Saturday, February 17, 2018

Qu’est Hécube pour lui ? Qu’est-il pour Hécube ?
J’adore cette phrase (avec les comédiens)

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D ’un bout à l’autre d’Hamlet on ne parle que de deuil


« Je vous l’ai dit au départ, c’est une tragédie du monde souterrain : le ghost surgit d’une inexpiable offense.
Ophélie apparaît, dans cette perspective, neutre, rien d’autre qu’une victime offerte à cette offense primordiale. Le meurtre de Polonius et le ridicule traînage de son cadavre par le pied, par un Hamlet qui devient soudain littéralement déchaîné et s’amuse à narguer tout le monde qui lui demande où est le cadavre, et qui s’amuse
à proposer toute une série d’énigmes de fort mauvais goût dont le sommet culmine dans la formule :
« Hide fox, and all after. » [IV, 2, 29]
Ce qui est évidemment une référence à une espèce de jeu de cache-tampon. Cela veut dire : « Le renard est caché, courons après ! » Le meurtre de Polonius et cette extraordinaire scène du cadavre caché au défi de la sensibilité et de l’inquiétude de tout l’entourage n’est encore qu’une dérision de ce dont il s’agit, à savoir : d’un deuil non satisfait. »

« Aussi bien sur la question du deuil ne pouvons-nous ne pas être frappés que dans tous les deuils qui sont majeurs, qui sont mis en question dans Hamlet, toujours revient ceci : que les rites ont été abrégés, clandestins. Polonius est enterré sans cérémonie, secrètement, à la va-vite, pour des raisons politiques.
Et vous vous souvenez de tout ce qui se joue autour de l’enterrement d’Ophélie, de la discussion de savoir comment il se fait que très probablement, étant morte l’ayant voulu, s’étant noyée d’une façon délibérée...
du moins est-ce l’avis du populaire
...néanmoins elle est enterrée en terre sainte, en terre chrétienne, néanmoins quelque chose du rite chrétien lui est accordé, les fossoyeurs n’en doutent pas. Si elle n’était pas une personne d’un rang si élevé, on l’aurait traitée autrement, de la façon dont le prêtre articule que cela aurait dû être, car lui n’est pas d’avis qu’on lui rende ces honneurs funéraires. On l’aurait jetée en terre non consacrée, on aurait accumulé sur elle les tessons et les détritus de la malédiction et des ténèbres.
Le prêtre n’a consenti qu’à des rites abrégés eux aussi. »

« in the blossoms of my sin »

« Bien sûr, ce que je viens de dire du deuil dans Hamlet ne nous permet pas de voiler :
— que le fond de ce deuil c’est — dans Hamlet comme dans Œdipe — un crime,
— que jusqu’à un certain point tous ces deuils se succèdent en cascade comme les suites, les séquelles, les conséquences du crime d’où part le drame. »

« Il meurt sur un lit de fleurs, nous dit le texte shakespearien »

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L a Vie est un songe


« Tout n'est plein ici bas que de vaine apparence, 
Ce qu'on donne à sagesse est conduit par le sort, 
L'on monte et l'on descend avec pareil effort, 
Sans jamais rencontrer l'état de consistance.

Que veiller et dormir ont peu de différence, 
Grand maître en l'art d'aimer, tu te trompes bien fort 
En nommant le sommeil l'image de la mort, 
La vie et le sommeil ont plus de ressemblance.

Comme on rêve en son lit, rêver en la maison,
Espérer sans succès, et craindre sans raison,
Passer et repasser d'une à une autre envie,

Travailler avec peine et travailler sans fruit, 
Le dirai-je, mortels, qu'est-ce que cette vie ? 

C'est un songe qui dure un peu plus qu'une nuit. »

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V otre corps et l’eau ne font qu’un


« Le terme « ukiyo » (le monde flottant), vient de la tradition bouddhique qui enseigne que les plaisirs terrestres sont fugitifs : tout est évanescent, changeant, éphémère, bref flottant. Cette incertitude fondamentale conduit au flottement qui accompagne le Tao : le Tao enseigne la relativité de toute chose. La perception asiatique du monde est tout en gammes de gris ; rien n’est blanc ou noir ; rien n’est fondamental. Cette perception est le reflet d’un monde toujours changeant, en perpétuelle évolution : comment formaliser un monde flottant par des certitudes ? Ce flottement explique la conviction asiatique que le monde échappe largement aux tentatives de captures ; en particulier il résiste à l’analyse rationnelle qui souhaiterait le modéliser. Il n’existe pas de filet intellectuel qui pourrait retenir la réalité. Le monde est fluide, il passe à travers les mailles les plus fines.
[…] Alan Watts, grand vulgarisateur du Zen en occident, utilise avec beaucoup de pertinence l’analogie suivante : vivre dans un monde flottant s’apparente à apprendre à nager : « si vous essayez de marcher sur l’eau, vous essayez de la saisir, et vous vous noyez. […] Pour nager, vous devez vous relaxer, offrir votre corps à l’élément liquide. Si vous vous laisser aller, vous constater que l’eau vous maintient ; en fait d’une certaine façon votre corps et l’eau ne font qu’un ». »

