Wednesday, November 16, 2011

Mémoire de l'oubli




« On se souvient de sa propre vie, écrit quelque part Schopenhauer, un peu plus que d'un roman qu'on aurait lu par le passé. Oui, c'est cela : un peu plus seulement. »

Labels:



Photos Felix Ott.

Labels:

Ce calme immense de la mélancolie ou voulais-je dire de la météorite…











J’entends, dans ma maison (l’hôtel), des bruits de voix. Comment résonner ? Comment attendre ? Comment ne rien dire ? Lire une ligne du blog de Pierre (le blog de pierre). Et puis – la fenêtre – énumérer. Enumérer les bonheurs de l’île. L’île rend obsolète la métropole, la télévision de la métropole. Je me suis forcé à regarder « Le Petit journal », quelle lourdeur… Toujours les infatigables, toujours Nicolas Sarkozy tous les jours en visite quelque part et toujours « Le Petit journal » qui le suit comme tous les jours... Les journaux de la métropole aussi semblent faux, peuplés de stress, de combats, d’épisodes judiciaires… Les comédiens sont des fous, mais je comprends les comédiens. Blaise Pascal ne dit-il pas : « L’homme est si naturellement fou que c’est l’être encore que de ne pas l’être. » (Nathalie Sarraute citait cette phrase*) ? Avec mes amis, Felix M. Ott et Philippe Tlokinski, je suis servi ! Nous sommes trois fous, mais nous nous tenons en équilibre sur la vie. Quel talent incroyable (je le vois sur eux) que d’être fou ! Toujours sur le fil, toujours sérieusement sur le fil, la vraie vie (pas d’états d’âme)… La représentation s’est très bien passée, nous avons eu beaucoup de plaisir, le public aussi. Les deux gamins se sont amusés. Felix en riait encore. Il en riait tellement qu’il n’a pas dormi de la nuit. Et puis aussi la maladie, complètement malade. Il avait faim aussi… Oh, non, j’arrête… Je ne peux pas raconter la vie de Felix ou celle de Philippe, je ne peux pas… Il a pris un petit-déjeuner à six heures (je termine ma phrase, mais je m’arrête). On a été dans la montagne. C’est pas loin, c’est tout près. Les cascades, tout ça. Quand même, tout est à sec. On n’a trouvé une rivière qu’à la toute fin, dans le noir. Je me suis baigné, mais les bichons ont eu peur. On est rentré manger au Barachois, encore près de la mer – je veux dire, près de l’eau noire –, celle-ci aux requins. Il n’y a qu’un danger dans l’île, ce sont les requins qui l’entourent et qui, en ce moment, on ne sait pas pourquoi, sont particulièrement excités (on ne peut pas mettre un orteil, on se le fait bouffer). Mais, sur l’île elle-même, il n’y a pas un serpent venimeux, pas un scorpion, pas une mygale dans la végétation tropicale. C’est pour ça que je n’ai pas eu peur dans l’eau noire de la rivière, au contraire, sacrée. Je pensais à Jorge Luis Borges, sa nouvelle, L’Immortel, l’homme qui cherche partout sur la terre le fleuve qui donne l’immortalité (puisqu’il y en a un). Là-haut, dans la montagne, on a visité une maison coloniale merveilleuse, une sorte de maison d'Anton Tchékhov, une maison de poupée, entourée – ouverte comme en été – de végétation. Je me souviens de quoi ? Le guide. D’abord un homme, ensuite une femme. J’ai préféré la femme. Elle a parlé d’un bambou qui grandit d’un mètre cinquante par jour : on l’entend et on le voit grandir. (On l’utilisait comme élément de torture en Asie, on mettait quelqu’un sur une chaise et ça l’empalait.) On nous a présenté les bois qui ne pourrissent jamais : le bois de fer et le bois de natte. On nous a présenté le bois dont on ne fait pas les lits car il est anaphrodisiaque, qu’on appelle aussi le bois de contrebande. La pomme de terre qui pousse en l’air et qu’on appelle pomme en l’air. Le cochon végétal (parce que tout est bon, de la racine au fruit), le pain de singe, fruit du baobab… Des chapeaux qui ne pèsent rien. La console pour consoler (la fiancée). Le village s’appelle Hell-Bourg, mais ça n’a rien à voir avec l’enfer, soit-disant – comme Nevers qui n’a rien à voir avec jamais –, mais avec le nom d’un gouverneur qui s’appelait Monsieur de Hell. Un endroit merveilleux, de toute façon. On était assommé dans l’après-midi parce qu’on n'a pas pu partir tôt, mais la soirée a été magnifique. Et comme toujours sous les tropiques, la nuit noire tombe si vite. Je pensais, je l’ai dit à Felix pendant qu’on attendait Philippe qui s’était fait rouvrir l’atelier d’objets en bambou pour touristes (il veut ramener des cadeaux pour ses femmes en Pologne), qu’on doit bien dormir à Hell-Bourg, l’air y est très pur, on se sent protégé. La montagne, moi, me protège. Je suis né là-dedans, c’était comme ça, c’était protecteur, c’était le cœur, rien d’oppressant, la force, l’odeur, la végétation comme sur les murs de Patrick Blanc.






* « Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie de n'être pas fou. »

Labels:

Feuille de salle


Felix M. Ott, Philippe Tlokinski.






Né en 1972, Yves-Noël Genod a travaillé avec les plus grands.
Après une formation de comédien à l'école d'Antoine Vitez du théâtre national de Chaillot,Yves-Noël Genod travaille avec Claude Régy, François Tanguy au Théâtre du Radeau du Mans, et Julie Brochen pour Le Cadavre vivant, de Tolstoï. Il se forme également à la danse en suivant divers stages et ateliers, abordant notamment l'improvisation et la performance avec Mark Tomkins et Julyen Hamilton, la danse classique avec Wayne Byars. Homme de théâtre qui danse à l'occasion, il est l'interprète du chorégraphe Loïc Touzé. Metteur en scène depuis 2003, il crée de nombreux spectacles iconoclastes aux frontières du show, de la performance, du théâtre et de la danse, tels Dior n'est pas Dieu, les one man shows En attendant Genod et Pour en finir avec Claude Régy, et Le Dispariteur, du nom de la compagnie qu'il a créée. Cette pièce est jouée en partie dans une obscurité totale. En 2009, il revient à Chaillot et présente au Studio Yves-Noël Genod. Ce qui devait à l'origine être un solo dansé aboutit à une pièce pour cinq interprètes inspirée d'un projet de « ballet de SDF » et du spectacle Blektre créé en 2007 sur un texte de Nathalie Quintane. Pratiquant son art en équilibriste, entre mise en scène et improvisation, Yves-Noël Genod remet son théâtre en question à chacune de ses créations « non préméditées », rassemblant des artistes d'horizons divers. Attentif à conserver une grande liberté aux acteurs, il exerce pleinement celle qui lui est donnée de mettre en forme ses rêves.

« Mes spectacles sont à l'image des multiples facettes que voudrait interpréter un acteur. » Yves-Noël Genod



Réunion des scènes infinie recontextualise une proposition pour le Off du festival d'Avignon, en 2010. S'appuyant sur le poème de William Shakespeare, Vénus & Adonis, Yves-Noël Genod se confronte à deux interprètes, l'un, Felix Ott, qui a déjà joué Adonis, en 2009, dans un premier spectacle sur ce thème (intitulé Vénus & Adonis, au théâtre de Gennevilliers) et l'autre, Philippe Tlokinski, dont la rencontre-coup de foudre s'est produite exactement pendant l'une des représentations du spectacle d'Avignon (intitulé Le Parc intérieur). Ces deux excellents acteurs se sont également occupés de la lumière et du son pour cette nouvelle version réunionnaise.

Philippe Tlokinski, après des études en France, à l'école de la Comédie de Saint-Etienne, joue, en France et en Belgique, sous la direction de Ludovic Lagarde (Oui, dit le très jeune homme, de Gertrude Stein), Séverine Chavrier (Série B – Ballard J. G.) et Yves-Noël Genod (1er avril). Il revient, cet automne, dans son pays d'origine pour des séries télévisées, l'une quotidienne et l'autre hebdomadaire et découvre donc, en Pologne, une certaine vie de vedette : manager véreux, lunettes, paparazzi, fan club...

Felix M. Ott, enfant de la balle, travaille dès son plus jeune âge avec ses parents comédiens. Après des études, en Allemagne, de danse contemporaine et de scénographie, il fréquente, en France, les scènes de Boris Charmatz, Maud Le Pladec, Mathilde Monnier et d'Yves-Noël Genod (Felix, dancing in silence ; Yves-Noël Genod ; Vénus & Adonis ; Hamlet ; 1er avril). A Berlin, il joue avec Krzysztof Warlikowski (The Rake's Progress). Il tourne avec Caroline Deruas (Les Enfants de la nuit). Pour ses propres projets, il reçoit, de la communauté européenne, une importante bourse de soutien d’une durée de cinq ans et d’aide à la production à travers plusieurs villes d’Europe.

Labels:

Dans « Danser », le supplément pour présenter le festival Total Danse, à La Réunion, quelques belles phrases me concernant (de Philippe Verrièle ?) :
« (…) Selon les spectacles, il peut avoir l’air angélique ou diabolique, sage ou malin, mais toujours raffiné et ironique. Il ne renverse pas les codes de la représentation, mais leur permet de voler en liberté. Et comme il est lui-même le premier surpris par ses créations, découvrons donc celle-ci en même temps que lui ! »