« John Keats : « The
poetry of earth is never dead / La poésie de la terre ne meurt jamais. » Un tel
vers m’attache à lui. Il témoigne que le monde, pour Keats, est un flux
incessant. Sur sa tombe, (cimetière acatholique de Rome, sorte de réserve
protégée de xixe siècle dans aujourd’hui,) il a voulu écrire: « Here lies one
whose name was written on water / Ci-gît quelqu’un dont le nom fut écrit sur de
l’eau. » D’une certaine façon, un être est un jeu passager de la lumière et du
courant, ensuite il rejoint l’eau anonyme, ensuite se réalise le cher vœu
keatsien, notre cher vœu commun : to fade away, to dissolve, s’effacer,
s’évanouir.
Emily Dickinson : les
majuscules les plus envoûtantes de son œuvre ne sont pas celles qui grandissent
Dieu, la Crainte, l’Horizon ou même Nous. Mais celles qui élèvent en majesté le
Rouge-Gorge, l’Abeille et même (et surtout) le Balai, les Miettes. On peut lire
cette pratique comme signe d’une profonde pulsion à hypostasier les choses, les
êtres, pour qu’il n’y ait plus finalement qu’un conflit d’essences, pour que le
Monde possède une puissance comparable à celle de Dieu effroyable. Mais aussi,
on peut croire qu’il s’agit pour elle d’atténuer la taille du poète (un I par
principe majuscule), de l’égaliser avec tout le reste, d’amener l’autour à sa
hauteur. Maintenant, « I » se promène dans les Allées du Jardin et butine
d’égale à égale avec l’Abeille, maintenant elle possède les ailes du
Rouge-gorge et son torse de Couchant. »
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