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L a Douleur


« LAERTES
Too much of water hast thou, poor Ophelia,
And therefore I forbid my tears. But yet
It is our trick; nature her custom holds,
Let shame say what it will. When these are gone,
The woman will be out. — Adieu, my lord.
I have a speech of fire, that fain would blaze,
But that this folly drowns it. » 

Eau folie 

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E nseignement


« all we can say about them [the words] is that they seem to like people to think and to feel before they use them, but to think and to feel not about them, but about something different. »

« They hang together, in sentences, in paragraphs, sometimes for whole pages at a time. They hate being useful; they hate making money; they hate being lectured about in public. In short, they hate anything that stamps them with one meaning or confines them to one attitude, for it is their nature to change.
Perhaps that is their most striking peculiarity – their need of change. It is because the truth they try to catch is many-sided, and they convey it by being themselves many-sided, flashing this way, then that. Thus they mean one thing to one person, another thing to another person; they are unintelligible to one generation, plain as a pikestaff to the next. And it is because of this complexity that they survive. »

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« Celui à qui les choses cachées appartiennent est au-delà de tous les contraires. »

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Orléans, stage du 4 au 15 juin


Je crois qu’on ne peut pas imaginer de différence plus grande qu’entre les spectacles de Laurent Chétouane et les miens. Pourtant nous sommes amis. Il y a un passage. Nous sommes amis parce que je fais l’expérience de ses pièces (qui sont des pièces d’amitié). J’aime le travail de Laurent Chétouane parce qu’il est vrai. Il a découvert ça : que la danse pouvait se danser en vrai — pas en illusion, mais en vrai. Et c’est ce que j’essaye aussi de proposer : quelque chose, on peut dire, de naturel, de non spectaculaire, de mineur. On est dans un monde d’absolu mensonge donc c’est à la fois difficile et facile de proposer quelque chose de vrai. Souvent on entend un interprète dire dans mes spectacles qu’il n’y a pas de spectacle (c’est une phrase qui revient). Non, au fond, il n’y a pas de spectacle. Il n’y a pas ce dehors spectaculaire qu’on nous propose. « Le rose qu’on nous propose », comme le chante Alain Souchon dans Foule sentimentale. Ce dehors de carton-pâte. Mais, dans ce décor, il y a le réel. Il y a ce que les gnostiques appellent la divinité intérieure (j’avais appelé un spectacle — je crois que ça venait de Shakespeare — Le Parc intérieur), c’est-à-dire un endroit à l’air libre, vrai, mais qui est à l’intérieur, réel. Laurent Chétouane réussit à mettre le « inward » « outward » — comment le dire en français ? le « vers l’intérieur » « vers l’extérieur ». Il s’agit d’un stage absolument expérimental. Avec Laurent, c’est très facile, il est tout le temps dans l’« experiment » et, moi aussi, j’essaye d’inventer chaque fois une première fois. Tout se passe avant la mort. Alors. Etre Dieu (j’ai donné plusieurs stages sous ce titre : Jouer Dieu), c’est avant la mort. To be or not to be. Mais la divinité — la liberté —, elle est à délivrer, prisonnière. Faible, fragile, vivante. Vous êtes des animaux avec des vêtements posés sur vous en vrac, des singes habillés, des chiens habillés. C’est aussi bête que ça. Les spectacles de Laurent Chétouane, pourtant très beaux, ont peut-être peu à voir avec la beauté (la symétrie) — question centrale chez Pina Bausch, par exemple, et sans doute chez William Forsythe — ou la laideur. Je n’ai jamais rencontré cela nulle part ailleurs.
Yves-Noël Genod

