie de lui acheter plein d’accessoires pour jouer à la poupée. Mais comment choisir ses vêtements sans m’exposer à un échec cinglant ? Pour préparer ma surprise, je me suis discrètement renseignée sur ses goûts. « Qu’est-ce que tu aimes, comme matière ? » lui ai-je demandé.
Lui : « Eh bien, j’adore l’histoire-géo. »
Moi : « Vraiment ? C’est formidable. Mais je veux dire, euh, comme tissu ? »
Lui : « Pour les vêtements, que des matières naturelles. Soie, cashmere, laine. »
Moi : « Coton ? »
Lui : « Du coton, éventuellement, mais alors très très très fin. Tu as l’intention de m’offrir quelque chose ? »
Moi : « Non, pas du tout. Mais juste pour savoir, que penses-tu des motifs fleuris pour les chemises d’homme ? »
Lui : « Ben, ça fait un peu tapette, non ? »
N’osant en croire mes oreilles, j’ai jeté un coup d’œil vers mon nouveau petit ami, moulé dans un jean argenté, sa chemise rose pâle ouverte sur une très jolie absence de poils. Depuis que Hedi Slimane a déserté Dior homme, mon nouveau petit ami est très embêté, il n’a plus que des vieilleries à se mettre.
« Tu as raison, ai-je admis. Il faut laisser les fleurs aux femmes. Pour qu’il leur reste quelque chose. »
L’autre jour, mon nouveau petit ami devant s’absenter quelques jours pour son travail, j’en ai profité pour me lancer. Mais dans les rayons du grand magasin, j’ai réalisé que je n’y connaissais rien en tailles de chemises. Qu’il est impossible d’acheter un pantalon sans l’essayer. Et que, de toute manière, les prix dépassaient tout ce que j’avais imaginé. J’allais abandonner, lorsque j’ai eu l’idée des sous-vêtements. Et là, je ne me suis pas dégonflée. J’ai pris des chaussettes bleu nuit en fil d’écosse, des slips en coton si fin qu’il en devient transparent et même, une folie, un petit foulard gris perle en soie naturelle.
Lorsque j’ai ouvert la porte de mon appartement à mon nouveau petit ami, j’ai tout de suite noté qu’il portait une luxueuse boîte en carton et des grands sacs en plastique. Je me sentais un peu mesquine avec mes cadeaux microscopiques.
« Regarde ça ! » a t-il rugi en se ruant sur ses paquets, qu’il a ouvert avec une sauvagerie atténuée par le soin qu’il prenait à ne rien abîmer. Des emballages luxueux, il a sorti une paire de bottes en cuir noir insensées de simplicité ; un top (oui, mon nouveau petit ami utilise le mot top) noir et blanc incroyablement sophistiqué ; un bizarre petit machin rond au bout d’une ficelle qui s’est révélé être une adorable bourse en cuir à suspendre autour du cou ; ça ne s’invente pas.
Les bottes étant en pointure 43, le top en taille L et la bourse-bijou déjà passée autour de son cou à lui, il m’a fallu admettre que ces cadeaux ne m’étaient pas destinés.
« Tu comprends, m’a t-il expliqué, comme j’étais à Bruxelles, j’ai craqué pour cette créatrice belge, Ann Demeulemeester. »
Moi : « Oui, je connais. Elle fait aussi des vêtements pour femmes. »
Lui : « Ah ? Je n’ai pas remarqué. Sans doute dans une partie de la boutique où je ne suis pas allé, alors. »
J’ai profité d’un moment où mon nouveau petit ami s’admirait dans le miroir pour cacher mes modestes présents sous le lit. En cherchant bien le lendemain, je pourrais retrouver les tickets de caisse et échanger ces trucs pour mec contre des trucs pour moi.
Beaucoup de femmes rêveraient d’avoir un petit ami aussi élégant que le mien. Il ne s’est pas fait prier trop longtemps pour retirer son fameux top et notre éloignement provisoire avait ravivé son ardeur amoureuse. Après un certain nombre de galipettes inspirées, nous nous sommes endormis jusqu’au matin.
Mon nouveau petit ami adore m’apporter le petit-déjeuner au lit, et si vous refusez de me croire, j’aimerais bien savoir ce qui vous pousse à lire mon témoignage. Ce matin-là, cependant, il tardait à se lever. « Tu ne m’as pas trouvé trop narcissique hier soir ? » m’a t-il lancé. J’ai éclaté de rire. « Toi ? Tu es Narcisse en personne, mais ça ne me dérange pas du tout ! » Comme il était un peu vexé, j’ai ajouté « Tu es tellement beau ! » Et lui, tout content : « C’est vrai ? Tu trouves ? »
C’est alors que j’ai pris conscience que l’homme nu allongé à mes côtés se tenait étrangement raide, et je ne parle pas de ce phénomène naturel observable le matin sur un pourcentage élevé de la population mâle. Non, cette raideur inhabituelle se situait au niveau des jambes, que mon voisin de lit gardait obstinément tendues, comme si quelque chose l’empêchait de les replier ; saisie d’un soupçon, j’ai soulevé vivement la couette. Je ne m’étais pas trompée.
Mon nouveau petit ami avait dormi avec ses bottes neuves.



Hélèna Villovitch



Derniers ouvrages parus : Dans la vraie vie (Editions de l’Olivier), La maison rectangulaire (Estuaire)

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À la Nouvelle Athènes chez Sylvie Coudray


Yves No de Médicis, photo d'Yves Gaudin.

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