« L’envers de ce qui est au-dedans de nous »
Pièce somptueuse mise en scène dans une très grande réussite par Stanislas Nordey au théâtre de la Colline à Paris. Bien sûr, ce n’est pas la lecture du texte « objectiviste » sur Gaza au moment de l’opération de l’armée israélienne appelée « Plomb durci » par Franck Smith lundi soir au Point Ephémère (que des horreurs, mais dites avec la neutralité la plus effrayante, la plus « possible »). Ici, ce n’est pas pareil, il faut supporter le théâtral, mais si on le supporte — et si on l’aime — alors la pièce restera inoubliable. Et l’un des challenge, m’a dit Thomas Gonzalez est, bien sûr, de tenir à distance le pathos — mais avec les moyens du théâtre. C’est-à-dire des acteurs, une distribution parfaite vraiment. Valérie Dréville est là aussi. Elle m’a fait rire au début (comme j’étais encore avec elle au théâtre du Rond-Point), mais après cet éclat de rire que je n’ai pas pu réfréner, j’ai été emporté de bout en bout. Les personnages sont vraiment des pauvres gens, mais la pièce décrit la beauté du monde, du réel, la beauté des sensations mêmes que ressentent ces pauvres anti-héros, ces pauvres fous banals. La partie centrale, feu, là aussi où la scénographie est la plus belle — est surnaturelle de splendeur. Quand je dis que c’est une réussite de Stanislas Nordey, je veux dire que je n’imagine pas une autre façon de faire que la sienne, de porter la pièce face public avec les didascalies. La seule autre solution serait le cinéma. Hors nous voyons le film. Par la façon du théâtre tel que le radicalise Nordey.
« Où court cette biche écrite dans la forêt écrite ?
Irait-elle s’abreuver au bord de l’eau écrite
qui copie son museau comme le papier-carbone ?
Pourquoi lève-t-elle la tête, entend-elle qqch ?
Elle emprunte ses pattes à la réalité
et, sous mes doigts, elle tend l’oreille.
Silence — ce mot aussi gratte sur le papier
en écartant
les branches, droit sorti du mot « forêt ». »
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