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F aire le fou


« Vous voyez, comme y jouant un rôle essentiel, ces personnages divers qu’on appelle les clowns, qu’on appelle les fous de la Cour qui sont à proprement parler ceux qui, ayant leur franc-parler, peuvent se permettre de dévoiler les motifs les plus cachés, les traits de caractère des personnes que la politesse interdit d’aborder franchement. C’est quelque chose qui n’est pas simplement cynisme et jeu plus ou moins injurieux du discours, c’est essentiellement par la voie de l’équivoque, de la métaphore, du jeu de mots, d’un certain usage du concetti, d’un parler précieux, de ces substitutions de signifiants sur lesquels ici j’insiste quant à leur fonction essentielle : ils donnent à tout le théâtre de Shakespeare un style, une couleur, qui est absolument caractéristique de son style et qui en crée essentiellement la dimension psychologique.
Le fait qu’Hamlet soit un personnage angoissant plus qu’un autre, ne doit pas nous dissimuler que la tragédie d’Hamlet c’est la tragédie qui — par un certain côté, au pied de la lettre — porte ce fou, ce clown, ce faiseur de mots au rang du zéro. Si par quelque raison on devait ôter cette dimension d’Hamlet de la pièce de Shakespeare, plus des quatre cinquièmes de la pièce disparaîtraient comme l’a remarqué quelqu’un.
Une des dimensions où s’accomplit la tension d’Hamlet, c’est cette perpétuelle équivoque, celle qui nous est en quelque sorte dissimulée par le côté, si je puis dire, masqué de l’affaire.
Je veux dire, ce qui se joue entre Claudius, le tyran, l’usurpateur et le meurtrier Hamlet, c’est à savoir le démasquage des intentions d’Hamlet, à savoir pourquoi il fait le fou.
Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est la façon dont il fait le fou, cette façon qui donne à son discours cet aspect quasi maniaque, cette façon d’attraper au vol les idées, les occasions d’équivoque, les occasions de faire briller un instant devant ses adversaires cette sorte d’éclair de sens. 
Il y a là-dessus dans la pièce, des textes où ils se mettent eux-mêmes à construire, voire à affabuler. Cela les frappe non pas comme quelque chose de discordant, mais comme quelque chose d’étrange par leur tour de spéciale pertinence. C’est dans ce jeu qui n’est pas seulement un jeu de dissimulation, mais un jeu d’esprit, un jeu qui s’établit au niveau des signifiants, dans la dimension des sens, que se tient ce qu’on peut appeler l’esprit même de la pièce.
C’est à l’intérieur de cette disposition ambiguë qui fait de tous les propos d’Hamlet, et du même coup de la réaction de ceux qui l’entourent, un problème où le spectateur lui-même, l’auditeur, s’égare et s’interroge sans cesse, c’est là qu’il faut situer la base, le plan sur lequel la pièce d’Hamlet prend sa portée. Et je ne le rappelle ici que pour vous indiquer qu’il n’y a rien d’arbitraire, ni d’excessif à donner tout son poids à ce dernier petit jeu de mots sur le foil

Voici donc la caractéristique de la constellation dans laquelle s’établit l’acte dernier, le duel entre Hamlet et celui qui est ici une sorte de semblable ou de double plus beau que lui-même. »

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U ne sorte de disponibilité fondamentale


« Et pourtant Hamlet semble une fois de plus tendre le cou, comme si rien en somme ne pouvait en lui s’opposer à une sorte de disponibilité fondamentale. 
Sa réponse est là tout à fait significative.
— « Monsieur, je vais me tenir dans cette salle n’en déplaise à sa Majesté, c’est mon heure de délassement; qu’on apporte les fleurets, au bon vouloir du gentilhomme, et si le roi persiste dans sa décision, je le ferai gagner si je peux ; sinon, je ne gagnerai rien que ma courte honte et les bottes reçues. » [V,2]
Voilà donc quelque chose qui, dans l’acte terminal, nous montre la structure même du fantasme : au moment où il est à la pointe de sa résolution, enfin, comme toujours à la veille de sa résolution, le voilà qui se loue littéralement à un autre et encore pour rien, de la façon la plus gratuite, cet autre étant justement son ennemi et celui qu’il doit abattre. Et ceci, il le met en balance avec les choses du monde, premièrement qui l’intéressent le moins, à savoir que ce n’est pas à ce moment-là tous ces objets de collection qui sont sa préoccupation majeure, mais qu’il va s’efforcer de gagner pour un autre. »

Avec Laërte, une relation spéculaire, une réaction en miroir, il est absorbé par l’image de l’autre

« Celui qu’on admire le plus est celui qu’on combat.
Celui qui est l’Idéal du moi c’est aussi celui que — selon la formule hegelienne de l’impossibilité des cœxistences — on doit tuer. Ceci Hamlet ne le fait que sur un plan que nous pouvons appeler désintéressé, sur le plan du tournoi.
Il s’y engage d’une façon qu’on peut qualifier de formelle, voire de fictive. C’est à son insu qu’il entre en réalité tout de même dans le jeu le plus sérieux. »

« c’est une des fonctions d’Hamlet de faire tout le temps des jeux de mots, des calembours, des doubles sens, de jouer sur l’équivoque. »

« I’ll be your foil, Laertes. In mine ignorance 
Your skill shall, like a star i’th’darkest night, 
Stick fiery off indeed. »

Foil : jeu de mot, fleuret  mais ici écrin
« Je ne vais être ici que pour mettre en valeur votre éclat d’étoile dans la noirceur du ciel en combattant avec vous. »

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Titre : Infinite Amount of Water 

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