Wednesday, July 20, 2016


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M ission impossible


La programmation du festival d’Avignon, je pensais, c’est comme la politique du gouvernement : ça pourrait être autrement. (Euphémisme.) Au théâtre, la fiction est toujours là. On croit que tout est faux. Antoine Vitez disait, par exemple : « Si un acteur vient avec une flûte sur un plateau, il faut qu'il en joue, sinon le spectateur pensera que c’est une fausse flûte ». Ce n’est pas la peine d’en rajouter, je trouve. C’est ça, la finesse : ne pas en rajouter. Personne pour remplacer Hollande ? Personne pour remplacer Py ? On a les dirigeants qu’on mérite, dit-on. Que le monde aille à sa perte, c’est la seule politique. Mais, avant d’avoir tout perdu, allez voir l’Andromaque de Gwenaël Morin à Lyon (jusqu’au 23). Il y a peu de monde. Hors, pour le théâtre, en France, c’est le meilleur, Gwen, y a pas photo. Justement, lui, il décape les fictions incessantes, les couches de vernis, pour guider jusqu’à l’os qui existe, la falaise, la vérité. Art brut.

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P anthéisme


« On lit, dans les Rubaiyat, que l'histoire de l'univers est un spectacle que Dieu conçoit, représente et contemple »

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« P arce que la machine du monde est beaucoup trop complexe pour la simplicité des hommes »


Thomas Ostermeier disait, dans le programme de La Mouette, que, malgré tous ses efforts, il n'arrivait pas à enlever la peur à ses acteurs. Je le trouvais miraculeusement modeste car le spectacle, à l’Odéon, était splendide, un des plus beaux que j’ai vu de Tchekhov. Julien Gosselin, dans une interview des « Inrocks », disait qu'il trouvait que le théâtre, son théâtre (subventionné, facile et acclamé) n'osait pas assez et, là, je lui donnais raison : je m'étais bien ennuyé à son 2666. Il est vrai que je n'en avais vu qu'une partie (deux heures quarante, quand même), la moins intéressante, m’assuraient ceux qui étaient là depuis le début de l’après-midi et que, cette partie, je l'avais vue au lendemain de l'attentat de Nice. Alors, évidemment, on avait beau m'égrainer la liste des victimes des assassinats (bien connus) de la frontière mexicaine, cette tentative de récupération de la réalité par la fiction m’apparaissait désespérée. Avec l’attentat de Nice (mais aussi avec le faux coup d’Etat d’Ankara, etc., les Panama Papers, l’ignominie de la classe politique au service des intérêts privés, le cauchemar des migrants dans les serres de la police, etc., etc. — d’ailleurs où sont les artistes pour les défendre ? — il paraît qu’ils se sont tous rangés comme un seul homme, les Ariane Mouchkine, tout ça, derrière Anne Hidalgo, la maire de Paris, quand, après une pétition, elle les a tous appelés au téléphone (Je m’occupe de vous personnellement) —) oui, après l’attentat, on n'a pu que penser : « La réalité dépasse la fiction ». De la fiction, de la fiction, de la fiction, le théâtre n'avait-il donc rien d'autre à offrir ? Des séries télé (elles sont mieux à la télé). J’étais encore une fois étonné de sentir ce public de théâtre qui « avalait », comme le disait Joëlle Léandre dans une performance du Sujet à vif, tout ce qu'on lui racontait. « Qu’est-ce qu’on nous fait pas avaler ! », elle disait. Storytelling. Public si généreux, si stupide aussi, d’Avignon, naïf comme un enfant. De la fiction, de la fiction, de la fiction, mais n’importe quel récit lié aux attentats, sur les sites d’information, est plus émouvant que ce que vous voulez bien nous en raconter. J’étais déçu car j'aurais bien voulu avoir, dans le théâtre, un jeune ami qui fasse des blockbusters ; ça m'aurait plu. Ça aurait témoigné de mon ouverture d’esprit. Aussi parce que nous avons quelque chose en commun, Julien Gosselin et moi. A la question : « L’idéal de vacances sur terre… » Julien Gosselin avait répondu : « Lire les quotidiens-papier, au café, protégé du vent, dans n’importe quelle île bretonne » — c’est aussi mon idéal. Aurore, toute nouvelle amie, et Tanguy, ami pour toujours, m’avaient coup sur coup parlé de l’île d’Hœdic que je ne connaissais pas encore. Mais j’aimais tellement Ouessant où Olivier Py a (sans doute toujours) une maison magnifique, mitoyenne du gîte que je louais pour un temps. C’est donc aussi son idéal. Mais, lui et moi, nous avons pourtant si peu en commun. Son premier livre, écrit adolescent, Le Cahier noir, ça, c’est bien, je trouve. Rien ne m’a vraiment plu, en fait, au festival d’Avignon, à part quelques Sujets à vif qu’il n’a pas programmés. De la fiction, de la fiction, des histoires, une sorte de dépression, pas d’invention, pas de « présent », un retour arrière, parfois des répétitions mignonnes des chef d’œuvres dont il nous reste (forcément) la mémoire… Toute cette programmation, je me disais (ce que j’en avais vu, mais personne n’avait été capable de m’expliquer que j’avais vraiment loupé quelque chose), correspondait en fait assez exactement à la gueule qu’il jouait sur les photos : tourmentée. C’était ça, la cohérence. Mais ça ne suffisait pas. Ça sonnait faux (d’avoir l’air consterné). « Oui, vaut mieux parler d’autre chose », disait mon président d’association quand je lui expliquais ce décalage ressentis entre le théâtre — ce théâtre — et la vitesse des changements du monde. En deuxième partie du programme des Sujets à vif avec Joëlle Léandre, à dix-huit heures, il y a Casey qui invente un texte final inouï. Ce texte-animal n’est pas publié, je le lui ai demandé, elle vient de l’écrire pour ce spectacle. Il est du niveau d’Une saison en enfer (et aussi, bien sûr, la manière dont elle le dit). Si quelqu’un pouvait me l’enregistrer à l’iPhone, par exemple, ce serait merveilleusement gentil — car, pour ne pas en perdre une miette, je n’ai noté que la dernière phrase que voici : « Je voudrais juste un peu de calme profond et de féerie ». Yes !

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T he problem of Pain